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La Mufe, par malheur le hait autant qu'il l'aime.
Ila d'un franc Poëte & l'air & le maintien.

Il veut juger de tout & n'en juge pas bien.

Il a pour le Phébus une tendreffe extrême.

Une Sœur vagabonde, aux crins plus noirs que blonds » -
Va par tout l'Univers promener deux tetons,
Dont, malgré fon païs, Damon eft idolatre.

Il fe tue à rimer pour des Lecteurs ingrats.
L'Enéïde, à fon goût, eft de la Mort-aux-rats. -
Et, felon lui, Pradon eft le Roi du Théatre.

On attribua cette réponse à Racine & à Despréaux; mais ils la défavoüoient. Ils ont affûré depuis qu'elle avoit été faite par le Chevalier de Nantouillet, avec le Comte de Fiesque, le Marquis d'Effiat, Mr. de Guilleragues, & Mr. de Manicamp. C'étoit en effet l'Ouvrage d'eux tous enfemble. Celui contre qui le fecond Sonnet avoit été fait, repliqua par un autre, toûjours fur les mêmes Rimes.

Racine & Despréaux, l'air trifle & le teint blême,
Viennent demander grace, & ne confessent rien.
Il faut leur pardonner, parce qu'on eft Chrétien;
Mais on fait ce qu'on doit au Public, à foi-même..

Damon, pour l'interêt de cette fœur qu'il aime,
Doit de ces feélerats châtier le maintien :
Car il feroit blámé par tous les gens de bien,
S'il ne puniffoit pas leur infolence extrême.

Ce fut une Furie, aux crins plus noirs que blonds,
Qui leur preffa du pus de fes affreux tetons,
Ce Sonnet qu'en fecret leur Cabale idolâtre.

Vous en ferez punis, Satiriques ingrats,
Non pas en trahison d'un fou de Mort-aux-rats;
Mais de camps de bâton donnez en plein théatre.

Cette querelle fut terminée par des perfonnes du premier sang..

EPI

EPITRE VIII.

G

AURO I.

RAND ROI, ceffe de vaincre, ou je ceffe d'écrire.

Tu fais bien que mon ftile eft né pour la Satire, Mais mon Esprit, contraint de la désavouer, Sous Ton Regne étonnant ne veut plus que louer. 5 Tantôt dans les ardeurs de ce zèle incommode, Je fonge à mefurer les fyllabes d'une Ode: Tantôt d'une Eneïde Auteur ambitieux,

REMARQUES.

Je

Quoi que l'Epitre quatrième, fur la Campagne de Hollande, eût été faite peu de tems après que le Roi eut gratifié l'Auteur d'une Penfion, & qu'il l'eût composée pour marquer fa reconnoiffance envers Sa Majefté; il ne laiffa pas de lui adreffer cette Epitre VIII. pour le remercier plus particulièrement de fes bienfaits: c'eft pourquoi l'Auteur appeloit cette Epître, fon Remerciment. Il la récita au Roi. Elle fut compofée en 1675. mais il ne la fit paroître que l'année fuivante, pour les raisons qu'on va raporter.

27.

VERS 1. Grand Roi, ceffe de vaincre, ou je ceffe d'écrire.] En 1675. la fin de la Campagne ne fut pas heureuse pour la France. Mr. de Turenne fut tué d'un coup de Canon, le de Juillet; après quoi nos Troupes furent obligées de repaffer le Rhin, & de revenir en Alface. Le Maréchal de Créqui perdit enfuite la bataille de Saverne; & s'étant fauvé dans la Ville de Trèves qui étoit affiègée, la ville fut renduë malgré lui par capitulation, & il fut fait prifonnier de guerre. Tous ces revers obligèrent notre Auteur à ne point faire paroître alors fon Epître, de peur que fes Ennemis ne fillent paffer ce premier vers pour une raillerie.

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Je m'en forme déja le plan audacieux.

Ainfi toujours flaté d'une douce manie,
Je fens de jour en jour dépérir mon génie :
Et mes Vers, en ce ftile ennuïeux,
fans appas,

Deshonorent ma plume; & ne T'honorent pas.

Encor fi Ta valeur, à tout vaincre obstinée,
Nous laiffoit, pour le moins, respirer une année,
Peut-être mon Esprit, prompt à reffusciter,

Du tems qu'il a perdu fauroit fe r'acquiter.

Sur ces nombreux défauts, merveilleux à décrire,
Le Siècle m'offre encor plus d'un bon mot à dire.
Mais à peine Dinan & Limbourg font forcez,
Qu'il faut chanter Bouchain & Condé terraffez.

REMARQUES.

Ton

11 l'avoit bien changé ainfi Grand Roi, fois moins loirable, ou je ceffe d'écrire. Mais ce dernier vers n'avoit pas la beauté du premier; & l'Auteur aima mieux attendre l'heureux fuccès de la Campagne fuivante, que de fupprimer un des plus beaux vers qu'il eut faits.

CHANG. Vers 17. Sur ces nombreux défauts &c ] Au lieu de ce vers & du fuivant, il y avoit ceux-ci dans toutes les éditions qui ont paru avant celle de 1713.

Le Parnaffe François non éxemt de tous crimes

Offre encore à mes vers des fujets & des rimes.

CHANG. Vers 19. Mais à peine Dinan & Limbourg font forcez,] Dans la première compofition il y avoit:

Mais à peine Salins, & Dole font forcez,

Qu'il faut chanter Dinan, & Limbourg terrassez.

Salins & Dole, avoient été conquis en 1674. avec le reste

de

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Ton courage affamé de péril & de gloire,
Court d'exploits en exploits, de victoire en victoire,
Souvent ce qu'un seul jour Te voit éxécuter,
Nous laiffe pour un an d'actions à conter.

Que fi quelquefois las de forcer des murailles,
Le foin de tes Sujets Te rappèle à Versailles,
Tu viens m'embarraffer de mille autres Vertus ;
Te voyant de plus près, je T'admire encor plus.
Dans les nobles douceurs d'un féjour plein de charmes,
30 Tu n'ès pas moins Heros qu'au milieu des alarmes.
De ton Thrône agrandi portant feul tout le faix,
Tu cultives les Arts: Tu répans les bienfaits;
Tu fais récompenfer jusqu'aux Mufes critiques.
Ah! croi-moi, c'en eft trop. Nous autres Satiriques,
35 Propres à relever les fottifes du tems,

Nous fommes un peu nez pour être mécontens.
Notre Muse souvent pareffeufe & ftérile,

A befoin, pour marcher, de colère & de bile.
Notre ftile languit dans un remercîment:

40 Mais, GRAND ROI, nous favons nous plaindre élégamment.

REMARQUES.

O!

de la Franche-Comté. Dinan & Limbourg furent pris l'année fuivante, au commencement de la Campagne. Ces quatre villes étant les dernières conquêtes du Roi en 1675; L'Auteur les avoit nommées dans fon Epître; mais quand il la publia en 1676. il ôta les deux premières, & leur fubstitua Bouchain & Condé, qui avoient été pris en Avril & en Mai, de la même année.

VERS-42. De ces Rois nez valets de leurs propres Minijères.}

Les

O! que fi je vivois fous les règnes finiftres
De ces Rois nez valets de leurs propres Miniftres,
Et qui jamais en main ne prenant le timon,

Aux exploits de leurs tems ne prêtoient que leur nom; 45 Que, fans les fatiguer d'une louange vaine,

Aifément les bons mots couleroient de ma veine:
Mais toujours fous Ton Regne il faut fe récrier.
Toujours, les yeux au Ciel, il faut remercier.
Sans ceffe à T'admirer ma Critique forcée
50 N'a plus, en écrivant, de maligne pensée;

Et mes chagrins fans fiel, & presque évanouïs,
Font grace à tout le fiècle en faveur de Louis.
En tous lieux cependant la Pharfale approuvée,
Sans crainte de mes Vers, va la tête levée.
55 La Licence par tout règne dans les Ecrits
Déja le mauvais Sens reprenant fes esprits,
Songe à nous redonner des Poëmes Epiques,
S'empare des Discours, mêmes Académiques.
Perrin a de fes Vers obtenu le pardon;

REMARQUES.

Et

Les derniers Rois de la première race laiffoient toute l'adminiftration des affaires aux Maires du Palais. Henri III. fut auffi dévoué entierement à fes Mignons: c'eft pourquoi Mezerai a dit, qu'on pourroit appeler fon règne le règne des

Favoris.

VERS 53. - La Pharfale approuvée.] La Pharfale de

BREBOEUF.

VERS 59. Perrin a de fes Vers &c.] Voïez le vers 44. de la Satire VIII."

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