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& du Nouveau Teftament n'y auroient rien entendu auprés de ces Auteurs Juifs & Payens. De quelque cofté qu'on le puifle tourner pour fauver ces Livres, on trouvera toûjours dans ce trop de clarté, une difficulté infurmontable. Si quelques Chreftiens fuppofoient bien des Livres aux Payens ou aux Juifs, les Heretiques ne faifoient pas de façon d'en fuppofer aux Orthodoxes. Ce n'eftoient que faux Evangiles, fauffes Epitres d'Apoftres, faufles Hiftoires de leur Vies, & ce ne peut eftre que par un effer de la Providence Divine, que la verité s'eft démêlée de tant d'Ouvrages aprocriphes qui l'étoufoient.

Quelques grands Hommes de l'Eglife, ont efté quelquefois trompez, foit aux fuppofitions des Heretiques contre les Orthodoxes, foit à celles des Chrétiens contre les Payens ou les Juifs, mais plus fouvent à ces dernieres. Ils n'ont pas toûjours examiné d'affez prés ce qui leur fembloit favorable à la Religion; l'ardeur avez laquelle ils combatoient pour une fi bonne caufe, ne leur laiffoit pas toûjours la liberté de choifir affezbien leurs armes. C'eft ainfi qu'il leur arrive quelquefois de fe fervir des Livres des Sibilles, ou de ceux d'Hermés Trifmegifte, Roy d'Egipte.

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On ne prétend point par là affoiblir l'autorité, ny attaquer le merite de ces grands Hommes. Aprés qu'on aura remarqué toutes les méprifes où il peuvent eftre tombez fur un certain nombre de faits, il leur restera une infinité de raifonnemens, folides & de belles découvertes, furquoy on ne les peut affez admirer. Si avec les vrais titres de noftre Religion il nous en out laillé d'autres qui peuvent eftre fufpects, c'eft à nous à ne recevoir d'eux que ce qui eft legitime, & à pardonner à leur zele de nous avoir fourny plus de titres qu'il ne nous en faur.

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H n'eft pas furprenant que ce mefme zele les ait perfuadez de la verité de je ne fçay combien d'Oracles avantageux à la Religion, qui coururent dans les premiers Siecles, de l'Eglife. Les Aureurs des Livres des

Sibilles,

Sibilles, & de ceux d'Hermés, ont bien pû l'eftre autfi de ces Oracles. Du moins il eftoit plus aifé d'en fup. pofer que des Livres entiers. L'Hiftoire de Thamus eft Payenne d'origine, mais Eufeble & d'autres grands Hommes luy ont fait l'honneur de la croire. Cependant elle eft immediatement fuivie dans Plutarque d'un autre conte fi ridicule, qu'il fuffiroit pour la décrediter entierement. Démetrius dit dans cet endroit que la pluf part des Ines qui font vers l'Angleterre, font defertes, & confacrées à des Demons & à des Heros ; qu'ayant efté envoyé par l'Empereur pour les reconnoiftre, il aborda à une de celles qui eftoient habitées; que peu de temps aprés qu'il y fut arrivé, il y eut une tempefte & des tonnerres effroyables, qui firent dire aux gens du Païs qu'aflurément quelqu'un des principaux Demons venoit de mourir, parce que leur mort eftoit toujours accompagnée de quelque chofe de funefte. A cela Demetrius ajoute que l'une de ces Ifles eft la prifon de Saturne, qui y eft gardé par Briarée, & enlevely dans un fommeil perpetuel; ce qui rend, ce me femble, le Geant affez inutile pour la garde; & qu'il eft environné d'une infinité de Demons qui font à fes pieds comme fes efclaves.

Ce Démetrius ne faifoit-il pas des Relations bien curieufes de fes Voyages? Et n'eft-il pas beau de voir un Philofophe comme Plutarque, nous conter froidement ces merveilles? Ce n'eft pas fans raifon qu'on a nommé Herodote le Pere de l'Hiftoire. Toutes les Hiftoires Grecques qui à ce compte-là, font fes Filles, tiennent beaucoup de fon genie, elles out peu de verité, mais beaucoup de merveilleux, & de chofes amufantes. Quoy qu'il en foit, l'Hiftoire de Thamus feroit prefque fuffilamment refutée quand elle n'auroit point d'autre defaut, que celuy de fe trouver dans un mefme traité avec les Demons de Démetrius.

Mais de plus, elle ne peut recevoir un fens raifonnable. Si ce grand Pan eftoit un Demon, les Demons ne pouvoient-ils fe faire fçavoir fa mort les uns aux au

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tres, fans y employer Thamus? N'ont-ils point d'autres voyes pour s'envoyer des nouvelles? & d'ailleurs font-ils fi imprudens que de reveler aux hommes leurs malheurs, & la foiblefle de leur nature? Dieu les y forçoit, direz-vous. Dieu avoit donc un deffein' mais voyons ce qui s'en enfuivit. Il n'y cut perfonne qui fe defabufaft du Paganifime pour avoir appris la mort du grand Pan. Il fut arrefté que c'eftoit le Fils de Mercure & de Penelope, & non pas celuy que l'on reconnoiffoit en Arcadie pour le Dieu de Tout, ainfi que fon nom le porte. Quoy que la Voix cuft nommé le grand Pan, cela s'entendit pourtant du petit Pan fa mort ne tira guere à conféquence, & il ne paroift pas qu'on y ait eu grand regret.

Si ce grand Pan eftoit Jefus-Chrift, les Demons n'annoncerent aux hommes une mort fi falutaire, que paree que Dieu les y contraignoit. Mais qu'en arriva-t'il ? Quelqu'un entendit-il ce mot de Pan dans fon vray fens ? Plutarque vivoit dans le fecond Siecle de l'Eglife, & cependant perfonne ne s'eftoit encore avifé que Pan fuft Jefus-Chrift mort en Judée.

L'Hiftoire de Thulis eft rapportée par Suidas, Auteur qui ramaffe beaucoup de chofes, mais qui ne les chofit guere. Son Oracle de Serapis peche de la mefme maniere que les Livres des Sibilles, par le trop de clarté fur nos Myfteres. Mais de plus ce Thulis Roy d'Egypte n'eftoit pas affurément un des Prolomées, & que deviendra tout l'Oracle, s'il faut que Serapis foit un Dieu qui n'ait efté amené en Egypte que par un Ptolomée qui le fit venir de Pont, comme beaucoup de Sçavans le prétendent fur des apparences tresfortes? Du moins il eft certain qu'Herodote, qui aime tant à difcourir fur l'ancienne Egypte, ne parle point de Serapis, & que Tacite conte tout au long comment, & pourquoy un des Ptolomées fit venir de Pont le Dieu Serapis, qui n'eftoit alors conu que là.

L'Oracle rendu à Augufte fur l'Enfant Hebreu n'eft point du tout recevable. Cedrenus le cite d'Eufebe,

& aujour

& aujourd'huy il ne s'y trouve point. Il ne feroit pas impoffible que Cedrenus citaft à faux, ou citaft quel, que Ouvrage fauflement attribué à Eufebe. Il eft bien homme à vous rapporter fur la foy de certains faux Actes de S. Pierre, qui couroient encore de fon temps, que Simon le Magicien avoit à fa porte un gros Dogue qui devoroit ceux que fon Mailtre de vouloit pas laiffer entrer; que faint Pierre voulant parler à Simon ordonna à ce Chien de luy aller dire en langage humain, que Pierre ferviteur de Dieu le demandoit; que le Chien s'acquitta de cet ordre au grand étonnement de ceux qui eftoient alors avec Simon; mais que Simon pour leur faire voir qu'il n'en fçavoit pas moins que S. Pierre, ordonna au Chien à fon tour d'aller luy dire qu'il entraft, ce qui fut executé auffi-toft. Voilà ce qui s'appelle chez les Grecs écrire l'Hiftoire. Cedrenus vivoit dans un fiecle ignorant, où la licence d'écrire impunément des Fables, fe joignoit encore à l'inclination generale qui y porte les Grecs.

Mais quand Eufebe dans quelque Ouvrage qui ne feroit pas venu jufqu'à nous, auroit effectivement parlé de l'Oracle d'Augufte, Eufebe luy-mefine fe trompoit quelquefois, & on en a des preuves conftantes. Les premiers Défenfeurs du Chriftianifme, Juftin, Tertulien, Theophile, Tatien auroient-ils gardé le filence fur un Oracle fi favorable à la Religion? ELtoient-ils affez peu zelez pour negliger cet avantage? Mais ceux mefine qui nous donnent cet Oracle le gaftent, en y ajoûtant qu'Augufte de retour à Rome, fit élever dans le Capitole un Autel avec cette Infcription; C'eft icy l'Autel du Fils unique, ou, Aifné de Dieu. Ou avoit-il pris cette idée d'un Fils unique de Dieu dont l'Oracle ne parle point?

Enfin ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'Augufte depuis le Voyage qu'il fit en Grece, 19. ans avant la Naiffance de Jefus-Chrift, n'y retourna jamais: & mefme lors qu'il en revint, il n'eftoit guere dans la

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Cedrenus, Suidas, Nicephore.

difpo

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difpofition d'élever des Autels à d'autres Dieux qu'à luy, car il fouffrit non feulement que les Villes d'Afie luy en élevaffent, & luy célebraffent des Jeux facrez, mais mefme qu'à Rome on confacraft un Autel à la Fortune qui eftoit de retour, Fortune reduci, c'eft-à dire à luy-mefme, & que l'on mift le jour d'un retour fi heureux entre les jours de Fefte.

Eufebe

Les Oracles qu'Eufebe rapporte de Porphire paroiffoient plus embarraffans que tous les autres. n'aura pas fuppofé à Porphire des Oracles qu'il ne citoit point, & Porphire qui eftoit fi attaché au Pagailme n'aura pas cité de faux Oracles fur la ceflation des Oracles même, & à l'avantage de la Religion Chreftienne. Voicy, ce femble, le cas où le témoignage d'un ennemy a tant de force.

pas

Mais auffi d'un autre cofté, Porphire n'eftoit affez malhabile homme pour fournir aux Chreftiens des armes contre le Paganisme, fans y eftre neceffairement engagé par la fuite de quelque raifonnement & c'eft ce qui ne paroift point icy. Si ces Oracles euffent efté alleguez par les Chreftiens, & que Porphire en convenant qu'ils avoient efté effectivement rendus, fe fuft défendu des conféquences qu'on en vouloit tirer, il eft feur qu'ils feroient d'un tres-grand poids; mais c'eft de Porphire mefme que les Chreftiens, felon qu'il paroift par l'exemple d'Eufebe, tiennent ces Oracles; c'eft Porphire qui prend plaifir à ruiner fa Religion, & à établir la noftre. En verité cela eft fufpect de foy-mefme, & le devient encore davantage par l'excez où il pouffe la chofe car on nous rapporte de luy je ne fçay combien d'autres Oracles tres-clairs & tres-pofitifs, fur la Perfonne de Jefus-Chrift, fur fa Refurrection fur fon Afcenfion ; enfin le plus entefté & le plus habile des Payens nous accable de preuves du Chriftianifme. Défions-nous de cette generofité.com

Eufebe a cru que c'eftoit un affez grand avantage

Tacite. Dion Caffius.

de

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