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qu'il mift les cinq doigts fur l'Autel, & enfin qu'il por taft fa main fur les yeux. Aprés tout cela l'Aveugle vit, le Peuple en fut témoin, marque la joye qu'il avoit de voir arriver de fi grandes merveilles fous noftre Empereur Antonin. Les deux autres guerifons font moins furprenantes, ce n'eftoit qu'une plurefie, & une perte de fang, defefperées l'une & l'autre, à la verité, mais le Dieu avoit ordonné à fes Malades des Pommes de Pim avec du Miel & du Vin avec de certaines cendres. qui font des chofes que les Incredules peuvent prendre pour de vrais Remedes.

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Ces Infcriptions pour éftre Greques, n'en ont pas efté moins faites à Rome. La forme des Lettres & l'Ortographe na paroiffent pas eftre de la main d'un Sculpteur Grec. De plus quoy qu'il foit vray que les Romains faifoient leurs Inferiptions en Latin, ils ne laiffoient pas d'en faire quelques-uns d'en faire quelques-uns en Grec, principalement lors qu'il y avoit pour cela quelque raifont particuliere. Or il eft affez vray femblable qu'on ne fe fervit que de la Langue Greque dans le Temple d'E culape, , parce que c'eftoit un Dieu Grec, & qu'on avoit fait venit de Grece pendant cette grande Pefte dont tout le monde fçait l'Hiftoire.

Cela mefme nous fait voir que cet Oracle d'Efcula-pe n'étoit pas d'Inftitution Romaine, & je croy qu'on trouveroit auffi à la plupart des Oracles d'Italie une origine Greque, fi l'on vouloit le donner la peine de la chercher.

Quoy qu'il en foir, le petit nombre d'Oracles qui eftoient en Italie, & mefme à Rome ne fait qu'une exception tres-peu confiderable à ce que nous avons avancé: Efculape ne fe mêloit que de la Medecine, & n'avoit nulle part au Gouvernement. Quoy qu'il fçut rendre la venë aux Aveugles, le Senat ne fe fuft pas fié à luy de la moindre affaire. Parmy les Romains les Particuliers pouvoient avoir foy aux Oracles, s'ils vouloient, mais l'Etat n'y en avoit point. C'eftoient les Sibilles & les entrailles des Animaux qui gouvernoient,

moient, & une infinité de Dieux tomberent dans le mépris, lors qu'on vit que les Maîtres de la Terre ne daignoient pas les confulter.

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CHAPITRE VI.

Seconde caufe particuliere de la décadence des Oracles.

Ly a icy une difficulté que je ne diffimuleray pas Dés le temps de Pirrhus Apollon étoit réduit à la Profe, c'eft-à-dire les Oracles commençoient à

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décheoir; & cependant les Romains ne furent Maiftres de la Gréce que long-temps aprés Pirrhus ; & depuis Pirrhus jufqu'à l'établiffement de la domination Romaine dans la Gréce, il y eut en tout ce païs-là autant de Guerres & de mouvemens que jamais, & autant de fujets importans d'aller à Delphes.

Cela eft tres-vray. Mais auffi du demps d'Alexandre, & un peu avant Pirrhus, il fe forma dans la Gréce de grandes Sectes de Philofophes qui fe moquoient des Oracles; les Ciniques; les Peripateticiens s les Epicuriens. Les Epicuriens fur tout ne faifoient que plaifanter des méchans Vers qui venoient de Delphes; car les Preftres les faifoient comme ils pouvoient: fouvent mefme péchoient-ils contre les regles de la mefure, & ces Philofophes railleurs trouvoient fort mauvais qu'Apollon le Dieu de la Poëfie, fuft infiniment au deffous d'Homere, qui n'avoit efté qu'un fimple mortel, infpiré par Apollon mefme.

On avoit beau leur répondre, que la méchanceté mefme des Vers marquoit qu'ils partoient d'un Dieu, qui avoit un noble mépris pour les regles, ou pour la beauté du ftile. Les Philofophes ne fe payoient point de cela, & pour tourner cette réponse en ridicule, ils rapportoient l'exemple de ce Peintre, à qui on avoit demandé un Tableau d'un cheval qui se roulast à ter

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re fur le dos. Il peignit un cheval qui couroit, & quand on luy dit que ce n'eftoit pas là ce qu'on luy avoit demandé, il renverfa le Tableau, & dit, Ne voila-t-il pas le Cheval qui fe roule fur le dos? C'eft ainfi que ces Philofophes fe moquoient de ceux qui par un certain raifonnement qui fe renverfoit, euffent conclu egalement que les Vers eftoient d'un Dieu, foir qu'ils euffent efté bous, foit qu'ils euffent efté méchans.

Il falut enfin que les Preftres de Delphes accablez des plaifanteries de tous ces gens-là, renonçaffent aux Vers, du moins pour ce qui fe prononçoit fur le Trépie; car hors de-là, il y avoit dans le Temple des Poetes qui de fang-froid, mettoient en Vers ce que la fureur Divine n'avoit infpiré qu'en Profe à la Pithie. N'eft-il pas plaifant qu'on ne fe contentât point de l'Oracle, tel qu'il eftoit forty de la bouche du Dieu ? Mais apparemment des gens qui venoient de loin, euffent efté honteux de ne reporter chez eux qu'un Oracle en Profe.

Comme on confervoit l'ufage des Vers le plus qu'il eftoit poffible, les Dieux ne dédaignoient point de fe fervir quelquefois de quelques Vers d'Homere dont la verfification eftoit affurément meilleure que la leur. On en trouve affez d'exemples; mais, & ces Vers empruntez, & les Poëtes gagez des Temples, doivent paffer pour autant de marques que l'ancienne Poëfie naturelle des Oracles s'eftoit fort décriée.

Ces grandes Sectes de Philofophes contraires aux Oracles dûrent leur faire un tort plus effentiel, que celuy de les réduire à la Profe. Il n'eft pas poffible qu'ils n'ouvriffent les yeux à une partie des gens raisonnables, & qu'à l'égard du Peuple mefme, ils ne rendiffent la chofe un peu moins certaine qu'elle n'eftoit auparavant. Quand les Oracles avoient commencé à paroistre dans le monde, heureufement pour eux la Philofophie n'y avoit point encore paru.

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CHAPITRE VII.

Dernieres Caufes particulieres de la décadence des Oracles.

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A fourberic de Oracles eftoit trop groffiere pour n'eftre pas enfin découverte par mile differentes avantures. Je conçoy qu'on reçut d'abord les Oracles avec avidité, & avec joye, parce qu'il n'eftoit rien plus commode que d'avoir des Dieux toujours prefts à répondre fur tout ce qui caufoit de l'inquiétude ou de la curiofité: je conçoy qu'on ne dût renoncer à cette commodité qu'avec beaucoup de peine, & que les Oracles eftoient de nature à ne devoir jamais finir dans le Paganifme, s'ils n'euffent pas efté la plus impertinente chofe du monde; mais enfin à force d'experiences, il falut bien s'en desabuser.

Les Preftres y aiderent beaucoup par l'extrême hardieffe avec laquelle ils abufoient de leur faux Miniftere. Ils croyoient avoir mis les chofes au point de n'avoir befoin d'aucuns ménagemens.

Je ne parle point des Oracles de plaifanterie qu'ils rendoient quelquefois. Par exemple, à un homme qui venoit demander au Dieu ce qu'il devoit faire pour devenir riche, ils luy répondoient agréablement, Qu'il, n'avoit qu'à poffeder tout ce qui eft entre les Villes de Sicione de Corinthe. Aufli badinoit-on quelquefois avec eux. Polemon dormant dans le Temple d'Efculape pour apprendre de luy les moyens de fe guerit de la Goutte, le Dieu luy apparut, & luy dit, Qu'il s'abftinft de boire froid. Polemon luy répondit, Que ferois-tu donc, mon bel Amy, fitu avois à guerir un Bouf? Mais ce ne font-là que des gentilleffes de Prêtes qui s'égayoient quelquefois, & avec qui on s'égayoit auffi.

Ce qui eft plus effentiel, c'eft que les Dieux ne manquoient jamais de devenir amoureux des belles Femmes: il fa

* Athenée.

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il faloit qu'on les envoyât paffer des nuits dans les Temples, parées de la main mefme de leurs Maris, & chargées de préfens pour payer le Dieu de fes peines. A la verité on fermoir bien les Temples à la vûë de tout le monde, mais on ne garantifoit point aux Maris les chemins fouterrains.

Pour moy jay peine à concevoir que de pareilles chofes ayent pû eftre pratiquées feulement une fois. Cependant Herodote nous affure qu'au huitiéme & dernier étage de cette fuperbe Tour du Temple de Belus à Babilone, eftoit un Lit magnifique, où couchoit toutes les nuits une Femme choifie par le Dieu. Il s'en faifoit autant à Thebes en Egypte, & quand la Preftreffe de l'Oracle de Patare en Licie devoit prophetifer, il faloit auparavant, qu'elle couchât feule dans le Temple où Apollon venoit l'infpirer.

Tout cela s'étoit pratiqué dans les plus épaiffes tenebres du Paganifme, & dans un temps où les Cérémonies Payennes n'eftoient pas fujettes à eftre contredites; mais à la vûe des Chreftiens le Saturne d'Alexandrie ne laiffoit pas de faire venir les nuits dans fon Temple, telle femme qu'il luy plaifoit de nommer par la bouche de Tirannus fon Preftre. Beaucoup de femmes avoient reçû cet honneur avec grand refpect, & on ne fe plaignoit point de Saturne, quoy qu'il foit le plus âgé & le moins galant des Dieux. Il s'en trouva une à la fin qui ayant couché dans le Temple, fit reflexion qu'il ne s'y eftoit rien paffé que de fort hu main, & dont Tirannus n'eût efté affez capable. Elle en avertit fon Mary, qui fit faire le Procez à Tirannus. Le malheureux avoüa tout, & Dieu fçait quel

fcandale dans Alexandrie.

Les crimes des Preftres, leur infolence, divers évenemens qui avoient fait paroiftre au jour leurs fourberies, l'obfcurité, l'incertitude & la fauffeté de leurs réponfes, auroient donc enfin décredité les Oracles, & en auroient caufé la ruine entiere, quand mefme le -Paganisme n'auroit pas dû finir.

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