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coup amaigrie et de nouveau allongée vers sa dernière année. On a des intermédiaires assez rapprochés, entre les trois portraits de face qui sont joints à cette brochure, ce qui est une preuve de la vérité de la ressemblance. Deux causes ont dû produire le prompt changemet qui s'est opéré dans la figure de Molière à partir de 1671: son raccommodement avec sa femme et l'abandon du régime hygiénique qu'il suivait pour sa maladie de poitrine: depuis le mois de mars 1667, il ne vivait que de lait, et il se remit à la viande.

Parmi les portraits de Molière qui sont gravés, on n'en voit que trois qui puissent inspirer de la confiance. Celui qui fut gravé, en 1685, par Nolin, d'après Mignard, ami de Molière; cette gravure semble représenter ce dernier vers 1670. Celui de 1705, fait par Audran, également d'après Mignard, et qui peut donner la figure de notre célèbre auteur vers 1665. Enfin, le portrait gravé par Beauvarlet, publié en 1773, d'après Sébastien Bourdon, employé aux peintures des Tuileries: ce doit être Molière vers 1652.

Le portrait gravé par Nolin diffère peu du portrait aux trois crayons d'où on a tiré l'une des gravures que renferme cette brochure. Dans la gravure de Nolin, les rides sont peut-être un peu trop marquées. Ce qui donne lieu à cette réflexion, c'est que, dans quelques portraits qui semblent représenter Molière dans un âge un peu plus avancé, elles le sont moins, et qu'ordinairement les rides. vont en augmentant. Un défaut qui peut-être se trouve encore dans la gravure de Nolin, c'est que la moustache, si elle y est, n'y est pas assez prononcée. La moustache de Molière semble avoir été assez faible; mais enfin il l'avait déjà en 1664, et très-probablement à l'époque où Mignard aura fait son portrait. Dans la gravure de Nolin, la moustache n'est qu'une ombre, mais qui descend sur la bouche, comme on pense que Molière la portait. Si la moustache n'y est pas, c'est que Molière l'aurait coupée momentanément; mais il ne serait pas resté long-temps sans la reprendre, car on la retrouve dans tous les portraits où il est représenté dans un âge un peu plus ou un peu moins avancé que dans celui dont il s'agit. Un ancien portrait gravé, qui est une apothéose, offre également une petite moustache; la figure en est si morne, si maigre, les joues si creuses, que l'on est porté à croire que ce portrait a été fait par quelqu'un qui aura vu Molière à son lit de mort et qui aura tâché d'en conserver le souvenir: d'où on conclut que Molière porta la moustache jusqu'à la fin de sa carrière. L'apothéose dont on parle est rognée jusqu'à la planche. Pour s'assurer de l'exactitude du nom qui est écrit à la

main, on aurait désiré voir une autre épreuve de cette gravure ou rencontrer quelqu'un qui en eût vu; mais on a fait de vaines recherches à ce sujet. Toutefois, il est à croire que c'est bien Molière que l'on a voulu représenter: un grand portrait à l'huile, une miniature sur vélin et surtout un petit dessin à la plume donnent, à peu de chose près, la même figure que cette gravure.

Le portrait gravé par Beauvarlet est critiqué par beaucoup de monde sous le rapport de la ressemblance; cependant voici un fait qui semble prouver qu'il est bon: c'est que la miniature à l'huile, dont on a parlé, et qui, dit-on, représente Molière vers 1646, donne évidemment la figure du même homme que la gravure de Beauvarlet, mais seulement dans un âge moins avancé. Comme on peut le voir, la figure en est maigre, tandis que celle de la gravure de Beauvarlet est grasse.

La gravure d'Habert, faite en 1686 d'après Mignard, semble avoir été tirée de la même peinture que la gravure d'Audran, d'où on doit croire qu'Habert aura mal rendu le modèle qu'il avait choisi.

La gravure de Crépy, qui était contemporain de Molière, représente bien certainement ce dernier à un âge antérieur d'un peu à celui de la gravure de Nolin; mais le format en est trop petit et le burin n'en est pas assez fin pour que ce soit un bon portrait.

Quant aux gravures de Fiquet et de l'Epicié, qui sont tirées d'une peinture de Charles Coypel, on croit pouvoir les regarder comme donnant une figure quelconque approchant de celle de Molière. En faisant un choix parmi les portraits de Molière, en les rangeant dans l'ordre de l'âge que l'on peut mettre sur chaque figure, en examinant les changements que la figure de Molière a subis, on ne trouve nulle part à intercaler ces deux gravures, elles ne donnent même pas la coupe de la figure de Molière : la tête en est un peu plus large par en haut, plus étroite par en bas que dans les autres portraits. Molière avait le visage ovale et presque rond au moment où il était le plus gras. Du reste, Coypel, étant né vingt et un ans après la mort de Molière, ne pouvait faire un bon portrait de ce dernier; il ne dut travailler que d'après des documents, et celui qu'il adopta est certainement le portrait de Molière qui se trouve au Musée du Louvre sous le n° 659: la figure de ce portrait est exactement la même que celle du tableau de Coypel; Coypel semble avoir changé seulement la perruque, la robe de chambre, avoir allongé le corps et assis Molière écrivant à une table.

C'est se hasarder que d'oser critiquer le portrait de Molière qui

est au Louvre sous le no 659, et, si l'on se tait, on semble approuver l'opinion, la plus généralement admise depuis longtemps, que le tableau dont il s'agit est un véritable portrait de Molière peint par Mignard. D'abord, l'administration du Musée doute présentement que ce soit une peinture de Mignard, puisqu'elle a enlevé le nom de ce peintre pour y mettre l'étiquette Ecole française, ce qui veut dire peintre inconnu. De plus, la perruque de ce portrait est plus courte qu'on ne la portait au temps de Molière, et elle renferme probablement encore les traces de la perruque à la Steinkerque qui avait les cheveux hauts et divisés en deux parties au-dessus du front.

Au temps de Molière toutes les coiffures étaient basses sur le sommet de la tête; les cheveux tombaient naturellement et descendaient jusque sur les épaules, qu'ils couvraient presque entièrement. Vers 1680, la coiffure des femmes commenca à s'élever peu à peu et

devint fort haute du temps de Mme de Maintenon. Celle des hommes, quelques années plus tard, prit également une certaine extension; on sépara, on frisa, on crêpa les cheveux sur le haut de la tête; mais, jusqu'en 1692, cette mode fut peu répandue. A cette époque les femmes adoptèrent la Steinkerque, sorte de cravate qu'elles portèrent à l'imitation du maréchal de Luxembourg. Quant à la perruque dite à la Steinkerque, elle ne devint tout à fait à la mode que deux ou trois années après, vers 1694 et 1695, probablement aussi parce que le maréchal de Luxembourg en avait porté une de ce genre à l'époque de la victoire qu'il remporta. Les cheveux de ces perruques, au-dessus du front et au sommet de la tête, furent trèsélevés et très-séparés de 1700 à 1705; ensuite ils diminuèrent de hauteur insensiblement, et se rapprochèrent; mais la séparation persista jusqu'à la mort de Louis XIV, où seulement les cheveux, tombant sur les épaules, se raccourcirent. Les perruques du genre de celle du Molière du Musée se sont donc portées après 1715, lorsque la mode passa des grandes perruques à la Steinkerque aux petites perruques à marteaux. On voit des perruques de ce genre dans les œuvres de Watteau, venu à Paris en 1702, mort en 1721, et l'on citera pour exemple la perruque du portrait de J.-B. Rebel, qui est presque la même que celle du portrait de Molière; par conséquent, le portrait du Musée doit être celui d'un homme qui vivait à l'époque dont il s'agit, vers 1717, et non du temps de Molière, attendu que les modes de l'avenir ne se devinent pas. Vers 1680, on portait quelques perruques courtes, mais les cheveux audessus du front se confondaient.

Maintenant, sur la toile du portrait, autour de la tête, il se trouve écrit « Ja Be POQVELIN DE MOLIÈRE ». Quand on fait un portrait d'après nature, ordinairement on n'y met pas le nom du personnage, parce que l'amour-propre du peintre demande que le portrait soit reconnu à la simple inspection de la figure: d'où on conclut que les écritures dont il s'agit datent d'une époque où la figure de Molière n'était plus connue. En outre, la particule nobiliaire DE, qui se trouve sur la toile du tableau, vient encore à l'appui de cette hypothèse: Molière ne la prenait pas, ses amis ne la lui donnaient pas; elle ne lui était octroyée que par les gens qui le connaissaient peu et le traitaient avec cérémonie; donc il est probable qu'un peintre qui aurait connu Molière particulièrement, qui aurait fait son portrait, ne la lui aurait pas donnée. On n'a aucun renseignement sur ce qui s'est passé, et une conjecture pour laquelle on ne possède aucun indice n'a pas beaucoup de valeur; néanmoins on va en offrir une de ce genre.

Noël Coypel, né en 1628, mort en 1707, était contemporain de Molière, et attaché aux travaux des maisons royales. Antoine Coypel, son fils, né en 1661, mourut en 1722. Charles Coypel, son petit-fils, naquit en 1694, et vécut jusqu'en 1752. Ce dernier, à la mort de son père, dut trouver des toiles sans indication, comme en laissent après eux la plupart des peintres; parmi ces toiles, il aura probablement rencontré le portrait dont il s'agit, celui qui est au Louvre, et, trompé par la ressemblance qui existe entre ce portrait et la gravure d'Audran, il aura pensé que ce portrait, peint par son grand-père, devait être celui de Molière: il n'aura pas réfléchi que la perruque n'était pas de l'époque de Molière. Croyant alors avoir fait une trouvaille précieuse, et la perruque lui ayant paru peut-être une coiffure de négligé, il aura voulu profiter de sa découverte pour faire un beau portrait de Molière; il en aura pris le masque et aura changé l'ajustement; enfin, pour justifier, en cas de besoin, l'authenticité de son modèle, il aura écrit le nom de Molière sur la toile qu'il possédait, comme si ce nom eût été mis par son aïeul. Cette hypothèse est d'autant plus fondée que, si la toile qui est au Musée eût appartenu, du temps de Coypel, à une collection connue, et qu'elle eût passé alors pour un portrait de Molière peint par Mignard, Coypel ne pouvait, sans se donner un ridicule, copier ce portrait en changeant la perruque. Pour qu'il se permît ce changement, il fallait que le portrait lui appartînt et ne fût connu de personne.

Du reste, en comparant le tableau du Musée avec les portraits de Molière qui peuvent inspirer le plus de confiance, sous le rapport de

la ressemblance, et qui font voir de proche en proche les variations successives de sa figure, on aperçoit, entre ledit tableau et ces derniers portraits, plusieurs différences. Les plus fortes sont celles qui existent dans les dimensions de la tête, dans la moustache, et qui ont déjà été signalées. Les autres consistent en ce que, dans le tableau du Musée, les sourcils sont moins arqués, les yeux plus grands, les pommettes des joues plus saillantes; on y voit encore que la bouche est plus grande et le cou plus long. Une chose toutefois qui est à l'avantage du tableau dont il s'agit, c'est qu'il présente une figure animée comme celle d'un homme de génie, et que les figures de ce genre sont rares.

Quant aux autres portraits de Molière, soit en sculpture, peinture, gravure, soit en lithographie, quelques-uns sont des copies des gravures dont on a parlé précédemment, mais le plus grand nombre sont des compositions faites d'après le tableau du Musée ou d'après celui de Coypel; d'où il résulte très-probablement que la figure la plus connue, la plus accréditée pour être celle de Molière, est une figure de convention : enfin la figure d'un autre homme.

Tous les artistes qui ont fait ces portraits sont fort excusables puisqu'ils croyaient travailler d'après une peinture de Mignard, sur laquelle le nom de Molière est écrit; ils ne pouvaient rien choisir de plus authentique. Il est seulement étonnant qu'ils n'aient pas remarqué l'anachronisme de la perruque; toutefois personne ne l'a reproduite, mais en la changeant certains artistes n'ont pas été heureux. On citera comme exemple le buste en marbre fait par Houdon, qui est au Théâtre-Français. D'une part, la chevelure de ce buste ne peut être une perruque, par deux raisons : c'est que, dans aucun temps, la mode n'en a fait porter de cette forme; ensuite, c'est que le buste a une calotte, et que l'on ne met pas de calotte sur une perruque. D'une autre part, la coiffure de ce buste ne peut être une chevelure naturelle, par la raison que voici : Molière était dans l'obligation, quand il sortait de chez lui, d'avoir la perruque de son temps, et au théâtre, il était destiné à mettre des perruques de toute sorte. Or, un homme qui doit porter perruque habituellement, est obligé d'avoir des cheveux très-courts et même de se faire raser la tête; d'où on conclut que la coiffure dont on parle est impossible pour Molière. Le clergé de son époque en portait une de ce genre; mais les cheveux en étaient moins longs, moins abondants, parce que c'étaient des cheveux naturels. III. On a quelquefois agité la question de savoir à quelle époque Molière composa ses comédies. Les uns, se fondant sur des proba

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