ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

de cet auteur: voici l'hypothèse qui paraît la plus probable, parce qu'elle est la plus simple et la plus naturelle. Lagrange ayant publié les œuvres de Molière, à la mort de Lagrange, sa femme dut penser qu'il avait extrait des manuscrits tout ce qu'ils pouvaient renfermer de curieux, et que dès lors ces manuscrits devenaient inutiles. En conséquence, pour s'en débarrasser, elle les aura vendus à l'épicier ou à tout autre qui les aura promptement et complétement détruits. Comme, à cette époque, on ne collectionnait pas les autographes, personne n'en aura recueilli. Quant aux lettres qu'il aurait pu écrire à ses amis, peutêtre écrivait-il très-peu, peut-être n'écrivait-il que pour des affaires particulières de peu d'importance; et dès lors ses lettres ne présentant aucun intérêt, on les brûlait. S'il eût introduit des vers dans ses lettres, ainsi qu'on le faisait parfois à son époque, on en aurait conservé comme on l'a fait pour d'autres auteurs. On suppose encore que le clergé aura recherché ses écrits pour les détruire; mais il n'y avait aucun intérêt le crime de Molière était ses pièces, et elles étaient imprimées; donc le mal était fait et sans remède; d'ailleurs une recherche complète paraît impossible. ·

Molière jouait avec un grand succès les rôles comiques, surtout dans le haut comique, et rarement les rôles sérieux, tels que: LE POÈTE et UNE HARANGÈRE, dans le Ballet des Incompatibles, à Montpellier, en 1654; LE DOCTEUR dans le Docteur amoureux; MASCARILLE dans l'Etourdi; ALBERT dans le Dépit amoureux; MASCARILLE dans les Précieuses ridicules; DON GARCIE dans Don Garcie de Navarre; SGANARELLE dans l'Ecole des Maris, à Vaux, le 12 juin 1661; ERASTE dans les Fâcheux, à Vaux, le 16 août 1661; ARNOLPHE dans l'Ecole des Femmes; MOLIÈRE et LE MARQUIS RIDICULE dans l'Impromptu de Versailles, 14 octobre 1663; SGANARELLE dans le Mariage Forcé, au Louvre, le 29 janvier 1664; LYCISCAS du prologue, et MORON de la comédie, dans la Princesse d'Elide, à Versailles, le 8 mai 1664; SGANARELLE dans le Festin de Pierre; SGANARELLE dans l'Amour médecin, à Versailles, le 15 septembre 1665; ALCESTE dans le Misanthrope; SGANARELLE dans le Médecin malgré lui; LYCAS dans la pastorale du Ballet des Muses; LYCARSIS dans Mélicerte; DON PEDRE dans le Sicilien, à Saint-Germain-en-Laye, le 2 décembre 1666, et plus tard HALI dans le Sicilien; SOSIE dans Amphitryon; GEORGES DANDIN, à Versailles, le 18 juillet 1668; HARPAGON dans l'Avare; ORGON dans le Tartufe, le 5 février 1669; MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, à Chambord, le 6 octobre 1669; CLITIDAS dans les Amants magnifiques, à SaintGermain-en-Laye, le 7 septembre 1670; MONSIEUR JOURDAIN dans le

Bourgeois gentilhomme, à Chambord, le 14 octobre 1670; ZEPHIR dans Psyché, aux Tuileries en janvier 1671; SCAPIN, le 24 mai 1671, puis GERONTE, dans les Fourberies de Scapin; UN PATRE et UN TURC, dans la pastorale de la Comtesse d'Escarbagnas, à Saint-Germainen-Laye le 2 décembre 1671; CHRYSALE dans les Femmes savantes; ARGAN dans le Malade imaginaire; enfin, suivant trois anciens dessins, on pourrait ajouter : CLITANDRE dans les Femmes savantes; LE VICOMTE dans la Comtesse d'Escarbagnas, et UN SÉNATEUR dans le Sicilien.

On peut faire une réflexion sur les coups du hasard. Très-probablement c'est à Madeleine Béjart que nous sommes redevables de Molière c'est elle qui l'entraîna au théâtre et qui lui fournit l'occasion de développer ses talents. Grâce à leur intimité, Molière, dès ses premiers pas, fut indirectement chef de troupe. S'il eût débuté au théâtre du Marais ou à l'hôtel de Bourgogne, son génie naissant eût été étouffé par des pouvoirs, par des talents supérieurs, soit directeurs, soit auteurs, soit acteurs; peut-être même eût-il toujours végété dans le genre tragique, pour lequel il avait primitivement du goût et qui était en grand crédit dans les deux théâtres précités.

CONJECTURES.

I. Au commencement de cette biographie, on fixe la naissance de Molière au 15 janvier 1622, parce que, depuis trente ans, c'est un fait généralement admis; mais il s'en faut de beaucoup qu'il paraisse certain.

Grimarest le premier, en 1705, publia l'histoire de Molière; Grimarest, dont Boileau disait, en écrivant à Brossette, qu'il ne savait rien de la vie de Molière; mais on ne peut prendre à la lettre les раroles d'un vieillard satirique. Il suffisait que Grimarest eût commis de légères erreurs dans les anecdotes qu'il rapporte, pour s'attirer le blâme de Boileau, qui pouvait en connaître les détails mieux que lui, puisqu'il avait été extrêmement lié avec Molière. Voltaire, sur le même sujet, s'explique plus clairement que Boileau; il dit que, touchant les rapports de Molière avec ses amis, les contes populaires qui ont été adoptés par Grimarest sont très-faux. Il tenait ce renseignement du duc de Sully et de l'abbé de Chaulieu, qui avaient beaucoup vécu avec Chapelle, le plus intime ami de Molière.

Grimarest avait vu Molière; il avait recueilli les faits qu'il rapportait des parents, des amis de Molière, principalement de Baron, qui avait été élevé par Molière, comme un père élève son enfant dans

sa propre maison: on doit donc croire que Grimarest pouvait être parfaitement informé, surtout quand il s'agissait d'un fait aussi peu compliqué qu'une date de naissance.

Les historiens du siècle dernier qui se sont ensuite occupés du même sujet ont copié Grimarest. Les écrivains de notre siècle en ont fait tout autant; seulement, par suite des nombreuses recherches qu'ils ont faites dans les vieilles archives, ils se sont trouvés en position d'ajouter à l'ancienne histoire beaucoup de renseignements inconnus antérieurement. Quant aux erreurs qu'ils y ont reconnues, elles semblent se réduire à trois, et se rapportent au lieu, à la date de la naissance, et au nom de la mère de Molière. Grimarest dit que Molière naquit sous les piliers des Halles, en 1620, et que sa mère s'appelait Boudet: Voltaire dit Anne Boutet; mais il paraît que le véritable nom était Boudet. Les historiens modernes ont trouvé qu'il vint au monde rue Saint-Honoré, en 1622, et que sa mère se nommait Cressé. Il s'agit donc d'examiner ces trois corrections, pour connaître le degré de confiance que l'on peut accorder à l'origine de Molière telle qu'on la donne aujourd'hui.

Le lieu de la naissance n'est qu'une conséquence de la date. On le dit né rue Saint-Honoré, parce qu'on le croit né en 1622, et qu'à cette époque son père demeurait en cet endroit; ainsi, il suffira de s'assurer de l'exactitude de la date pour juger de celle du lieu. Passons donc à la date.

Comme on a fait de très-nombreuses recherches, et que l'acte de naissance de Jean-Baptiste Poquelin ne s'est pas trouvé, on peut en conclure qu'il n'existe pas à Paris; mais, comme Grimarest le dit né en 1620, et que son père se maria le 27 avril 1621, on peut supposer que Molière sera arrivé avant le mariage de ses parents, que l'on aura voulu tenir sa naissance secrète pendant quelque temps, et que sa mère aura été cacher sa grossesse hors de Paris. A cette supposition, on répond que si Molière eût existé à l'époque du mariage, ses parents l'eussent reconnu en se mariant : cette réponse n'est pas péremptoire. D'abord la honte d'avouer une faute peut empêcher de la déclarer publiquement; ou bien on peut avoir regardé comme inutile de le reconnaître, par la raison que voici et qui est la plus probable: c'est que les registres des paroisses n'étaient pas des états civils.

En les examinant, on n'est pas convaincu qu'ils aient été tenus pour constater l'état civil de chacun. Tous les noms de famille y sont estropiés. On y trouve le nom de POQUELIN écrit: Pouquelin, Pauquelin,

Pocquelin. Poquelin, Pocquelin, Pouguelin, Pauguelin, Poclin, Poclain; celui de CRESSE écrit Crésé, Creséz et de Cressé. Chacun s'y donnait le prénom qui lui plaisait. On en citera un exemple à l'article de Baron. Dans les registres de décès, on a grand soin de détailler les opérations faites par l'église, le service grand ou petit, les cloches, le nombre des porteurs. Quant au nom du défunt, si c'est un enfant et même un jeune garçon, on n'en parle pas; on indique le nom d'une personne, une demeure, et quelquefois seulement l'un ou l'autre, mais toujours sans dire si la personne nommée était précisément le père de l'enfant. Quand il s'agissait d'une grande personne on mettait généralement le nom du défunt, la rue où il demeurait; mais parfois la rue seulement. Sur ces registres, on fait mention des services de bout d'année, et en marge de chaque article, dans plusieurs paroisses, on a mis un P, ce qui voulait dire payé. Sur certains registres de naissances, on voit paraître de loin en loin des enfants naturels dont le père est toujours nommé. Leurs actes de naissance ne diffèrent de ceux des enfants légitimes que par l'absence des mots son épouse, à la suite du nom de la mère, et par l'addition du mot illégitime écrit en marge du registre. Sur d'autres registres de naissances, on ne dit jamais si le père et la mère de l'enfant étaient mariés; et comme sur ces registres le nom du père se trouve partout, il est impossible de distinguer les enfants légitimes des enfants naturels. Tous ces registres ont été tenus avec une négligence extrême; l'écriture y change de main à chaque instant; parmi les gens qui les tenaient il s'en trouvait qui savaient à peine écrire et qui ne se faisaient pas faute de ratures ni de surcharges. La plupart des mots sont illisibles, il y en a même que l'on ne peut deviner, surtout parmi les noms propres. Enfin les registres de naissances et de décès ne renferment aucune signature; il y a même des registres de mariage qui n'en ont pas, et dans quelques-uns de ces derniers, on se borne à donner tout simplement le nom des conjoints sans aucun autre détail; par conséquent ces actes ne pouvaient engager à rien, ce qui explique parfaitement pourquoi les enfants naturels y sont reconnus par leur père. Le nom du père pouvait même y avoir été mis à son insu. Tout cela fait que ces registres ressemblent à des comptes, à des souvenirs de paroisse, plutôt qu'à des états civils. L'église tenait à ce que les cérémonies de baptême, de mariage, de funérailles se fissent; mais une fois ces formalités remplies, la conscience étant en repos, elle ne s'inquiétait plus de l'avenir. On doit profiter de ce que l'on trouve dans ces registres, mais avec circon

spection, parce qu'ils ne sont pas tout à fait authentiques. A voir ces registres, on peut croire qu'au temps de Molière l'état civil de la bourgeoisie ne s'établissait que par la notoriété publique et non par des registres. Du reste, ce ne fut qu'en 1515 que l'on commença à

en établir à Paris.

En parcourant les anciens registres dont il s'agit, on remarque que l'on n'y donnait généralement qu'un seul nom de baptême à chaque enfant. Les exceptions y sont extrêmement rares. On a parcouru tout un registre de la paroisse Saint-Sauveur sans en trouver. Le nom de Jean-Baptiste que portait Molière, bien qu'il paraisse un nom composé, est un nom simple, puisqu'il y a saint Jean-Baptiste et que saint Baptiste n'existe pas : peut-être même dans les anciens temps écrivait-on Jeanbaptiste, et dans la suite le trait d'union se sera introduit. Dans tous les cas, c'est de cette manière et avec une seule majuscule que ce nom se trouve écrit sur les registres des paroisses de Paris, du temps de Louis XIII. Par conséquent ce nom est tout aussi différent de celui de Jean que le serait un autre nom quelconque. Or, c'est l'acte de baptême d'un enfant nommé Jean, que l'on regarde comme étant celui de Molière, qui se nommait Jean-Baptiste; on pouvait aussi bien prendre celui de Louis, qui était l'enfant suivant de la même famille. On ne voit guère qu'une raison qui ait pu faire adopter celui de Jean, c'est que ce mot se compose des mêmes lettres que celles qui commencent le nom de Jean-Baptiste. Enfin, si l'on admet que l'acte de baptême de Jean soit celui de Molière, c'est dire que Molière a renoncé à son prénom pour en prendre un autre, et l'on ne voit aucune raison qui ait pu l'y amener, d'autant plus que Molière semble avoir tenu à conserver son vrai nom; car, après s'être donné un surnom pour le théâtre et pour le public, il a encore gardé, dans les affaires privées, celui de Poquelin. S'il avait voulu changer tout à fait son nom, il aurait quitté celui de Jean Poquelin pour prendre celui de Jean-Baptiste Molière, et comme il ne l'a pas fait, on doit croire qu'il se nommait véritablement Jean-Baptiste et non pas Jean, comme on le prétend aujourd'hui. Donc, l'acte de baptême de Jean ne peut être celui de Jean-Baptiste. Sur les anciens registres de Saint-Eustache et sur les autres, on voit des Jean et des Jean-Baptiste, ce qui prouve que l'on ne confondait pas ces deux

noms.

Le père de Molière eut deux enfants nommés Jean, l'un né en 1622, l'autre en 1624. Comme on ne donne un nom que dans le but de pouvoir facilement désigner un enfant, il serait extraordinaire, il

« ÀÌÀü°è¼Ó »