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Hor. Art.

Pët.

Poëte, qui certainement a déployé toutes les richeffes, & les beautez dont fa Langue étoit capable, & qui ne s'eft jamais fervi dans aucun endroit de fes Georgiques, & de fon Encïde, d'aucun terme qui ne fût tres pur, tres latin & tres propre au fujet, en forte que fi l'on vouloit tâcher d'en fubftituer un autre, on verroit bientôt par les efforts qu'on feroit inutilement d'en trouver qui fut plus élegant, qu'il ne fe peut rien ajoûter à fon exactitude. Je laiffe maintenant aux Grecs & aux Romains à difputer quelle de leurs deux Langues eft la plus belle, la plus riche, & la plus agreab'e, & fi Horace a dit vray, en concluant en faveur de la Greque, & en difant que les Mufes s'expliquent mieux par la bouche des Grecs, que par celle d'aucun autre Peuple..

Mufa loqui.

Graiis dedit ore rotundo

Quoy qu'il en foit; ce que toute l'Antiquité & les plus judicieux Critiques ont le plus admiré dans Homere eft cette fecondité de nobles & de grandes idées, & d'images vives & naturelles, par lefquelles il reprefente toutes les chofes, dont il entreprend de parler, & qu'il le fait d'une maniere fi naïve, qu'il femble que nous foyons prefens aux évenemens & aux actions qu'il raconte, & que nous ayons devant nos

yeux les objets dont il parle. Or c'eft en quoy Virgile excelle, foit en décrivant les plus grands évenemens, & en traitant les matieres les plus importantes, foit en voulant reprefenter les plus petites chofes, ik fait envifager par toutes les faces un même objet. Il le fait confiderer par tous les endroits, par lefquels il peut être vû & regardé. Il en décrit toutes les qualitez & proprietez, par lefquelles il peut être caraterife. Il ramalle une infinité d'idées & une plenitude de rayons (s'il m'eft ainsi permis de parler) fur un même fujet, qui le découvrent pleinement jufque dans l'interieur, & dans fon effence aux plus ftupides, & aux plus aveugles. Il femble qu'on eft prefent, & qu'on voit les chofes de fes yeux, lorfqu'on les lit dans Virgile. Quand il décrit un ferpent, fur lequel un Paflant a marché, Improvifum afpris &c. Jay peur: je friffonne : je fuis prêt à m'enfuir, comme le Paffant, dont il parle.

Longin a fur tout relevé dans Homere la defcription qu'il fait en quelque part de fon Iliade, & au douziéme Livre de fon Odyffée, d'une violente tempête fur Mer; & il raconte fur ce fujet, qu'un tres habile Peintre n'ayant jamais peu réuffir, à fa fantaifie, à en dépeindre une fur la toile, abandonna fon deffein, & brifa fon pinceau de colere; mais qu'étant allé par hazard

Hom.
Oзyir.

bb. 10.

dans une Ecole de Rheteur, où le Profur expliquoit à fes Ecoliers les Endroits d'Homere, où cette tempête est décrite, il fe fentit émû & fon imagination échaufée, par la maniere fi vive & fianimée, dont cette defcription étoit faite, fon efprit fut tout d'un coup comme tranfporté & éclairé par cette multitude d'idées differentes, qu'Homere y entaffe l'une fur l'autre ; & s'en étant retourné dans fon logis tout rempli de ces idées, il fit une peinture achevée de la tempête. Mais qu'on compare ces deux endroits d'Homere avec ceux de Virgile, où ce dernier traite le même fujet, & on verra qu'il y a mille traits incomparablement plus vifs & plus beaux, mille expreffions plus naturelles, mille images. & idées plus nettes & plus fideles, & entaffées les unes fur les autres en plus grand nombre, & dans un plus bel ordre dans le Poëte Latin que dans le Poète Grec.

Tous deux commencent la defcription d'une tempête fur Mer par celle de la furie, & de la nature des vents:mais au lieu qu'Homere nous les reprefente comme enfermez & coufus par Jupiter dans des peaux de Bouc, & tenus par luy en captivité dans des facs de cuir, comme fi c'étoit de l'huile, ou du vin, ou quelque femblable liqueur: ce qui eft du dernier ridi

cule, Virgile au contraire, nous les reprefente comme enfermez dans des lieux bas, & dans de grandes & vaftes cavernes bien bouchées, au Païs de l'Eolie, qui eft un Païs fort fujet aux vents, fous l'empire d'un Roy fevere & abfolu qui leur tient le pié fur la gorge, & les empêche de fortir, depeur que s'il leur lâchoit la bride, & qu'il lés abandonnât à leur propre furie, ils ne renverfaflent le Ciel & la Terre, & ne miffent tout fens deffus deffous. Il ne les lâche que par l'ordre des Dieux, & du grnd Jupiter.

Æoliam venit: Hic vafto rex Æolus antro Luctantes ventos, tempeftatefque fonaras Imperio premit, ac vinclis & carcere frænat. Ni faciat: maria ac terras, cælumque profundum Quippe ferant rapidi fecum,verrantque per auras. Sed Pater omnipotens fpeluncis abdidit atris Hoc metuens, molemque & montes infuper altos Impofuit, regemque dedit, qui fædere certo Et premere & laxas fciret dare juffus habenas. Monfieur le Clerc dans fon Parrhafiana fe moque de cet endroit de Virgile. Il eft de mauvais goût: car cette idée eft noble & marque parfaitement la nature, & la violence des vents. Elle infinue même leur origine & leur caufe phyfique, & fait voir qu'ils ne font autre chofe que des vapeurs de la terre, qui naiffent des lieux bas & voi

fins de la Mer, tel qu'eft l'Eolie: & fur tout il fait comprendre que tous ces grands ouragans & ces tempêtes épouventables, qui caufent quelquefois tant de defordres, & de fracas fur Mer & fur Terre, & font fuivis de tant de malheurs, de tant de naufrages, de tant de morts, de tant de chutes de bâtimens, de tant de pertes de batailles navales, de tant de tremblemens de terre, & d'orages dans l'air, n'arrivent jamais que par l'ordre de Dieu, qui tient les vents en fa main, & qui les lâche felon fes deffeins & l'ufage qu'il en veut faire:

Qui premere, & laxas fciret dare juffus habenas. Or c'eft cela même qui choque la Thcologie de Mr le Clerc mais cela eft tout à fait conforme à l'Ecriture fainte, & à la Theo

logie du Prophete David, qui dit que les grands vents & les tempêtes ne foufflent que par les ordres de Dieu, & executent les voPf. 148. Îontez: Spiritus procellarum, qua faciunt verbum ejus.

8.

Longin pour modele d'une penfée & d'une expreffion fublime, propofe l'endroit d'Homere, où il dépeint l'agilité & la rapidité avec laquelle le char de Neptune roule fur la Mer fans enfoncer dedans, & vole à fleur d'eau avec fes chevaux marins fans laiffer aucune trace, ni veftige de leur courfe. Mais cette peinture eft tout autre,

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