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reur Romain qui eftoit Dieu par ordre de la Cour, & non par l'amour du Peuple, & qui outre cela, venoit d'eftre homme fort publiquement.

Quant aux Oracles, leur premier établissement n'eft pas non plus fort difficile à expliquer. Donnez-moy une demi-douzaine de perfonnes, à qui je puiffe perfuader que ce n'eft pas le Soleil qui fait le jour, je ne defefpereray pas que des Nations entieres n'embraflent cette opinion. Quelque ridicule que foit une penfée, il ne faut que trouver moyen de la maintenir pendant quelque temps, la voilà qui devient ancienne, & elle eft fuffifamment prouvée. Il y avoit fur le Parnaffe un trou d'où il fortoit une exhalaifon qui faifoit dan fer les Chévres, & qui montoit à la tefte. Peut-eftre quelqu'un qui en fut entefté fe mit à parler fans fea voir ce qu'il difoit, & dit quelque verité. Auffi-tôft il faut qu'il y ait quelque chofe de Divin dans cette exhalaifon, elle contient la fcience de l'avenir, on com mence à ne s'approcher plus de ce trou qu'avec refpect, les Cerémonies fe forment peu à peu. Ainfi nafquit apparemment l'Oracle des Delphes, & comme il devoit fon origine à une exhalaifon qui enteftoit, il fatoit abfolument que la Pithie entraft en fureur pour prophetifer. Dans la plufpart des autres Oracles, las fureur n'eftoit pas neceffaire. Qu'il y en ait une fois un d'eftably, vous jugez bien qu'il va s'en eftablir mille. Si les Dieux parlent bien là, pourquoy ne parleront-il point icy? Les Peuples frappez du merveilleux de la chofe, & avides de l'utilité qu'ils en efperent, Be demandent qu'à voir naiftre des Oracles en tous lieux, & puis l'Ancienneté furvient à tous ces Oracles, leur fait tous les biens du monde. Les nouveaux n'avoient garde de réüffir tant, c'eftoient les Princes quis les établiffoient, les Peuples croyent bien mieux à ce qu'ils ont fait eux-mefmes.

qui

Ajoutez à tout cela , que dans le temps de la pre miere Inftitution & des Dieux & des Oracles, l'igno rance eftoit beaucoup plus grande qu'elle ne fut dans

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la fuite. La Philofophie n'eftoit point encore née, & les Superftitions les plus extravagantes n'avoient aucune contradiction à effuyer de fa part. Il eft vray que ce qu'on appelle le Peuple, n'eft jamais fort éclairé; cependant la groffiereté dont il eft toûjours, reçoit encore quelques differences felon les Siecles; du moins il y en a où tout le monde eft Peuple, & ceux-lâ font fans comparaifon les plus favorables à l'établissement des Erreurs. Ce n'eft donc pas merveille fi les Peuples faifoient moins de cas des nouveaux Oracles que des anciens, mais cela n'empefchoit pas que les anciens ne reffemblaffent parfaitement aux nouveaux.. Ou un Demon alloit le loger dans la Statue d'Ephef tion pour y rendre des Oracles, dés qu'il avoit plû à Alexandre d'en faire élever une à Epheftion comme à un Dieu ou fi la Statue rendoit des Oracles fans ce Demon, celle d'Apollon Pithien pouvoit bien en faire autant. Or il feroit, ce me femble, fort étrange & fort furprenant qu'il n'euft fallu qu'une fantaisie d'Alexandre pour envoyer un Demon en poffeffion d'uneStatue, qui fuft dévenue par là une éternelle occafion: d'erreur à tous les hommes..

CHAPITRE XII.

Lieux où eftoient les Oracles.

Nartifices que pratiquoient les Preftres

Ous allons entrer prefentement dans le détail dés: ; cela ren ferme beaucoup de chofes de l'Antiquité affez agréa bles & affez particulieres.

Les Païs montagneux, & par confequent pleins d'an. tres & de cavernes, eftoient les plus abondans en Ora. cles. Telle eftoit la Beotie, qui anciennemens, dit Plutarque, en avoit une tres-grande quantité. Remar quez en paffant que les Beotiens eftoient en reputation

d'eftre

d'eftre les plus fottes gens du monde; c'étoit-là un Bon Pais pour les Oracles, des Sots & des Cavernes.

Je ne croy point que le premier établissement des Oracles ait efté une impofture meditée, mais le peuple tomba dans quelque fuperftition qui donna lieu à des gens un peu plus rafinez d'en profiter. Car les fottifes du peuple font telles affez fouvent, qu'elles n'ont pû eftre préveuës, & quelquefois ceux qui le trompent ne fongeoient à rien moins, & ont efté invitez par luy-mefme à le tromper. Ainfi m'a penfée eft qu'on n'a pas mis d'abord des Oracles dans la Beotie parce qu'elle est montagneufe, mais que l'Oracle de Delphes ayant une fois pris naiffance dans la Beotie de la maniere que nous avons dit, les autres que l'on fit à fon imitation dans le mefme païs, furent mis auffi dans des cavernes, parce que les Preftres en avoient reconnu la commodité.

Cet ufage enfuite fe répandit prefque par tout. Ee prétexte des Exhalaifons divines rendoit les Cavernes necellaires, & il femble de plus que les Cavernes inf pirent d'elles-mefmes je ne fçay quelle horreur, qui n'eft pas inutile à la fuperftition. Dans les chofes quine font faites que pour fraper l'imagination des hommes, il ne faut rien negliger. Peut-eftre la fituation de Delphes a-t-elle bien fervy à la faire regarder comme une Ville fainte. Elle eftoit à moitié chemin de la montagne du Parnaffe, bâtie fur un peu de terreplain, & environnée de précipices qui la fortifioient fans le fecours de l'art. La partie de la montagne qui eftoit au deffus, avoit à peu prés la figure d'un Theatre, & les cris des hommes, & le fon des trompettes fe multiplioient dans les rochers. Croyez qu'il n'y avoit pas jufqu'à ces Echos qui ne valuffent leur prix.

La commodité des Preftres, & la majefté des Oraeles, demandoient donc également des Cavernes; auffi ne voyez-vous pas un fi grand nombre de Temples pro phetiques en plat païs, mais s'il y en avoit quelquesuns, on fçavoit bien remedier à ce défaut de leur firuation.

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tuation. Au lieu de cavernes naturelles, on en faifort d'artificielles, c'eft-à-dire de ces Sanctuaires qui cftoient des efpeces d'antres, où refidoit particulierement la Divinité, & où d'autres que les Preftres n'entroient jamais.

*

Quand la Pithie fe mettoit fur le Trépié, c'eftoit dans fon Sanctuaire, lieu obfcur & éloigné d'une certaine petite chambre où fe tenoient ceux qui venoient confulter l'Oracle. L'ouverture mefme de ce Sanctuaire eftoit toute couverte de feuillages de Laurier, & ceux à qui on permettoit d'en approcher, n'avoient garde d'y rien voir.

D'où croyez vous que vienne la diverfité avec laquelle les Anciens parlent de la forme de leurs Oracles? C'eft qu'ils ne voyoient point ce qui fe paffoit dans le fond de leurs Temples.

Par exemple, ils ne s'accordent point les uns avec les autres fur l'Oracle de Dodone ,& cependant que devoit-il y avoir de plus connu des Grecs? Ariftote, au rapport de Suidas, dit qu'à Dodone il y a deux colomnes, fur l'une defquelles eft un Baffin d'airain, & fur l'autre la Statue d'un Enfant qui tient un foüer, dont les cordes eftant auffi d'airain, font du bruit coatre le Baffin lorfqu'elles y font pouffées par le vent.

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Demon, felon le mefme Suidas, dit que l'Oracle de Jupiter Dodonéen eft tout environné de Baffins. qui auffi toft que l'un eft pouffé contre l'autre, fe communiquent ce mouvement en rond, & font un bruit qui dure affez de temps.

D'autres dilent que c'eftoit un Chefne réfonnant qui fecoüoit fes branches & fes feuilles, lors qu'il eftoit confulté, & qui declaroit fes volontez par des Pref treffes nommées Dodonides.

Il paroift bien par tout cela qu'il n'y avoit que le bruit de conftant, parce qu'on l'entendoit de dehors, mais comme on ne voyoit point le dedans du lieu où le rendoit l'Oracle, on ne fçavoit que par conjectures,

Plutarque Dial. des Oracl. qui ont ceffé.

que

ou fur le rapport infidele des Preftres, ce qui caufoit le bruit. Il fe trouve pourtant dans l'Hiftoire, quelques perfonnes ont eu le privilege d'entrer dans ces Sanctuaires, mais ce n'étoient pas des gens moins confiderables qu'Alexandre & Vefpafien. Strabon rapporte de Callifthene , qu'Alexandre entra seul avec le Preftre dans le Sanctuaire d'Hammon, & que tous les autres n'entendirent l'Oracle que de dehors.

car

Tacite dit auffi que Vefpafien eftant à Alexandrie, & ayant déja des deffeins fur l'Empire, voulut confuk ter l'Oracle de Serapis, mais qu'il fit auparavant fortir tout le monde du Temple. Peut eftre cependant n'entra-t-il pas pour cela dans le Sanctuaire. A ce conte les exemples d'un tel privilege feront tres-rares, mon Auteur avoue qu'il n'en connoift point d'autres. que ces deux-là, fi ce n'eft peut-eftre qu'on y veüille ajoûter ce que Tacite dit de Titus, à qui le Preftre de la Venus de Paphos ne voulut découvrir qu'en fécret beaucoup de grandes chofes qui regardoient les deffeins qu'il meditoit alors; mais cet exemple prouve encore moins que celuy de Vefpafien, la liberté que les Preftres accordoient aux Grands d'entrer dans les Sanctuaires de leurs Temples. Sans doute il faloit un grand credit pour les obliger à la confidence de leurs Mifteres, & mefme il ne la faifoient qu'à des Princes na-turellement intereffez à leur garder le fecret, & qui dans le cas où ils fe trouvoient, avoient quelque rai fon particuliere de faire valoir les Orades.

Dans ces Sanctuaires tenebreux eftoient cachées toutes les machines des Preftres, & ils y entroient par des conduits fouterrains. Rufin nous décrit le Temple de Serapis tout plein de chemins couverts, & pour apporter un témoignage encore plus fort que le fien, 'Ecriture Sainte ne nous apprend-elle pas comment Daniel découvrit l'impofture des Preftres de Belus qui fçavoieut bien rentrer fecretement dans fon Temple pour prendre les Viandes qu'on y avoit offertes Il me femble que cette Hiftoire feule devroit décider

toute

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