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qui eftoient une fois devenus redoutables, & on peut remarquer que l'Enfer avoit bien des égards pour Alexandre & pour Augufte. Quelques Hiftoriens difent nettement qu'Alexandre voulut d'autorité abfolue eftre Fils de Jupiter Hammon, & pour l'intereft de fa vanité, & pour l'honneur de fa Mere qui eftoit foupçonnée d'avoir eu quelque Amant moins confiderable que Jupiter. On y ajoûte qu'avant que d'aller au Temple, il fit avertir le Dieu de fa volonté, & que le Dieu l'executa de fort bonne grace. Les autres Auteurs tienment tout au moins, que les Preftres imaginerent d'euxmefmes ce moyen de Batter Alexandre. Il n'y a que Plutarque qui fonde toute cette Divinité d'Alexandre fur une méprife du Preftre d'Hanimon, quien falüant ce Roy, & luy voulant dire en Grec, O mon Fils prononça dans ces mots une S au lieu d'une N, parte qu'eftant Libien il ne fçavoit pas trop bien prononcer le Grec, & ces mots avec ce changement fignifioient, O Fils de fupiter. Toute la Cour ne manqua pas de relever cette faute du Preftre à l'avantage d'Alexandre, & fans doute le Preftre luy-mefme la fit paffer pour une infpiratien du Dieu qui avoit conduit fa langue, confirma par des Oracles fa mauvaise prononciation. Cette derniere façon de conter l'Hiftoire eft peut-eftre a meilleure; les petites origines conviennent affez aux grandes chofes.

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Augufte fut fi amoureux de Livie, qu'il l'enleva à fon Mary toute groffe qu'elle eftoit, & ne fe donna pas le loifir d'attendre qu'elle fuft accouchée pour l'époufer. Comme l'action eftoit un peu extraordinai* on en confulta l'Oracle. L'Oracle qui fçavoit faire fa cour, ne fe contenta pas de l'approuver; il affura que jamais un Mariage ne réüffiffoit mieux que quand on époufoit une perfonne déja groffe. Voilà pourtant, ce me femble, une étrange maxime.

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Il n'y avoit à Sparte que deux Maifons dont on puft prendre des Rois. Lifander, un des plus grands Hom* Prudence.

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mes que Sparte ait jamais eus, forma le deffein d'ôter cette diftinction trop avantageufe à deux Familles, & trop injurieuse à toutes les autres, & d'ouvrir le chemin de la Royauté à tout ceux qui fe fentiroient affez de merite pour y prétendre. Il fit pour cela un plan fi compofé, & qui embraffoit tant de choles, que je m'étonne qu'un homme d'efprit en ait pû efperer quelque fuccés. Plutarque dit fort bien que c'eftoit comme une Demonftration de Mathematique, à laquelle on n'arrive que par de longs circuits. Il y avoit une Femme dans le Pont, qui prétendoit eftre groffe d'Apollon. Lifander jetta les yeux fur ce Fils d'Apollon, pour s'en fervir quand il feroit né. C'eftoit avoir des veuës bien étendues. Il fit courir le bruit que les Prêtres de Delphes gardoient d'anciens Oracles, qu'il ne leur eftoit pas permis de lire, parce qu'Apollon avoit refervé ce droit à quelqu'un qui feroit forty de fon Sang, & qui viendroit à Delphes faire reconnoiftre fa naiffance. Ce Fils d'Apollon devoit eftre le petit Enfant de Pont, & parmy ces Oracles fi mifterieux, il y en devoit avoir qui euffent annoncé aux Spartiates, qu'il ne faloit donner la Couronne qu'au merite, fans avoir égard aux Familles. Il n'eftoit plus queftion que de compofer les Oracles, de gagner le Fils d'Apollon, qui s'appelloit Silenus, de le faire venir à Delphes, & de corrompre les Preftres. Tout cela eftoit fait, ce qui me paroift fort furprenant; car quelles machines n'avoit-ilpas falu faire jouer? Déja Silenus eftoit en Grece, & il fe préparoit à s'aller faire reconnoiftre à Delphes pour Fils d'Apollon: mais malheureusement un des Miniftres de Lifander fut effrayé, quoy que tard, de fe voir embarqué dans une affaire fi délicate, & il ruina tour.

On ne peut guere voir un exemple plus remarquable de la corruption des Oracles, mais en le rapportant, je ne veux pas diffimuler ce que mon Auteur diffimule c'est Lifander avoit déja affaye de corque rompre beaucoup d'autres Oracles, & n'en avoit pû venir à bout. Dodone avoit refifté à fon argent. Ju

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piter Hammon avoit efté inflexible, & mefme les Preftres du lieu députerent à Sparte pour accufer Lifander, mais il fe tira d'affaire par fon credit. La grande Preftreffe mefme de Delphes avoit refufé de luy vendre fa voix, & cela me fait croire qu'il y avoit à Delphes deux Colleges qui n'avoient rien de commun, l'un de Prêtres, & l'autre de Prêtreffes; car Lifander qui ne put corrompre la grande Preftreffe, corrompit bien les Prêtres. Les Preftreffes eftoient les feules qui rendiffent des Oracles de vive voix, & qui fiffent les enragées fur le Trépie; mais apparemment les Preftres. avoient un Bureau de Propheties écrites, dont ils eftoient les Maiftres, les Difpenfateurs & les Interpretes.

Je ne doute point que ces Gens-là, pour l'honneur de leur Métier, ne fiffent quelquefois les difficiles avec ceux qui les vouloient gagner, fur tout fi on leur demandoit des chofes dont il n'y euft pas lieu d'efperer beaucoup de fuccés telle qu'eftoit la nouveauté que

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Lifander avoit deffein d'introduire dans le Gouvernement de Sparte. Peut-eftre mefme le party d'Agefilas, qui eftoit alors oppofé à celuy de Lifander, avoit foupçonné quelque chofe de ce projet, & avoit pris les devans auprés des Oracles. Les Preftres d'Hammon cuffent-ils pris la peine de venir du fond de la Libie à Sparte, faire un procés à un homme tel que Lifander, s'il ne fe fuffent entendus avec ces Ennemis & s'ils u'y euffent efté poussez par eux ?

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CHAPITRE XI.

Nouveaux établiffemens d'Oracles..

Es Oracles qu'on établiffoit quelquefois de nouveau font autant de tort aux Demons que les Oracles corrompus.

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Aprés la mort d'Epheftion, Alexandre voulut abfolument pour fe confoler, qu'Epheftion fuft Dieu. Tous

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les Courtifans y confentirent fans peine. Auffi-tôt voilas des Temples que l'on baftit à Epheftion en plufieurs Villes, des Feftes qu'on inftitue en fon honneur, des Sacrifices qu'on luy fait, des guerifons miraculeufes qu'on luy attribuë, & afin qu'il n'y manquaft rien, des Oracles qu'on luy fait rendre. Lucien dit qu'Alexandre cftonné d'abord de voir la Divinité d'Ephestion réüffir fi bien, la crut enfin vraye lay-mefme, & fe fceut bon gré de n'eftre pas feulement Dieu, mais d'avoir encore le pouvoir de faire des Dieux.

Adrien fit les mefmes folies pour le bel Antinous. Il fit baftir en memoire de luy la Ville d'Audrinopolis, luy donna des Temples & des Prophetes, dit faint Je rôme; or il n'y avoit des Prophetes que dans les Temples à Oracles. Nous avons encore une Infcription Greque qui porte..

A ANTINOüs.

Le Compagnon des Dieux d'Egipte. M. Ulpius Apollonius fon Prophete.

Aprés cela, on ne fera pas furpris qu'Auguffe ait auffi rendu des Oracles, ainfi que nous l'apprenons de Prudence. Aflurément Augufte valoit bien Anti nous & Ephestion, qui, felon toutes les apparences, ne dûrent leur Divinité qu'à leur beauté.

Sans doute ces nouveaux Oracles faifoient faire des reflexions à ceux qui eftoient le moins du monde ca pables d'en faire. N'y avoit-il pas affez de fujet de eroire qu'ils eftoient de la même nature que les Anciens , & pour juger de l'origine de ceux d'Amphiaraus, de Trophonius, d'Orphée, d'Apollon mefme, ne fuffifoit-il pas de voir l'origine de ceux d'Antinous, d'Epheftion, & d'Augufte?

Nous ne voyons pourtant pas, à dire le vray, ques ees nouveaux Oracles fuffent dans le mefme credit que les Anciens; il s'en faloit beaucoup.

On ne faifoit rendre à ces Dieux de nouvelle creat tiom

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tion qu'autant de réponfes qu'il en faloit, pour en pouvoir faire fa cour aux Princes: mais du refte on ne les confultoit pas bien ferieufement, & quand il eftoit queftion de quelque chofe d'important, on alloit à Delphes. Les vieux Trépies eftoient en poffeffion de l'avenir depuis un temps immemorial, & la parole d'un Dieu experimenté étoit bien plus fure, que celle de ces Dieux, qui n'avoient encore nulle experience. Les Empereurs Romains qui eftoient intereffez à faire valoir la Divinité de leurs Predeceffeurs, paifqu'une pareille Divinité les attendoit, auroient dû talcher à rendre plus celebres les Oracles des Empereurs Deificz comme Augufte, fi ce n'euft efté que les Peuples accoûtumez à leurs anciens Oracles, ne pouvoient prendre la mefme confiance pour les autres. Je croirois bien mefme que quelque panchant qu'ils euffent aux plus ridicules Superftitions, ils fe mocquoient de ces nouveaux Oracles; & en general de toutes les nouvelles Inftitutions des Dieux. Le moyen qu'on prift F'Aigle qui fe lâchoit du Bucher d'un Empereur Romain, pour l'Ame de cet Empereur qui alloit prendre fa place au Ciel?

Pourquoy donc le Peuple avoit il efté trompé à la premiere Inftitution des Dieux & des Oracles En voicy, je croy, la raifon. Pour ce qui regarde les Dieux, le Paganifme n'en a eu que de deux fortes principales, ou des Dieux que l'on fuppofoit eftre effentiellement de nature Divine, ou des Dieux qui ne Feftoient devenus qu'aprés avoir efté de nature humaine. Les premiers avoient efté annoncez par les Sages ou par les Legiflateurs avec beaucoup de Miftere, & le Peuple, ny ne les voyoit ny ne les avoit veus. Les feconds, quoy qu'ils euffent efté hommes aux yeux de tout le monde, avoient efté érigez en Dieux par un movement naturel des Peuples touchez de leurs bien-faits. On fe formoit une idée tres-relevée des uns parce qu'on ne les voyoit point, & des autres parce qu'on les aimoit, mais on n'en pouvoit pas faire autant pour un Empe

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