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NULLE JOUISSANCÉ

X

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Ceux qui confidérent fans beaucoup de réflexion les agitations & les miferes de la vie humaine, en accusent notre activité trop empreffée, & ne ceffent de rappeller les hommes au repos, & à jouir d'euxmêmes. Ils ignorent que la jouiffance eft le fruit & la récompenfe du travail; qu'elle eft elle-même une action; qu'on ne fauroit jouir qu'au tant que l'on agit, & que notre ame enfin ne fe pofféde véritablement que lorfqu'elle s'exerce toute entiere. Ces faux Philofophes s'empreffent à détourner l'homme de fa fin, & à juftifier l'oifiveté; mais la nature vient à notre fecours dans ce danger. L'oifiveté nous laffe plus promptement

que

le travail, & nous rend à l'action détrompés du néant de fes promeffes; c'est ce qui n'eft pas échappé aux modérateurs de fyftêmes, qui fe piquent de balancer les opinions des Philofophes, & de prendre un juste milieu. Ceux-ci nous permettent d'agir, & fous condition néanmoins de régler notre activité, & de déterminer felon leurs vues la mesure & le choix de nos occupations; en quoi ils font peut-être plus inconféquens que les premiers, car ils veulent nous

faire trouver notre bonheur dans la fujétion de notre efprit; effet purement furnaturel, & qui n'appartient qu'à la religion, non à la raison. Mais il eft des erreurs que la prudence ne veut pas qu'on approfondiffe.

*

DE LA

CERTITUDE

DES

PRINCIPES.

I V.

Nous n ous nous étonnons de la bizarrerie de certaines modes, & de la barbarie des duels; nous triomphons encore fur le ridicule de quelques coutumes, & nous en faisons voir la force. Nous nous épuifons fur ces chofes comme fur des abus uniques, & nous fommes environnés de préjugés fur lefquels nous nous repofons avec une entiere affurance. Ceux qui portent plus loin leurs vues remarquent cet aveuglement; & entrant là-deffus en défiance des plus grands principes, concluent que tout eft opinion, mais ils montrent à leur tour par-là les limites de leur efprit. L'être & la vérité n'étant de leur aveu qu'une même chofe fous deux expref

fions, il faut tout réduire au néant, ou admettre des vérités indépendantes de nos conjectures, & de nos frivoles difcours. Or, s'il y a des vérités telles, comme il me paroît hors de doute, il s'enfuit qu'il y a des principes qui ne peuvent être arbitraires la difficulté, je l'avoue, eft à les connoître; mais pourquoi la même raison, qui nous fait difcerner le faux, ne pourroit-elle nous conduire jusqu'au vrai ? L'ombre est-elle plus fenfible que le corps? L'apparence que la réalité Que connoiffons-nous d'obfcur par fa nature, finon l'erreur ? Que connoiffons-nous d'évident, finon la vérité? N'est-ce pas l'évidence de la vérité qui nous fait difcerner le faux, comme le jour marque les ombres? Et qu'est-ce en un mot que la connoiffance d'une erreur, finon la découverte d'une vérité? Toute privation fuppofe. néceffairement une réalité; ainfi la certitude eft démon

trée par le doute, la fcience par l'igno

rancé, & la vérité par l'erreur.

DEFAUT DE LA PLUPART

E

DES CHOSES.

V.

Le défaut de la plupart des chofes dans la poéfie, la peinture, l'éloquence, le raisonnement, &c. C'est de n'être pas à leur place. De-là le mauvais enthousiasme ou l'emphase dans le difcours, les diffonances dans la mufique, la confufion dans les tableaux, la fauffe politeffe dans le monde , ou la froide plaifanterie. Qu'on examine la morale même, la profufion n'eft-elle pas auffi le plus fouvent une générofité hors de fa place; la vanité, une hauteur hors de fa place; l'avarice, une prévoyance hors de fa place; la témérité, une valeur hors de fa place, &c. La plupart des chofes ne font fortes ou foibles

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