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ple avoit efté détruit par Adrien, qui pendant qu'il eftoit encore particulier, ayant trempé une feüille dans la Fontaine Caftalienne, (car il y en avoit une de ce nom à Daphné auffi bien qu'à Delphes,) avoit trouvé fur cette feuille en la retirant de l'eau, l'Hiftoire de ce qui luy devoit arriver, & des avis de fonger à l'Empire. Il craiguit, quand il fut Empereur, que cet Oracle ne donnaft le mefme confeil à quelque autre, & il fit jetter dans la Fontaine facrée une grande quantité de pierres dont on la boucha. Il y avoit beaucoup d'ingratitude dans ce procedé; mais Julien † rouvrit la Fontaine, il fit ofter d'alentour les Corps qui y eftoient enterrez, & purifia le lieu de la mefme maniere, dont les Atheniens avoient autrefois purifié l'ICle de Delos.

Julien fit plus. Il voulut eftre Prophete de l'Oracle de Didime. C'eftoit le moyen de remettre en honneur la Prophetie qui n'eftoit plus guere eftimée. Il eftoit Souverain Pontife, puis qu'il eftoit Empereur, mais les Empereurs n'avoient pas coûtume de faire grand ufage de cette Dignité Sacerdotale. Pour luy, il prit la chofe bien plus ferieufement, & nous voyons dans une de fes Lettres qui font venues jufqu'à nous, qu'en qualité de Souverain Pontife, il défend à un Preftre Païen de faire pendant trois mois aucune fonction de Preftre. La Lettre qu'il écrit à Arface, Pontife de la Galatie, nous apprend de quelle maniere il fe prenoit à faire refleurir le Paganifme. Il fe félicite d'abord des grands effets que fon zele a produits en fort peu de temps. Il juge que le meilleur fecret pour rétablir le Paganime, eft d'y tranfporter les vertus du Chriftianifme, la Charité pour les Etrangers, le foin d'enterrer les Morts, & la Sainteté de vie que les Chrêtiens, dit-il, feignent fi bien. Il veut que ce Pontife, par raifon cu par me naces, oblige les Preftres de Galatie à vivre regulierement; à s'abstenir des Spectacles, & des Cabarets; à quitter tous les emplois bas ou infames; à s'adonuer unique

* Sofomene.

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Ammian Marcellin.

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& on faifoit publiquement des repas de victimes immolées. Ceux qui eftoient initiez aux Misteres de Bachus les célébroient fans crainte, ils couroient avec des Boucliers, déchiroient des Chiens, & faifoient toutes les extravagances que cette devotion demandoit.

Valentinien fon Frere qui eut l'Occident, fut plus zelé pour la gloire du Chriftianifme, cependant fa conduite ne fut pas auffi ferme qu'elle euft dû eftre. Il avoit fait une Loy par laquelle il défendoit toutes les a cérémonies nocturnes. Prétextatus, Proconful de la Gréce, luy reprefenta qu'en oftant aux Grecs ces céré monies aufquelles ils étoient tres-attachez, on leur rendoit la vie tout-à-fait defagréable. Valentinien fe laiffa toucher, & confentit que fans avoir d'égard à fa Loy on pratiquaft les anciennes coûtumes. Il eft vray que c'eft Zofime, un Payen, de qui nous tenons cette Hiltoire; on peut dire qu'il l'a fuppofée pour donner à croire que les Empereurs confideroient encore les Payens. On peut répondre auffi que Zofime, dans l'eftat où eftoient les affaires de fa Religion, devoit eftre pluftoft d'humeur à fe plaindre du mal qu'on ne luy faifoit pas, qu'à fe louer d'une grace qu'on ne luy auroit pas faite.

Ce qui eft conftant, c'eft que l'on a des infcriptions & de Rome & d'autres Villes d'Italie, par lefquelles il paroift que fous l'Empire de Valentinien des perfonnes de grande confideration firent les Sacrifices nommez Taurobolia & Criobolia, c'eft-à-dire Afperfion de fang de Taureau, ou de fang de Belier. Il femble mefme par la quantité des Inferiptions, que cette céré monie ait efté principalement à la mode du temps de Valentinien, & des deux autres Empereurs du mer

me noin.

Comme elle est une des plus bizarres, & des plus fingulieres du Paganifine, je croy qu'on ne fera pas fâché de la connoiftre. Prudence qui pouvoit l'avoir veije, nous la décrit affez au long.

On creufoit une fofle aflez profonde, où celuy pour

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qui

qui fe devoit faire la cérémonie, defcendoit avec des bandelettes facrées à la tefte, avec une Couronne, enfin avec tout un équipage mifterieux. On mettoit fur la foffe un couvercle de bois percé de quantité de trous. On amenoit fur ce couvercle un Taureau couronné de fleurs 9 & ayant les cornes & le front orné de petites James d'or. On l'égorgeoit avec un couteau facré; fon fang couloit par ces trous dans la foffe, & celuy qui y eftoit, le recevoit avec beaucoup de refpect; il y prefentoit fon front, fes joües, fes bras, fes efpaules, enfin toutes les parties de fon corps, & tâchoît à n'eir laiffer pas tomber une goutte ailleurs que fur luy. Enfuite il fortoit de là hideux à voir, tout fouillé de ce fang, fes cheveux, fa barbe, fes habits tout degoutans, mais auffi il eftoit purge de tous fes crimes, & regeneré pour l'Eternité; car il paroift pofitivement par les Inferiptions, que ce Sacrifice eftoit, pour ceux qui le recevoient, une Regeneration miftique & éternelle.

Il falloit le renouveller tous les vingt ans, autrement il perdoit cette force qui s'étendoit dans tous les Siecles

à venir.

Les femmes recevoient cette regeneration auffi bier que les hommes. On y affocioit qui l'on vouloit, & ce qui eft encore plus remarquable, des Villes entieres: la recevoient par Deputez.

Quelquefois on faifoit ce Sacrifice pour le falut des Empereurs. Des Provinces faifoient leur cour d'envoyer un homme fe barbouiller en leur nom de fang de Taureau, pour obtenir à l'Empereur une longue & heureuse vie. Tout cela eft clair par les Inferiptions.. Nous voicy enfin fous Theodofe & fes Fils, à la ruïne entiere du Paganisme.

Theodofe commença par l'Egypte où il fit fermer tous les Temples. Enfuite il alla jufqu'à faire abattre celuy de Serapis le plus fameux de toute l'Egypte. Selon Strabon > il n'y avoit rien de plus gay dans toute la Religion Payenne que les Pelerinages qui fe faifoient

faifoient à Serapis. Vers le temps de certaines Fêtes dit-il, on ne fçauroit croire la multitude de gens qui defcendent fur un Canal d'Alexandrie à Canopé, où eft ce Temple. Jour & nuit ce ne font que Bateaux pleins dhommes & de femmes qui chantent & qui danfent avec toute la liberté imaginable. A Canope il y a for le Canal une infinité d'Hoftelleries qui fervent à retirer ces Voyageurs, & à favorifer leurs Divertissemens.

Auffi le Sophifte Eunapius, Payen, paroift avoir grand regret au Temple de Serapis, & nous en décrit la fiu malheureufe avec affez de bile. Il dit que des gens qui n'avoient jamais entendu parler de la guerre, fe trouverent pourtant fort vaillans contre les pierres de ce Temple, & principalement contre les riches Offrandes dont il eftoit plein: que dans ces lieux Saints of y plaça des Moines, gens infames, & inutiles, qui, pourveu qu'ils euffent un habit noir & mal propre, prenoient une autorité tirannique fur l'efprit des Peuples, & que ces Moines au lieu des Dieux que l'on voyoit par les lumieres de la raifon, donnoient à adorer des Teftes de Brigands punis pour leurs crimes, qu'on avoit falées afin de les conferver. C'est ainsi que cet Impie traite les Moines & les Reliques; il faloit que la licence fuft encore bien grande du temps qu'on écri voit de pareilles chofes fur la Religion des Empereurs. Ruffin ne manque pas de nous marquer qu'on trouva le Temple de Serapis tout plein de chemins couverts & de machines difpofées pour les fourberies des Preftres. Il nous apprend entre autres chofes qu'il y avoit à l'Orient du Temple une petite feneftre, par où entroit à certain jour, un rayon du Soleil qui alloit donner fur la bouche de Serapis. Dans le mefme temps on apportoit un Simulacre du Soleil qui eftoit de fer, & qui eftant attiré par de l'aimant caché dans la voûte, s'élevoit vers Serapis. Alors on difoit que le Soleil falüoit ce Dieu; mais quand le Simulacre de fer retomboit, & que le rayon fe retiroit de deffus la bouche de Serapis,le Soleil luy avoit affez fait fa cour, & il alloit à fes affaires.

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