Mon cher Crispin, de grace, je vous prie, On a vû trébucher de plus grandes vertus, Pour m'éclaircir dans mes doutes confus, Il ne faut pas agir avec étourderie. Et nous déciderons après. Bon, je n'irai pas loin, le voilà qui fe montre. A SCENE II. CRISPIN, FINETTE. FINETTÊ à part. H Cel! voilà Crispin! la fâcheuse rencon tre! Le Huffard Comment fortir de ce pas-ci? pour le coup eft pris par un parti; D'une jufte frayeur je fens mon ame émue. CRISPIN. D'un ceil jufte, & d'un efprit mur, Confiderons-le bien dans tous les points de vue, Pour en porter un jugement plus får. De l'air dont il m'obferve, & parcourt ma perfon ne > Je vois que le coquin vivement me foupçonne; Voilà ce qu'aujourd'hui je voulois éviter. CRISPIN à part. Ce font les yeux, le nez, la bouche de Finette, C'est elle, je n'en puis douter. Ne perdons point la tête, & défendons la place Pour mieux combattre l'effronté, Il faut payer d'une plus grande audace, Et nous armer le front d'une mâle fiérté. CRISPIN à part. Avec quelle affurance il me regarde en face? Ce n'eft plus elle & je me suis trompé. Il vient de faire une grimace, Qui déconcerte mon fang froid: Son maintien feul fait rire auffi-tôt qu'on le voit. CRISPIN à part. Son vifage devient moitié gai, moitié tendre, De ma Soubrette, ah! voilà le fouris C'est elle maintenant, je ne puis m'y méprendre, Il paroît plus petit & mieux fait à tout prendre; Son corps paroît exprès moulé pour fes habits, Et fon aifance en tout a lieu de me furprendre. Non, non, ce n'eft plus elle, & je change d'avis, FINETTE à part Le voilà dérouté grace à mes attitudes. CRISPIN à part. Pour finir mes incertitudes, Allons, de lui parler, hazardons le parti : Jeune & brave Huffard, fans nul compliment fa de, Votre air previent fi fort, vous êtes fi joli, Que l'on fe fait un plaisir înfini De donner dans votre embuscade; L'on fait bien-tôt fon plus chercamarade, FINETTE à part. Par un fier & profond filence. Vous ne répondez mot. Serois-ce par mépris ? J'ai, glorieufement, fait plus d'une campagne : FINETTE. Cela peut être. Dans un Parti que j'ai furpris, Dans ma derniere courfe, au fond de la Boheme J'ai fort bien pû te dépouiller toi-même. Si vous êtes vaillant, vous n'êtes pas poli: Je fuis, puifqu'il faut te le dire, tonnerre Que fon goût pour la France ici vient de conduire. Je joins à la valeur, la fuite & les détours ; Pour être sûr de vaincre & d'impofer des loix, Sans poudre ni canon je livre des affauts Et n'ayant que ce fer pour arme, Je force une muraille, & je prens des Châteaux; J'emporte tout dans mon paffage ; Je fais couler le fang de toutes parts, Rien n'arrête n on bras ; je brûle, je faccage, Je ravis, je détruis, je maffacre, & je pars. Il prend la fuite. CRISPIN. Arrêtez-vous; fied-il, après tant de carnage, |