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ment plus ailée que les autres ; c'est la maniere dont nous l'apprenons qui nous la fait paroître telle, comme nous le verrons dans un moment.

D'un autre côté, il faut étudier très expreffément & très-péniblement les autres fciences pour les fçavoir d'accord auffi.

Mais ce n'eft pas non plus qu'à force de profondeur elles aient par elles-mêmes le privilége particulier, & comme exclufif, d'être plus difficiles que la science de nos grands génies. C'est encore la nature de notre fociété qui produit cette difficulté accidentelle & le travail folitaire & affidu qu'elles exigent; on pourroit les acquérir à moins de frais.

En un mot, c'eft cette fociété qui nous oblige à de très-grands efforts pour les fçavoir, & qui ne nous ouvre point d'autre voie.

C'eft auffi cette fociété qui nous dispense de ces mêmes efforts pour fçavoir l'autre, & je vais m'expliquer.

Figurons-nous une fcience d'une pratique fi urgente qu'il faille absolument que tout homme, quel qu'il foit, la fçache plus ou moins & de trèsbonne heure, fous peine de ne pouvoir être admis à ce concours d'intérêts, de relations & de befoins réciproques qui nous uniffent les uns & les autres,

Mais en même temps figurons-nous une science que par bonheur tous les hommes apprennent inévitablement entr'eux.

Telle eft la fcience du cœur humain, celle des grands hommes dont il eft queftion.

D'une part, la néceffité abfolue de la fçavoir; de l'autre, la continuité inévitable des leçons qu'on en reçoit de toutes parts, font qu'elle ne fçauroit refter une énigme pour personne.

Comment, en effet, feroit-il poffible qu'on ne la fçût pas plus ou moins?

Ce n'eft pas dans les livres qu'on l'apprend; c'est elle au contraire qui nous explique les livres, & qui nous met en état d'en profiter; il faut d'avance la fçavoir un peu pour les entendre.

Elle n'a pas non plus fes Profeffeurs à part; à peine fuffiroient-ils pour vous en donner la plus légere idée, & rien de ce que je dis-là n'en feroit une connoiffance inévitable. C'eft la fociété, c'eft toute l'Humanité même qui en tient la feule école qui foit convenable; école toujours ouverte, où tout homme étudie les autres & en est étudié à fon tour, où tout homme eft tour-à-tour écolier & maître.

Cette science réfide dans le commerce que nous avons tous, & fans exception, ensemble.

Nous en commençons l'infenfible & continuelle étude prefqu'en voyant le jour.

Nous vivons avec les fujets de la science, avec les hommes qui ne traitent que d'elle, avec leurs paffions qui l'enfeignent aux nôtres, & qui même en nous trompant nous l'enseignent encore; car c'est une inftruction de plus que d'y avoir été trompé: il n'y a rien à cet égard-là de perdu avec les hommes.

Voilà donc tout citoyen du monde, né avec le fens commun, l'efprit le plus fimple & le plus médiocre, le voilà prefque dans l'impoffibilité d'ignorer totalement la science dont il est ques tion, puifqu'il en reçoit des leçons continuelles, puifqu'elles le pourfuivent, & qu'il ne peut les fuir.

Ce n'eft pas-là tout; c'est qu'à l'impossibilité comme infurmontable de ne pas s'instruire plus ou moins de cette fcience, qui n'eft que la connoiffance des hommes, fe joint pour lui une autre · cause d'inftruction que je crois encore plus sûre, & c'eft une néceffité abfolue d'être attentif aux leçons qu'on lui en donne.

Car où pourroit être fa place? & que deviendroit-il dans cette Humanité affemblée, s'il n'y pouvoit ni concourir, ni correfpondre à rien de

ce qui s'y paffe, s'il n'entendoit rien aux mœurs de l'âme humaine, ni à tant d'intérêts férieux ou frivoles, généraux ou particuliers, qui, tourà-tour, nous uniffent ou nous divifent?

Que deviendroit-il, fi, faute de ces notions de fentiment que nous prenons entre nous & qui nous dirigent, fi dans l'ignorance de ce qui nuit ou de ce qui fert dans le monde, & fi par conféquent exposé à n'agir presque jamais qu'à contre-fens, il alloit miférablement heurtant tous les efprits, comme un aveugle va heurtant tous les corps ?

Il faut donc néceffairement qu'il connoiffe les hommes; il ne fçauroit fe foutenir parmi eux qu'à cette condition-là.

Il y va de tout pour lui d'être à certain point au fait de ce qu'ils font, pour fçavoir y accommoder ce qu'il eft, pour juger d'eux, finon finement, du moins au degré suffisant de juftesse qui convient à son état, & à la forte de liaison ordinaire ou fortuite qu'il a avec eux.

Il y va toujours de fa fortune, toujours de fon repos, fouvent de fon honneur, quelquefois de fa vie; quelquefois du repos, de la fortune & de la vie des autres.

REFLEXIONS

DIVERSES

SUR LES ROMAINS.

IL n'y a point eu d'Empire avant celui des Romains, qui ait été fi difficile à s'établir que le leur. Auffi n'y a-t-il point eu de peuple qui ait été préparé de fi longue main pour devenir le maître. du monde.

Ce qui mit autrefois les Perfes en état de fonder leur Monarchie, ce fut l'éducation auftere qu'ils recevoient chez eux; &, pour parler plus exactement, ce fut une grande place, où, fuivant les âges & dans différentes claffes, on les accoutumoit à une vie fobre, à des exercices qui les rendoient fains & robuftes, où on leur infpiroit du courage, de l'honneur & de la foumiffion à leurs chefs, où on leur apprenoit à dire la vérité & à détefter l'ingratitude; ce qui donne en effet à l'âme un caractere mâle & généreux : & ce fut de cette place que fortirent les vain

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