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Il en a abufé, comme on abufe des dons de la fortune, en étalant trop de luxe & de fafte. Ceux qui prétendent l'imiter, ont-ils les mêmes moyens? Il en eft du Citoyen de la République des Lettres, comme du Citoyen ordinaire s'il veut faire parade d'un luxe au-deffus de fes facultés, il fait bientôt banqueroute au bon fens & à la raison.

Voyez ce que font devenus les finges de Fontenelle? Voyez ce que deviendra d'ALEMBERT? Non-feulement il a voulu mettre dans fes prétendus Éloges, l'ef prit, la fineffe, les agrémens, que Fontenelle a répandus dans les fiens; mais il a voulu prendre encore le ton de Voltaire, & les rendre plus piquans, en les affaifonnant du fel de l'Épigramme, & ils ne font pleins que de bouffonneries & de farcafmes. Au ftyle fau-. tillant, découfu, maniéré, fouvent burlefque dont ils font écrits, reconnoîton l'Auteur du fage Difcours (1) qu'on

(1) DIDEROT a eu la plus grande part

à ce Dif

lit à la tête de l'Encyclopédie? C'est bien le cas de dire que pour éviter le ridicule, il faut que chacun fe renferme dans fon état. Ingrat envers la Géométrie qui l'a fait connoître, à laquelle il doit toute fa renommée, d'Alembert a voulu être plaifant & bel efprit, Littérateur & Philofophe. Ce dernier rôle lui convenoit mieux. On peut affurer même, fi l'on confulte fes écrits, qu'il l'a joué finement & modérément, ce qui lui a quelquefois attiré d'affez vifs reproches de la part du parti (1). II

cours, dont le fonds & l'enchaînement des idées appartiennent au Chancelier BACON.

(1): D'ALEMBERT, en effet, a été modéré dans fes écrits: mais il favoit bien fe dédommager de cette con trainte. Il tenoit chez lui un Bureau d'afsurance pour les Précepteurs, les Inftituteurs, les Maîtres de toute espèce, pour les Femmes de chambre même & pour les Valets, qu'il diftribuoit dans toutes les bonnes maifons de la Cour & de la Ville, fouvent même fans en être requis. Il les envoyoit de fa part chez le Bourgeois, & les préfentoit lui-même chez l'homme en place & en crédit. C'est ainsi que fans fe compromettre, il a étendu & propagé la Doctrine du Philosophisme.

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falloit qu'il s'en tint-là. Ses Mélanges de Littérature, d'Hiftoire & de Philofophie, font écrits d'un ftyle froid, inégal, & prefque toujours trop familier: la Métaphyfique qui y régne, eft embrouillée & obfcure. C'est-là que ; des plaines arides de la Géométrie il vient fouler d'un pied profane les fentiers fleuris du Parnaffe, & glacer les eaux d'Hippocrène, renverfer toutes les loix de la Poéfie, de l'Éloquence & de l'Histoire; en dicter de nouvelles, éteindre le feu de l'imagination, & foumettre aux régles d'Euclide les élans du génie. Il faut que la paffion du BelEfprit foit bien ambitieuse, pour tourner à ce point la tête froide d'un Géomètre ! Son ESSAI fur les Gens de Lettres, eft fon meilleur ouvrage; mais il avoit. de l'humeur contre les Grands, quand il le compofa. Ceft toujours la faute des Gens de Lettres, lorfqu'ils fe laiffent avilir. Si l'on confidère la plupart de ceux qui ufurpent ce titre, eft-il étonnant

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qu'on les méprife? Parafites avides flatteurs bas & rampans de la grandeur ou de l'opulence, comment oferoient-ils montrer une fierté noble & défintéressée ? Un homme, vraiment homme de Lettres, dont le mérite eft généralement reconnu, & qui a de foi-même (1) le sentiment qu'on en doit avoir, fe refpecte & fe fait refpecter. D'Alembert a fuivi, pour lui-même, les confeils qu'il donne. Il a fu mettre une espèce de dignité dans fa conduite, quand il s'eft publiquement affublé du manteau de Philofophe. Il étoit né Mime, & amufoit les fociétés où il étoit admis. Il a fenti que ce rôle ne procuroit aucune confidération; il l'a quitté, pour en jouer un autre plus grave jufqu'à la fin de fes

:

1

(a) PIRON étant près d'entrer dans l'appartement d'un grand Seigneur qui reconduifoit une perfonne qualifiée « Paffez, Monfieur, dit le maître du logis, à la perfonne qui s'arrêtoit par politeffe, passez, ce n'est qu'un Poëte: Puifque les qualités font connues, repartit Piron', je prends mon rang; » & il passa le premier. VIE d'Alexis BIRON, pag. 145, Tom. I. de fes ŒUVRES complettes

jours, dans lequel il a réuffi. Sa mếmoire étoit prodigieufe, fon efprit vif, & fa conception facile. Son nom, comme Géomètre, pourra passer à la Poftérité, mais à peine en parlera-t-on comme Littérateur. Il a beaucoup influé dans les changemens qu'on a faits pour le concours du Prix académique, & les Éloges hiftoriques font de fon inftitution. Autrefois les Séances publiques de l'Académie étoient peu nombreufes: d'Alembert après s'en être fait nommer Secrétaire perpétuel, a trouvé le fecret d'y attirer & la Cour & la Ville. Les applau diffemens alors fe font multipliés: mais la raifon & le goût ont gardé le filence.

Tandis que le Bel-Efprit s'efforçoit de groffir le nombre de fes partifans, une Académie (1) de Province couronnoit l'abus du Génie. Entraînée par le charme

(1) L'ACADÉMIE de Dijon avoit propofé cette quef tion: Si le rétablissement des Sciences & des Arts a contribué à épurer les Meurs. J. J. ROUSSEAU foutint la négative, & fut couronné.

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