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de pouvoir mettre le nom de Porphire à la tefte de tant d'Oracles fi favorables à la Religion. Il nous les donne dépouillez de tout ce qui les accompagnoit dans les écrits de Porphire. Que fçavons-nous s'il ne les refutoit pas ? Selon l'intereft de fa caufe il le devoit faire, & s'il ne l'a pas fait, affeurément il avoit quelque intention cachée.

Ou foupçonne que Porphire eftoit affez méchant pour faire de faux Oracles, & les prefenter aux Chref tiens, à deffein de fe mocquer de leur credulité, s'ils les recevoient pour vrais, & appuioient leur Religion fur de pareils fondemens. Il en enft tiré des confequences pour des chofes bien plus importantes que ces Oracles, & euft attaqué tout le Chriftianifme par cet exemple, qui au fond n'euft pourtant rien conclu.

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Il est toujours certain que ce mefine Porphire qui nous fournit tous ces Oracles, foûtenoit, comme nous avons veu, que les Oracles eftoient rendus par des Genies menteurs. Il fe pourroit donc bien faire qu'il euft mis en Oracles tous les Myfteres de noftre Religion, exprés pour tâcher à les détruire & les rendre fufpects de fauffeté, parce qu'ils auroient efté atteftez par de faux témoins. Je fçay bien que les Chreftiens ne le prenoient pas ainfi ; mais comment euffent ils jamais prouvé par raifonnement, que les Demons eftoient quelquefois forcez à dire la verité Ainfi Porphire demeuroit toujours en eftat de fe fervir de fes Oracles contre eux, & felon le tour de cette difpute ils devoient nier que ces Oracles euffent jamais efté rendus, comme nous le nions prefentement. Cela, ce me femble, explique affez bien pourquoy Porphi re eftoit fi prodigue d'Oracles favorables à noftre Religion, & quel train avoit pû prendre le grand Procés d'entre les Chreftiens & les Payens, nous ne faifons que le deviner, car toutes les pieces n'en font pas venuës jufqu'à nous. C'eft ainfi qu'en examinant un peu les chofes de prés, on trouve que ces Oracles qui paroiffent fi merveilleux, n'ont jamais efté. Je n'en rap

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porteray point d'autres exemples, tout le refte eft de la mefme nature.

CHAPITRE. V.

Que l'opinion commune fur les Oracles, ne s'accorde fi bien qu'on penfe avec la Religion.

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E filence de l'Ecriture fur ces mauvais Demons que l'on prétend qui prefidoient aux Oracles, ne nous laiffe pas feulement en liberté de n'en rien croi re, mais il nous y porte affez naturellement. Seroitil poffible que l'Ecriture n'euft point appris aux Juifs & aux Chreftiens une chofe qu'ils ne pouvoient jamais deviner furément par leur raifon naturelle, & qu'il leur importoit extrémement de fçavoir, pour n'eftre pas ébranlez par ce qu'ils verroient arriver de furprenant dans les autres Religions Car je conçois que Dieu n'a parlé aux hommes que pour fuppléer à la foibleffe de leurs connoiffances qui ne fuffifoient pas à leurs bcfoius, & que tout ce qu'il ne leur a pas dit eft de telle nature qu'ils le peuvent apprendre d'eux-mefmes, ou qu'il n'eft pas neceffaire qu'il le fçachent. Ainfi fi les Oracles euffent efté rendus par de mauvais Demons, Dieu nous l'euft appris pour nous empefcher de croire qu'il les rendift luy-mefme, & qu'il y euft quelque chofe de Divin dans des Religions fauffes.

David reproche aux Payens, des Dieux qui ont une bouche & n'ont point de parole; & fouhaite à leurs Adorateurs pour toute punition, de devenir femblables à ce qu'ils adorent; mais fi ces Dieux euffent eu non feulement l'ufage de la parole, mais encore la connoiffance des chofes futures; Je ne voy pas que David euft pu faire ce reproche aux Payens, ny qu'ils euffent dû eftre fâchez de reffembler à leurs Dieux.

Quand les Saints Peres s'emportent avec tant de rai

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fon contre le culte des Idoles, ils fuppofent toûjours qu'elles ne peuvent rien, & fi elles cuflent parlé, fi elles euffent prédit l'avenir, il ne falloit pas attaquer avec mépris leur impuiflance, il falloit delabufer les Peuples du pouvoir extraordinaire qui paroiffoit en elles. En effet, auroit-on eu tant de tort d'adorer ce qu'on croyoit estre animé d'une vertu divine, ou tout au moins, d'une vertu plus qu'humaine? II eft vray que ces Demons eftoient ennemis de Dieu; mais les Payens pouvoient-ils le deviner Si les Demons demandoient des ceremonies barbares ou extravagantes, les Payens les croyoient bizarres ou cruels, mais ils ne laiffoient pas pour cela de les croire plus puiffans que les hommes, ils ne fçavoient pas que le vray Dieu leur offroit fa protection contre eux. Ils ne le foumettoient le plus fouvent à leurs Dieux que comme à des ennemis redoutables, qu'il falloit appaifer à quelque prix que ce fuft, & cette foumiffion & cette crainte n'eftoient pas fans fondement fi en effet les Demons donnoient des preuves de leur pouvoir, qui fuffent au deffus de la Nature. Enfin le Paganifme ce culte fi abominable aux yeux de Dieu, n'euft efté qu'une erreur involontaire & excufable.

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Mais, direz-vous, fi les faux Preftres ont toûjours trompé les Peuples, le Paganifme n'a efté non plus qu'une fimple erreur où tomboient les Peuples credules, qui au fond avoient deffein d'honorer un Supe

rieur.

La diference eft bien grande. C'eft aux hommes à fe précautionner contre les Erreurs où ils peuvent eftre jettez par d'autres hommes, mais ils n'ont nul moyen de fe précautionner contre celles où ils feroient jettez par des Genies qui font au deffus d'eux. Mes lumieres fuffisent pour examiner fi une Statue parle, ou ne parle pas; mais du moment qu'elle parle, rien ne me peut plus defabufer de la Divinité que je luy attribue. En un mot, Dieu n'eft obligé, par les loix de fa bonté, qu'à me garantir des furprifes dont je ne puis me gaB 4 antie

rantir moy-mefme; pour les autres, c'est à ma raison à faire fon devoir.

Auffi voyons-nous que quand Dieu a permis aux Demons de faire des prodiges, il les a en mefme temps confondus par des prodiges plus grands. Pharaon euft pû eftre trompé par les Magiciens; mais Moïfe eftoit là plus puiffant que les Magiciens de Pharaon. Jamais les Demons n'ont eu tant de pouvoir, ny n'ont fait tant de chofes furprenantes, que du temps de Jefus-Chrift & des Apoftres.

Cela n'empêche pas que le Paganifme n'ait toûjours efté appellé avec juftice le culte des Demons. Premierement l'idée qu'on y prend de la Divinité, convient nullement au vray Dieu, mais à ces Genies reprouvez & éternellement malheureux.

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Secondement, l'intention des Payens n'eftoit pas tant d'adorer le premier Eftre la fource de tous les biens, que ces Eftres malfaifans dont ils craignoient là colere où le caprice. Enfin les Demons, qui ont fans contredit, le pouvoir de tenter les hommes, & de leur tendre des pieges, favorifoient autant qu'il eftoit en eux, l'erreur groffiere des Païens, & leur fermoient les yeux fur des impoftures vifibles. De là vient qu'on dit que le Paganifme rouloit, non pas fur les prodiges, mais fur les preftiges des Demons, qui fuppofe qu'en tout ce qu'ils faifoient, il n'y avoit rien de réel ny de vray, ny de tel que de donner effectivement la parole à une Statuë.

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Il peut etre cependant que Dieu ait quelquefois permis aux Demons d'animer des Idoles. Si cela eft arrivé, Dieu avoit alors fes raifons & elles font toûjours dignes d'un profond refpect. Mais à parler en general, la chofe n'a point efté ainfi. Dieu permit au Diable de brûler les maifons de Job, de defoler fes pafturages, de faire mourir tous les troupeaux, de fraper fon corps de mille playes, mais ce n'eft pas à dire que le Diable foit lâché fur tous ceux à qui les mefmes malheurs arrivent. On ne longe point au

Diable quand il eft queftion d'un homme malade ou ruiné. Le cas deJob eft un cas particulier, on raisonne indépendamment de cela, & nos raisonnemens generaux n'excluent jamais les exceptions que la toute-puiffance de Dieu peut faire à tout.

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Il paroift donc que l'opinion commune fur les Oracles ne s'accorde pas bien avec la bonté de Dieu, & qu'elle décharge le Paganifme d'une bonne partie de l'extravagance & mefme de l'abomination les Saints Peres y ont toûjours trouvée. Les Payens devoient dire pour fe juftifier, que ce n'eftoit pas merveille qu'ils euffent obey à des Genies qui animoient des Statues, & faifoient tous les jours cent chofes extraordinaires: & les Chreftiens pour leur ôter toute excufe, ne devoient jamais leur accorder ce Point. Si toute Ja Religion Payenne n'avoit efté qu'une impofture des Preftres, le Chriftianifme profitoit de l'excés du ridicule où elle tomboit.

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Auffi ya-t-il bien de l'apparence que les difputes des Chrétiens & des Payens eftoient en ce eftat, lors que Porphire avoüoit fi volontiers que les Oracles eftoient rendus par de mauvais Demons. Ces mauvais Demons luy eftoient d'un double ufage. Il s'en fervoit comme nous avons vû, à rendre inutiles & mefme defavantageux à la Religion Chreftienne, les Oracles dont les Chreftiens prétendoient fe parer mais de plus, il rejettoit fur ces Genies cruels & artificieux, toute la folie & toute la barbarie d'une infinité de Sacrifices que l'on reprochoit fans ceffe aux Payens.

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C'eft donc attaquer Porphire jufque dans fes derniers retranchemens, & c'eft prendre les vrais interefts dis Chriftianifme, que de foûtenir que les Demons n'on point efté les auteurs des Oracles.

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