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LA TROUPE DE MOLIÈRE.

BARILLONET joua le rôle d'UN AMOUR dans Psyché, aux Tuileries, en janvier 1671: cet enfant était probablement le fils de l'actrice suivante.

BARILLONET (madame). On ne possède sur cette actrice que des hypothèses; mais comme elles concourent toutes au même but, on la comprend, à titre de renseignement, dans la troupe de Molière.

CONJECTURES.

I. — Un paquet d'environ cinquante portraits d'acteurs en costumes de théâtre, dessinés à la plume, porte l'indication que ces acteurs étaient de la troupe de Molière. Les noms de ces acteurs sont en effet connus pour avoir figuré dans cette troupe à Paris, sauf Mme Barillonet, dont il n'a jamais été fait mention. Tous ces dessins étant du même genre, de la même main, à peu près du même format et sur un même papier peu épais, semblent provenir d'un carnet de poche que l'on aurait découpé. On croit donc pouvoir supposer que l'auteur de ces dessins avait ses entrées au théâtre de Molière, qu'il en dessinait les acteurs qu'il connaissait, et, par conséquent, que Mme Barillonet faisait partie de ce théâtre. Ce paquet a été vendu comme venant du chevalier de Mouhy; il contient sept portraits de Mme Barillonet.

II. Il est d'usage au théâtre, quand on doit faire paraître des enfants, de les prendre dans les familles dont les intérêts sont liés à ceux de la troupe. C'est ainsi que Molière faisait jouer les enfants des

Lathorillière, des Beauval et des Ducroisy; or, il fit également paraître un enfant du nom de Barillonet; ce qui donne à croire que les parents de cet enfant appartenaient à son théâtre.

III. —- Un huitième dessin représente Mme Barillonet dans un rôle qu'elle aurait rempli à l'occasion d'un grand spectacle donné à la cour; ce qui semble prouver qu'elle appartenait à la troupe de Molière, la seule qui joua dans ces représentations pour lesquelles elle se réunissait à celle de l'Opéra. Si l'on veut s'en rapporter à de vieux dessins à l'aquarelle très-nombreux, pour ces spectacles le costume était tout autre que pour les représentations ordinaires; les galons, les rubans et surtout les plumes y figuraient avec profusion; Molière même, dans le rôle de Lyciscas, valet des chiens, était empanaché (sept plumes rouges d'autruche sur son chapeau, suivant un vieux dessin).

IV. D'une part, on dit que le tailleur des ballets du roi se nommait Jean Baraillon, et que, le 25 avril 1672, il épousa Jeanne-Françoise Brouart, sœur de Mme Debrie; d'une autre part, on dit que le tailleur de la troupe de Molière se nommait Barillon, et qu'il avait épousé une des actrices de cette troupe. L'analogie qui existe entre les fonctions de ces deux individus, le genre de leurs mariages, entre leurs noms et celui de Barillonet, peut donner lieu à plusieurs conjectures, tendant à savoir si les noms de Baraillon, Barillon et Barillonet, en les supposant mal rapportés ou modifiés pour le théâtre, n'appartenaient pas à une même famille; mais parmi ces conjectures on n'en voit qu'une seule qui mérite d'être rapportée, la voici.

Les frères Parfait, en donnant les noms des acteurs qui ont figuré dans Psyché, disent, à l'occasion du prologue, que les Amours étaient représentés par Thorillon et Baraillon; à l'alinéa suivant, en parlant des acteurs de la tragi-comédie, ils citent, pour les mêmes Amours, Lathorillière fils et Barillonet; d'où il semble évident: 1° qu'ils ont donné deux noms différents aux mêmes personnes; 2° que Thorillon, Baraillon, et Barillon cité plus haut, sont des noms mal rapportés, mal écrits, ce qui se faisait alors fréquemment, comme on l'a vu et comme on le verra par la suite dans le cours de cette brochure; que le véritable nom était BARILLONET, tel qu'il se trouve écrit sur les huit portraits de l'actrice; 4° que cette actrice était la femme du tailleur de la troupe et la belle-mère de l'enfant qui joua dans Psyché, à moins que celui-ci ne fût né avant le mariage de ses parents; que Mme Barillonet était la sœur de Mme Debrie par sa mère et non

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par son père, puisqu'elle s'appelait Jeanne-Françoise BROUART, tandis que Catherine LECLERC était le nom de Mme Debrie.

BARON (Michel BOYRON, dit) naquit à Paris le 8 octobre 1653 sur la paroisse Saint-Sauveur ; il était fils d'André Boyron, bourgeois de Paris, et de Jeanne Auson, son épouse. A la mort de ses parents, l'oncle de Michel Baron le mit en pension à Villejuif, et comme il était sans fortune et que son oncle ne savait qu'en faire, il le fit engager pour cinq ans dans la troupe des PETITS-COMÉDIENS DU DAUPHIN, où il débuta, en 1664, à la foire Saint-Germain. Bien que Baron n'eût jamais pris de leçon de déclamation, il se distingua à tel point qu'il eut bientôt la vogue.

En 1665, Baron suivit à Rouen la troupe des Petits-Comédiens, dont Mme Raisin, par suite de la mort de son mari, arrivée en 1664, était la directrice; il revint avec elle, la même année, donner trois représentations sur le théâtre du Palais-Royal, et Molière, charmé des dispositions précoces du petit Baron, en fit son élève et le fit jouer.

Pendant les répétitions de Mélicerte, où il remplissait le rôle de MYRTILE, Mme Molière lui ayant donné un soufflet, Baron se sauva de chez Molière où il demeurait; il se réfugia chez Mme Raisin et voulait quitter la troupe du Palais-Royal immédiatement; mais à force d'instances, Molière obtint qu'il parût encore à la première représentation de Mélicerte, qui fut donnée à la cour le 2 décembre 1666, trois ou quatre jours après l'événement dont on vient de parler.

Baron, en quittant Paris, suivit d'abord Mme Raisin à Rouen; au bout d'un mois il s'engagea dans une autre troupe qui se trouvait dans cette même ville; puis il fut en Languedoc, en Provence, en Dauphiné, à Lyon, à Dijon en 1670, et la même année, tout de suite après Pâques, il débuta au théâtre du Palais-Royal. Ce changement se fit en vertu d'une lettre de cachet; mais elle ne fut nécessaire que pour rompre l'engagement de Baron qui revenait à Molière avec joie.

En 1673, après la mort de Molière, à la fin de mars, Baron passa à l'hôtel de Bourgogne et fut, le 25 août 1680, de la réunion de cette troupe à celle de Guénégaud. Sa dernière représentation, pour prendre sa retraite, eut lieu à Fontainebleau le 21 octobre 1691.

Baron, pendant sa retraite, joua en société à Clagny, à Sceaux et à la cour de Versailles. En 1716, il reparut une seule fois au théâtre Guénégaud, dans l'Ecole des Femmes, pour présenter au public Me Angélique Chanterelle, son élève, qui était probablement fille

de Dubocage; tout Paris, dit-on, courut à cette représentation. Le nom de l'actrice est tiré de deux tableaux à l'huile, dont un représente les deux acteurs en scène au moment où ARNOLPHE dit à AGNÈS : «< Regardez-moi là. » Cette même actrice rentra au Théâtre-Français, le 5 octobre 1724, par le rôle d'IPHIGÉNIE; Baron représentait alors AGAMEMNON. Elle fut admise, joua souvent avec Baron, et, le 7 janvier 1726, elle jouait encore de nouveau avec cet acteur dans l'Ecole des Femmes. Les auteurs regardent cette représentation comme étant celle des débuts de Mlle Angélique, mais l'histoire de cette actrice prouve qu'ils sont dans l'erreur; d'ailleurs on croit avoir lu quelque part que Baron avait soixante-trois ans à l'époque de ce début, ce qui correspond à 1716; en outre, dans les tableaux dont il est parlé précédemment, l'actrice est habillée à la mode de 1716 ou environ, et non de 1726 peut-être encore que la date (1726) citée : par les auteurs est une faute de typographie.

En mars 1620, Baron, se trouvant dans la gêne, rentra au théâtre, et, le 10 avril suivant, il reparut avec un immense succès, qui se continua jusqu'au 3 septembre 1729, où il s'évanouit étant sur la scène. Mort le 22 décembre de la même année, il fut enterré à SaintBenoît. Baron faisait mystère de son âge, de sorte qu'on le croyait de six années plus âgé qu'il ne l'était. Il jouait les grands rôles de la tragédie et de la comédie; il parlait la tragédie et ne déclamait pas, ce qui était alors contraire à l'usage. C'est probablement le plus grand acteur français qui ait existé.

Baron était fanatique de son métier et très-vaniteux; il avait la taille avantageuse, bien prise, l'air noble, une figure imposante, allongée, régulière, avec un caractère de beauté mâle qui convient à l'homme; sa physionomie prenait un air fier, tendre et passionné, suivant les différents personnages qu'il avait à représenter; sa voix était sonore, juste et flexible; sa prononciation, facile, nette et d'une grande précision; les tons en étaient énergiques et variés ; les inflexions qu'elle prenait ajoutaient souvent au sens des vers qu'il récitait on leur trouvait, dans sa bouche, des beautés qu'ils perdaient quelquefois à la lecture. Son silence, ses regards, les diverses passions qui se succédaient sur son visage, ses attitudes, ses gestes ménagés avec art, complétaient l'effet infaillible de son débit puisé dans les entrailles de la nature. La figure de Baron semble avoir très-peu changé, c'est au moins ce que l'on doit croire en examinant les cinquante-huit portraits ou costumes que l'on a de cet acteur. Parmi ces portraits se trouve une grande miniature à l'huile, sur cuivre,

qui doit le représenter vers l'âge de trente-cinq ans, et qui donne, à peu de chose près, la même figure que la gravure de Daullé où il paraît en avoir environ soixante. Outre cette gravure, plusieurs fois copiée, on a encore deux autres portraits intitulés Michel Baron; la gravure de John Hobart qui représente Baron vers l'âge de quarantecinq ans, et celle de Desrochers; mais, quant à cette dernière, il y a tout lieu de croire que l'indication qui se trouve au bas de l'estampe est erronée. Le portrait donné par Desrochers doit être celui de Michel Boyron de l'hôtel de Bourgogne, dit BARON, par Louis XIII. Cet acteur avait le nez courbe et un double menton, ce qui existe dans la gravure; Baron du Théâtre-Français avait le nez droit et n'avait pas de double menton.

Baron avait épousé Charlotte Lenoir de Lathorillière, fille et sœur des acteurs de ce nom; il en eut un fils, Etienne Baron, qui joua pour la première fois le 30 janvier 1686 dans l'Homme à bonnes fortunes, où il remplissait le rôle du petit chevalier.

Baron père, dans sa vieillesse, donna quelquefois occasion de faire rire à ses dépens. Dans le Cid, lorsqu'il se jeta aux pieds de CHIMÈNE, on fut obligé d'appeler deux garçons de théâtre pour l'aider à se relever; et ce vers, dans la même pièce :

Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées...

excita un grand éclat de rire, mais il le répéta avec tant d'assurance qu'il imposa silence au public. Le 25 avril 1729, un effet semblable se produisit; c'était dans Rodogune, lorsque Mlle Balicour, jeune débutante qui jouait CLÉOPATRE, dit : « Approchez mes enfants. » Les enfants étaient Mile Duclos qui avait cinquante-neuf ans, et Baron qui en avait soixante-seize. Enfin, vers sa dernière année, lorsqu'il joua le rôle de BRITANNICUS, on se mit tellement à rire que le spectacle en fut interrompu; Baron s'avança sur le bord du théâtre les bras croisés, et dit, en poussant un profond soupir : « Ingrat parterre que «< j'ai élevé. » Puis il continua son rôle.

L'orgueil poussé jusqu'à l'exaltation faisait le fond de son caractère. Il disait souvent : « Tous les cent ans ont peut voir paraître un « César, mais il en faut deux mille pour produire un Baron, et de<< puis Roscius je ne connais que moi. » Rachel l'a démenti!

Il fut si choqué des termes de la première ordonnance de sa pension, qui portait : « Garde de mon trésor royal, payez comptant au << nommé Michel Boyron, l'un de mes comédiens, la somme de.... » qu'il fut tenté de ne pas la recevoir.

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