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SATIRE XII.

D

SUR

L'EQUIVOQUE.

U langage François bizarre Hermaphrodite, De quel genre te faire, EQUIVOQUE maudite, Ou maudit? car fans peine aux Rimeurs hazardeux L'ufage encor, je croi, laiffe le choix des deux. Tu ne me répons rien? Sors d'ici, Fourbe infigne,

REMARQUES.

CEtte Satire a été compofée en l'Année 1705. l'Auteur étant âgé de 69. ans. Il emploïa onze mois à la faire, & trois ans à la corriger. Pendant ce long intervale fes amis l'engageoient fouvent à en réciter des lambeaux; & fur les raports peu fidèles qu'ils en faifoient dans le monde, on s'imagina que fa principale vûë étoit d'offenfer les Jéfuites par cet: Ouvrage.. Mais outre qu'attaquer les Jéfuites, & attaquer l'Equivoque, font deux chofes très-diffé rentes, la fameufe opinion de l'Equivoque n'étant pas enfeignée par tous les Jéfuites, & se trouvant en beaucoup d'Auteurs qui ne font pas Jéfuites ; on peut dire en quelque façon que cette Satire n'attaque pas même les Cafuiftes en général. [Quoi qu'en dife le Commentateur, on ne fauroit douter que la principale vue de Mr. Despréaux n'aît été d'offenfer les Féfuites par cet Ouvrage, c'eft-à-dire, de fatirifer leur Morale, & d'attaquer leurs Cafuiftes en général. La preuve en eft claire: M. Despréaux n'a fait que répeter dans cette Satire les accufations que M. Pascal a faites contre Yes Jéfuites en général dans fès Lettres Provinciales; comme on le fera voir dans les Remarques fur le vers 265. & fur les fuivans. ADD. de l'Ed. d'Amft.]

L'Equivoque fe prend ici par Mr. Despréaux, pour tous les abus & toutes les meprifes de l'Esprit humain, qui nous font prendre souvent une chose pour une autre. C'eft ainfi qu'il s'exprime dans le Discours précédent. Au lieu que lès Cafuis

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Male auffi dangereux que femelle maligne,
Qui crois rendre innocens les discours impofteurs;
Tourment des Ecrivains, jufte effroi des Lecteurs
Par qui de mots confus fans ceffe embaraffée
10 Ma plume, en écrivant, cherche en vain ma pensée
Laiffe-moi, va charmer de tes vains agrémens,
Les yeux faux & gâtez de tes louches amans;

Et ne viens point ici de ton ombre groffière
Enveloper mon ftile ami de la lumière.

15 Tu fais bien que jamais chez toi, dans mes discours Je n'ai d'un faux brillant emprunté le fecours,

REMARQUES.

Fui

tes, fuivant le P. Daniel, appèlent EQUIVOQUE, toute propofition qui a plufieurs sens, & que l'on fait en prévoïant que la perfonne qui nous écoute, la prendra dans un fens différent de celui que nous y donnons dans notre esprit.

Cette Satire ne regarde done nullement l'Equivoque dont il s'agit dans les Ecoles. Mr. Dèspréaux dit lui-même que c'est un pur feu d'Esprit. Ainfi ce feroit une erreur de croire qu'il ait prétendu dogmatifer, foit dans cet Ouvrage, foitdans fon Epitre de l'Amour de Dieu; Il n'époufoit férieusement nul parti, à Pégard des matières qui ne font point encore décidées. On en peut juger par cet endroit d'une Lettre qu'il m'écrivit le 7. de Decembre 1703 & où il s'agit de la plus grande conteftation des Théologiens de ce Siècle. Pour ce qui regarde le démêlé fur la Grace, c'eftfurquoi je n'ai point pris parti, étant tantôt d'un fenti ment, & tantôt d'un autre: de forte que m'étant quel quefois couché Janfénifte tirant au Calvinifte, je fuis ,, tout étonné que je me réveille Molinifte approchant du ,, Pélagien. Ainfi, fans condamner ni les uns ni les au ,, tres, je m'écrie avec St. Paul: ô Altitudo Sapientia ! Mais ,, après avoir quelquefois en moi-même traduit ces paroles

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par: O que Dien eft fage! j'ajoûte auffi en même tems: "O que les hommes font fous! Je m'imagine que vous en "tendez bien pourquoi cette dernière exclamation, & que vous n'y comprenez pas un petit nombre de volumes.

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Fui donc. Mais non, demeure; un Démon qui m'ins

pire

Veut qu'encore une utile & dernière Satire,

De ce pas en mon Livre, exprimant tes noirceurs,
Se vienne, en nombre pair, joindre à fes Onze Sœurs,
Et je fens que ta vûë échauffé mon audace.
Viens, aproche: Voyons, malgré l'âge & fa glace,
Si ma Mufe aujourd'hui fortant de fa langueur,
Pourra trouver encore un refte de vigueur.

25 Mais où tend, dira-t-on, ce projet fantaftique?
Ne vaudroit-il pas mieux dans mes vers, moins caus-
tique,

Répandre de tes jeux le fel divertiffant,

Que d'aller contre toi für ce top menaçant Pouffer jusqu'à l'excès ma critique boutade? 30 Je ferois mieux, j'entens, d'imiter Benferade.

C'eft par lui qu'autrefois, mife en ton plus beau jour,
Tu fus, trompant les yeux du Peuple & de la Cour,
Leur

REMARQUE S..

VERS 20. Se vienne, en nombre pair, joindre à fes Onze Saurs.] Cette expreffion eft heureufe, pour marquer le nombre de douze. La plupart des Amis de l'Auteur lui avoient demandé une douzième Satire, pour figurer avec fes douze Epîtres. En récitant ce vers, il mettoit Paspira tion au mot, onze, ne l'uniffant pas avec l's qui-eft à la fin du mot précédent.

VERS 27. Répandre de tes jeux le fel divertiffant.] Il difoit tantôt le fel divertiffant, & tantôt le fel réjouissant: Il auroit même préferé ce dernier, s'il ne Pavoit pas emploïé dans Epitre X. à fes Vers.

VERS 30. Je ferois mieux. d'imiter Benferade.] Furetiere dans fon fecond Factum contre l'Académie Frangoife, dit que,, BENSERADE S'étoit érigé en Galand

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Leur faire, à la faveur de tes bluettes folles,

Goûter comme bons mots tes quolibets frivoles. 35 Mais ce n'eft plus le tems. Le Public détrompé, D'un pareil enjoûment ne se sent plus frappé. Tes bons mots, autrefois délices des ruelles, Aprouvez chez les Grans, applaudis chez les Belles, Hors de mode aujourd'hui chez nos plus froids badins,, 40 Sont des collets-montez & des vertugadins. Le Lecteur ne fait plus admirer dans Voiture De ton froid jeu de mots l'infipide figure. C'eft à regret qu'on voit cet Auteur fi charmant, Et pour mille beaux traits vanté fi juftement, Chez toi toûjours cherchant quelque fineffe aiguë, Présenter au Lecteur fa penfée ambigué, lime Et fouvent du faux fens d'un proverbe afecté, Faire de fon discours la piquante beauté. Mais laiffons-là le tort qu'à ces brillans Ouvrages

45

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REMARQUES.

Fit

dans la vieille Cour, par des Chanfonnettes, & des vers de Ballet, qui lui avoient acquis quelque réputation pendant le règne du mauvais Goût, des Equivoques & des Pointes qui fubfifte encor chez lui. " Furetiere répète encor la même raillerie dans fon troisième Factum.

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VERS 40. Sont des Collets-montez, & des Vertugadins.] Les Collets-montez & les Vertugadins étoient anciennement des pièces de l'habillement des femmes.

VERS 49. Mais laiffons-là le tort, &c.] Première ma nière:

Mais laiffons-là le mal qu'à de tels discours jointe,

Tu fis en mille endroits fous le beau nom de Pointe.

L7

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VERS

50 Fit le plat agrément de tes vains badinages. Parlons des maux fans fin que ton fens de travers, Source de toute erreur, fema dans l'Univers:

Et pour les contempler jusques dans leur naissance, Dès le tems nouveau-né, quand la Toute-Puiffance 55 D'un mot forma le Ciel, l'Air, la Terre & les Flots, N'eft-ce pas toi, voïant le Monde à peine éclos, Qui, par l'éclat trompeur d'une funeste pomme, Et tes mots ambigus, fis croire au premier homme, Qu'il alloit, en goûtant de ce morceau fatal, 60 Comblé de tout favoir, à Dieu fe rendre égal? Il en fit fur le champ la folle experience. Mais tout ce qu'il aquit de nouvelle science, Fut que trifte & honteux de voir fa nudité, Il fut qu'il n'étoit plus, grace à fa vanité, 65 Qu'un chétif animal pêtri d'un peu de terre, A qui la faim, la foif, par-tout faifoient la guerre, Et qui courant toûjours de malheur en malheur, A la mort arrivoit enfin par la douleurs

Oui, de tes noirs complots & de ta trifte rage 70 Le Genre humain perdu fut le premier ouvrage.

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Et

VERS 64. Grace à fa Vanité.] L'Auteur convenoit qu'il avoit été un mois à trouver ce demi-vers. [Remar quez cette cacophonie, Gra-ça-fa-va. ADD. de l'Ed. d'Amft.] VERS 80. Chez les Mortels reftans, encor tout éperdus. ] Au lieu de Mortels, il y avoit Hommes. Après reftans, qui fait la Céfure, l'Auteur, en récitant ce vers, faifoit un long. zepos, pour bien faire fentir que reftans ne doit pas fe join

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