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CHAPITRE XVII.

Fourberies des Oracles manifeftement découvertes.

L n'eft plus queftion de deviner les fineffes des Preftres, par des moyens qui pourroient eux-mefmes paroiftre trop fius, un temps a efté qu'on les a découvertes de toutes parts aux yeux de toute la terre; ce fut quand la Religion Chreftienne triompha hautement du Paganifme fous les Empereurs Chref

tiens.

Theodoret dit que Theophile Evefque d'Alexandrie, fit voir à ceux de cette Ville, les Statues creufes où les Preftres entroient par des chemins cachez pour y rendre les Oracles.

on abatit le Lors que par l'ordre de Conftantin Temple d'Efculape à Eges en Cilicie, on en chaffa, dit Eufebe dans la Vie de cet Empereur, non pas un Dieu ny un Demon, mais le Fourbe qui avoit fi longtemps impofé à la credulité du peuple. A cela il ajoute en general que dans les Simulacres des Dieux abatus, on n'y trouvoit rien moins que des Dieux ou des Demons, non pas mefine quelques malheureux Spectres obfcurs & tenebreux, mais feulement du foin & de la paille, ou des ordures, ou bien des os de morts. C'eft de luy que nous apprenons l'Hiftoire de ce Theotecnus qui confacra dans la Ville d'Antioche une Statuë de Jupiter Dieu de l'Amitié, à laquelle il fit fans doute rendre des Oracles, puis qu'Eufebe dit que ce Dieu avoit des Prophetes. Theotecnus fe mit par là en fi grand credit, que Maximin le fit Gouverneur de toute la Province. Mais Licinius eftant venu à Anrioche, & le doutant de l'impofture, il' fit mettre à la Question les Preftres & les Prophetes de ce nouveau Jupiter. Ils avoüerent tout, & furent punis du dernier Supplice, eux & leurs affociez, & avant eux tous, Theo

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les Sorts, dans quelques Temples on les jettoit foymefme, dans d'autres on les faifoit fortir d'une Urne, d'où eft venue cette maniere de parler fi ordinaire aux Grecs, le Sort est tombé.

Ce jeu de Dez eftoit toûjours precedé des Sacrifices, & de beaucoup de ceremonies. Apparemment les Preftres fçavoient manier les Dez, mais s'ils ne vouloient pas prendre cette peine, ils n'avoient qu'à les laiffer aller, ils eftoient toûjours maiftres de l'explication.

Les Lacedémoniens allerent un jour confulter les Sorts de Dodone, fur quelque Guerre qu'ils entreprenoient, car outre les Chefnestparlans, & fes Colombes, & les Baffins, & l'Oracle, il y avoit encore des Sorts à Dodone. Aprés toutes les ceremonies faites, fur le point qu'on alloit ietter les Sorts avec beaucoup de refpect & de veneration, voila un Singe du Roy des Moloffes qui eftant entré dans le Temple, renverfa les Sorts & l'Urne. La Preftreffe effrayée dit aux Lacedémoniens qu'ils ne devoient pas fonger à vaincre, mais feulement afe fauver, & tout les Ecrivains affurent que jamais Lacedémone ne receut un prefage plus funefte.

Les plus celebres entre les Sorts eftoient à Prénefte & à Antium, deux petites Villes d'Italie. A Prénefte eftoit la Fortune, & à Antium les Fortunes.

Les Fortunes d'Antium avoient cela de remarquable, que c'eftoient des Statues qui fe remuoient d'elles-mefmes, felon le témoignage de Macrobe 1. 1. ch. 23. & dont les mouvemens differens, ou fetvoient de Réponfe, ou marquoient fi l'on pouvoit confulter les

Sorts.

Un paffage de Ciceron au z. I. de la Divination, où il dit que l'on confultoit les Sorts de Prénefte par le confentement de la Fortune, peut faire croire que cette Fortune fçavoit auffi remuer la tefte, ou donner quelque autre figue de fes volontez.

Nous trouvons encore quelques Statues qui avoient cette mefme proprieté. Diodore de Sicile, & Quinte

DS

* Ciceron 1. 2. de la Divination.

Cusfe,

Curfe, difent que Jupiter Hammon eftoit porte par quatre-vingts Preftres dans une efpece de Gondole d'or d'où pendoient des coupes d'argent: qu'il eftoit fuivy d'un grand nombre de Femmes & de Filles qui chantoient des Himnes en langue du Païs, & que ce Dieu porté par fes Preftres, les conduifoit en leur marquant par quelques mouvemens, où il vouloit aller.

Le Dieu d'Heliopolis de Sirie, felon Macrobe, en faifoit autant. Tonte la difference eftoit qu'il vouloit eftre porté par des Gens les plus qualifiez de la Province, qur euffent long-temps auparavant vefcu en continence, & qui fe fullent fait rafer la tefte.

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; car

Lucien dans le Traité de la Déeffe de Sirie dit qu'il a veu un Apollon encore plus miraculeux eftant porté fur les épaules de fes Preftres il s'avifa de les laifler là, & de fe promener par les airs cela aux yeux d'un homme tel que Lucien, ce qui eft confiderable.

&

Je fuis fi las de découvrir les fourberies des Preftres Payens, & je fuis fi perfuadé auffi qu'on eft las de m'en entendre parler, que je ne m'amuferay point à dire comment on pouvoit faire jouer de pareilles Ma

rionnettes.

Dans l'Orient, les Sorts eftoient des Eléches, & aujourd'huy encore les Turcs & les Arabes s'en fervent de la mefme maniere. Ezechiel dit que Nabucodonofor méla fes fleches contre Ammon & Jerufalent, & que la fléche fortit contre Jerufalem. C'ef toit là une belle maniere de refoudre auquel de ces euz Peuples il feroit la Guerre.

Dans la Grèce & dans l'Italie on tiroit fouvent les Sorts de quelque Poëte celebre, comme Homere, ou Euripide; ce qui fe prefentoit à l'ouverture du livre eftoit l'Arreft du Ciel. L'Hiftoire en fournit mille exemples.

On voit mefme que quelques deux cens ans aprés la mort de Virgile, on faifoit déja affez de cas de fes Vers pour les croire prophetiques, & pour les mettre en la

place

place des Sorts qui avoient esté à Prénefte. Cat * Alexandre Severe, encore particulier, & dans le temps que l'Empereur Heliogabale ne luy vouloit pas de bien, re çût pour réponse dans le Temple de Preneste cet en droit de Virgile dont le fens eft, Si tu peux furmonter les Deftins contraires, tu feras Marcellus.

Icy mon Auteur fe fouvient que Rabelais a parlé des Sorts Virgilianes que Panurge va confulter-fur fon mariage, & il trouve cet endroit du Livre auffi fçavant qu'i eft agréable & badin. Il dit que les bagatelles & les fotifes de Rabelais valent fouvent mieux que les dif cours les plus ferieux des autres. Je n'ay point voulu oublier cet éloge, parce que c'eft une chofe finguliere de le rencontrer au milieu d'un Traité des Oracles, plein de fcience & d'érudition. Il eft certain que Rabelais avoit beaucoup d'efprit & de lecture, & un art tres-particulier de debiter des chofes fçavantes comme de pures fadaifes, & de dire de pures tadaifes le plus fouvent fans ennuyer. C'eft dommage qu'il n'ait véc dans un Siecle qui l'euft obligé à plus d'honnefteté, & de politeffe.

Les Sorts, pafferent jufque dans le Chriftianifme, on les prit dans les Livres Sacrez, au lieu que les Payens les prenoient dans leurs Foëtes. S. Auguftin dans l'Epitre 119. à Januarius, paroift ne defapprouver eet ufage que fur ce qui regarde les affaires du Siécle.Gregoire de Tours nous aprend luy même quelle eftoit la pratique: il paffoit plufieurs jours dans le jeûne & dans la priere, enfuite il alloit au Tombeau de S. Martin, où il ouvroit tel Livre de l'Ecriture qu'ik vouloit, & il prenait pour la réponse de Dieu, le pre-mier paffage qui s'offroit à les yeux. Si ce paffage ne faifoit rien au fujet, il ouvroit un autre livre de l'Ecri

Eure.

D'autres prenoient pour Sort divin, la premiere cho fe qu'ils entendoient chanter en entrant dans l'Eglife. Mais qui croiroit que † l'Empereur Ferackus dél berant

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* Lampridius. † Cedrenus.

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