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MOLIÈRE ET SA TROUPE

BIOGRAPHIE

DE MOLIÈRE ET DES ACTEURS QUI PARURENT SUR SON THEATRE, DEPUIS LE 24 OCTOBRE 1658, JOUR DE LA PREMIÈRE REPRÉSENTATION

QU'IL DONNA A PARIS, ET DE L'AUTORISATION

QU'IL OBTINT DE S'Y ÉTABLIR, JUSQU'AU 17 FÉVRIER 1673,
JOUR DE SA MORT.

MOLIÈRE (Jean-Baptiste POQUELIN, dit), suivant une décision moderne, serait né à Paris, le 15 janvier 1622, rue Saint-Honoré, dans une maison faisant le coin à droite de la rue des Vieilles-Étuves, et qui fut démolie vers 1820. Il était fils de Jean Poquelin, tapissier valet de chambre du roi, mort en 1669, et de Marie Cressé, son épouse, morte le 11 mai 1632, laquelle était fille de Louis Cressé. Molière était l'aîné de huit enfants connus. La famille de la mère de Molière exerçait depuis longtemps, aux halles à Paris. la profession de tapissier. Le père de Molière avait été nommé tapissier valet de chambre du roi, le 22 avril 1631, en remplacement de son oncle, Nicolas Poquelin. Plusieurs de ses parents avaient été juges et consuls de la ville de Paris, fonctions importantes qui donnaient parfois la noblesse. Jean-Baptiste Poquelin fut destiné, dès sa jeunesse, au métier des siens; mais son caractère ardent s'accommodait peu de ce genre d'occupation. Son grand-père maternel, qui l'avait pris en affection, le menait souvent aux représentations de l'hôtel de Bourgogne, ce qui fit naître peut-être sa vocation, de façon qu'il eut le désir de s'instruire. Bien que les sciences et les lettres ne fussent alors cultivées que par la noblesse, le clergé, et par ceux qui s'y des

tinaient spécialement, le père de Molière se décida à satisfaire le désir de son fils.

Vers la fin de 1639, probablement à l'époque des vacances, Moière quitta le collége de Clermont, depuis Louis-le-Grand, où il avait fait ses études en quatre années, jusqu'au cours de philosophie, qu'il suivit sous le célèbre Gassendi; et pendant qu'il étudiait, il eut pour condisciples le prince de Conti, Chapelle, Bachaumont, Hénault, Cyrano de Bergerac et François Bernier.

Le 27 janvier 1642, il quitta Paris pour suivre le roi à Narbonne, comme survivancier de la charge de son père, dont il avait le titre depuis 1637 sans doute son père était retenu à Paris par une maladie ou par ses affaires. Le 21 avril 1642, Molière suivit le roi à Sigean, puis à Perpignan; le 10 juin 1642, il revint à Sigean, puis à Narbonne. A Sigean, en allant et en revenant, il logea, dit M. Raymond, chez Martin-Melchior Dufort, avec lequel il fit connaissance. A Narbonne, quand on fit des perquisitions pour arrêter Cinq-Mars, un jeune valet de chambre le fit cacher dans un cabinet obscur situé entre la chambre du roi et la salle d'attente, ce qui le sauva pour le moment ce jeune valet de chambre pouvait être Molière.

Etant de retour à Paris, vers la fin de juillet 1642, Molière étudia le droit à l'école d'Orléans; il se fit recevoir avocat et suivit le barreau pendant cinq ou six mois; mais, son penchant pour le théâtre l'entraînant, il fréquenta les spectacles, se lia avec des acteurs, prit même, dit-on, des leçons de Fiurelli, le fameux Scaramouche, et commença de jouer en société. On pense qu'une liaison intime s'établit alors entre Madeleine Béjart et Molière, et que cette passion détermina ce dernier à se livrer au théâtre : peut-être avait-il déjà fait connaissance avec Madeleine pendant son séjour à Narbonne, en 1642.

En 1645, la société dite les Enfants de Famille, dont l'un et l'autre faisaient partie, se croyant capable de paraître en public, s'établit, sous la dénomination de l'Illustre Théâtre, aux fossés de la tour de Nesle, où se trouve aujourd'hui la rue Mazarine, puis au port Saint-Paul. Ce fut à l'installation de ce théâtre que Jean-Baptiste Poquelin prit le nom de MOLIÈRE, sans doute par respect pour sa famille, qui s'opposait de tout son pouvoir à ce qu'il se fit comédien. Le nom de Molière avait déjà été porté par deux auteurs de romans, dont l'un, François de Molière, sieur d'Essertine, mort assassiné en 1623, est dit, par erreur, Molière le tragique: son roman de Polixène, vers 1640, jouissait d'une grande renommée. A cette der

nière époque, il existait un nommé Molière, danseur, poëte et musicien, dont la mère parut alors dans les ballets de la cour, mais depuis on n'en reparla plus. Quant à Molière le danseur, qui se nommait, dit-on, Louis Mollier, et qui se maria en 1642, on le voit paraître, dans les relations des spectacles de la cour, depuis 1648 jusqu'en 1665; il était maître de la musique et des ballets du roi, et jouissait d'une très-grande renommée; on l'appelait le fameux Molière. Il s'éclipsa peu à peu à partir de 1661, quand Lulli fut nommé surintendant de la musique du roi, et surtout quand le célèbre Molière, en 1664, commença à écrire des ballets. Suivant l'usage du temps, on estropiait leur nom; on les nommait, l'un et l'autre, Molier, Moliers, Mollier ou Mollière; seulement, vers 1663, on se mit à l'écrire correctement. Molière le danseur fit: Andromède attachée au rocher et délivrée par Persée, opéra; les Amours de Jupiter et de Sémélé, en janvier 1666; les Amours du Soleil, en 1671; le Mariage de Bacchus et d'Ariane, le 7 janvier 1672; et ces trois dernières pièces, qui étaient des comédies-ballets, furent jouées avec un grand succès au théâtre du Marais. La fille de Molière le danseur parut également dans les spectacles de la cour de 1656 à 1665. Picard parle encore d'un Molière, de très-peu de renommée, qui aurait été acteur de l'hôtel de Bourgogne. Enfin, il existe plusieurs villages du nom de Molière, dont quatre Molière, neuf Molières et un Molierre; plusieurs de ces villages ont eu des seigneuries. De tout cela où Molière a-t-il pris son nom? C'est ce qu'il n'a jamais voulu dire.

En 1645, le duc de Guise, partant pour l'Italie, fit cadeau de sa garde-robe aux principaux acteurs de Paris; elle fut partagée entre Beauchâteau, de l'hôtel de Bourgogne; Josias de Soulas dit Floridor, du théâtre du Marais; le Capitan (Joseph Bianchi, directeur?) de la Comédie-Italienne; la Béjart, Charles Beys et Molière, de l'Illustre Théâtre. Sans doute Mlle Béjart figure à double titre dans cette liste : d'abord, comme directrice, elle aura reçu le lot de vêtements qui revenait à son théâtre, et l'aura partagé entre Beys et Molière, qui était son amant ; ensuite on lui aurait donné des bijoux pour sa part, car on dit qu'elle brillait des présents du duc, et ce cadeau particulier n'aurait rien d'étonnant, puisque son ancien amant, M. de Modène, était en quelque sorte le bras droit du prince. En 1646, Molière quitta Paris avec la troupe de l'Illustre Théâtre pour aller jouer en province; il remplissait alors des rôles sérieux, tragiques, dans lesquels il n'excellait pas.

Ici commence un itinéraire assez mal connu, et dont on ne peut indiquer que quelques points. Il paraît certain que les villes que l'on va énumérer ont été visitées par Molière; mais les auteurs ne sont pas toujours d'accord sur les époques où il s'y trouvait; chacun semble avoir arrangé l'itinéraire à sa manière, de sorte que l'on est obligé d'en faire ici tout autant: bien entendu qu'on se laissera guider par les probabilités ou par la majorité des opinions pour les dates qui sont en litige. Quand on remarque que Molière parcourut la province pendant neuf années, qu'il joua à Nissan, qui avait à peine mille habitants, et que dans une ville comme Nantes il ne donna que deux ou trois représentations, on peut croire que les villes que l'on va citer ne doivent être qu'une bien faible partie de toutes celles qu'il exploita.

En partant de Paris, en 1646, et probablement en s'arrêtant un peu dans les villes les plus importantes, la troupe de l'Illustre Théâtre se rendit à Bordeaux, où Molière fut parfaitement accueilli par Bernard de Nogaret, duc d'Epernon, gouverneur de la Guienne. C'est dans cette ville, et probablement à cette époque, qu'il fit représenter la Thébaïde, tragédie qui n'eut pas de succès. De Bordeaux, la troupe se dirigea sur Toulouse, où Molière fit connaissance avec le fameux poëte Goudelin; et M. d'Aldéguier, dans son Histoire de Toulouse, dit qu'il y donna son spectacle au logis de l'Ecu. Maintenant il se présente, dans l'itinéraire, une lacune d'environ une année pendant laquelle on ne sait ce que Molière devint. Il est probable que pendant ce temps la troupe aura parcouru le Languedoc, la Provence, le Dauphiné; que dans cette tournée elle aura donné à Vienne les représentations dont Nicolas Chorier fait mention; ensuite qu'elle se sera dirigée par le centre de la France, vers la Bretagne, car on la trouve donnant des représentations à Nantes, du 23 au 26 avril 1648, où Dufresne, qui y arrivait avec la sienne, se réunit à Molière. Scarron dit avoir vu des comédiens au Mans en 1647: ce pouvait être Molière ou Dufresne. Après Nantes on retombe encore dans une seconde lacune de vingt mois, que la troupe employa probablement à visiter les principales villes du sud-ouest de la France. Plusieurs auteurs pensent que c'est dans cette tournée que Molière fit jouer la Thébaïde à Bordeaux; mais cela est douteux, à cause des troubles qui éclatèrent dans cette ville au commencement de 1649, et qui en firent partir le duc d'Epernon; ensuite parce que, dans la dédicace d'une tragédie de Magnon, imprimée en 1647, et intitulée Séjanus, l'auteur, ami de Molière et des Béjart, fait allusion à la pro

tection que le duc d'Épernon avait accordée à Mlle Béjart, quand elle jouait à Bordeaux: donc, elle avait joué dans cette ville avant que l'on imprimat Séjanus. Les mêmes auteurs croient encore que, dans ce même temps, Molière fut à Toulouse; mais alors la tradition qui est restée des rapports de Molière avec Goudelin ne serait qu'une pure invention, puisqu'à cette époque ce dernier n'existait plus : on ne voit pas ce qui aurait donné lieu à cette tradition; comme dit le proverbe, il n'y a pas de fumée sans feu. Il est toutefois possible que la troupe soit retournée à Bordeaux et à Toulouse en 1648-49: elle avait le loisir suffisant pour cela; mais les plus grandes probabilités sont que, pour la première fois, elle y ait été en 1646-47, et le fait paraît même certain vu la dédicace de Magnon.

Quoi qu'il en soit, Molière était sans doute à Narbonne le 17 décembre 1649, car un livre de raison, de Martin-Melchior Dufort, son ancienne connaissance de Sigean, semble indiquer à cette année qu'ils y soupèrent ensemble ce jour-là après le spectacle. On y voit : 17 décembre. - Souper et comédie à Narbonne... 3 liv. 12 sols. Alors le souper coûtait 15 sols, le spectacle 12 sols: donc Dufort avait soupé en société. A Narbonne, le 10 janvier 1650, on baptisa un enfant nommé Jean, fils d'Anne et d'un père inconnu. Le parrain fut Molière, qui se fit désigner J.-B. Poquelin, valet de chambre du roi; la marraine, Catherine Dubosc; les témoins furent Charles Dufresne et Julien Mélindre. On ne peut guère douter que toutes les personnes qui concoururent à ce baptême n'aient été de la troupe de Molière. Quant à la mère, il est probable que c'était Anne Brillard, que l'on retrouve, en 1661, mariée à Prévost, acteur du théâtre du Palais-Royal. Enfin, la troupe de Molière aurait encore compris à Narbonne, en 1649, Marie-Hortense Desjardins, depuis dame de Villedieu, comme Tallement des Réaux semble l'indiquer : elle avait alors à peine dix-huit ans, et s'était enfuie de chez ses parents en 1648. Après Narbonne, il se présente trois années dont l'emploi est très-contesté. La majeure partie des auteurs dit que la troupe de l'Illustre Théâtre les passa à Paris, et donne passablement de détails sur ce qu'elle y fit; de plus, dans une lettre que Chapelle écrivit à Molière, et que l'on va rapporter un peu plus loin, on voit que ce dernier était à Paris en 1652. Le petit nombre des opposants n'indique qu'un court séjour à Vienne en Dauphiné, et laisse du doute. En conséquence, rangeons-nous du côté de la majorité des opinions, et surtout croyons-en Chapelle.

Donc, en 1650, la troupe de l'Illustre Théâtre revint à Paris, et

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