Si votre cœur pour moi n'a pas de repugnance. DAMON. Non, je n'en fens aucune. LAURE. Aveu trop précieux ! Ma perfonne a trouvé grace devant vos yeux. Je ne fuis pas encor fatisfait pleinement. DAMON. Ah! le tour est charmant. LAURE. Mon eftime pour vous m'autorife & me pouffe; A fouhaiter un nouveau bien. Ce que mon cœur défire au fond n'est presque rien, C'est une pente foible, imperceptible & douce, C'est un goût commencé. DAMON. Du goût ! Le terme. Ne doit pas vous revolter du tout Et ce goût fi fenti, fi parfait dans les femmes Que peint fi bien la douceur de leurs yeux, Qui le demande, & l'infpire encor mieux, N'eft pas fait pour caufer de la frayeur aux Da mes. C'eft cette convenance, & ce rapport & ce rapport d'humeurs, L'union des efprits & le lien des cœurs, L'enchantement des fens, la volupté des ames, Le charme des Amans, le bonheur des Epoux; Il ranime leurs vœux, renouvelle leurs flâmes, Epure leurs plaifirs, & les augmente tous. Ma bouche pour toute affurance Ne demande qu'un peu...... DAMON. Qu'un peu! LAURE. Qu'est-ce entre nous ? Qu'un peu de ce penchant si doux dès sa naissance ¿ De ce goût fi flatteur. ..... DAMON. Si flatteur & fi doux! Vous n'êtes pas content qu'on foit fans repu gnance, Vous demandez encor qu'on ait du goût pour vous ! LAURE. L'effort n'eft pas de conféquence; Ce goût eft peu de chofe en foi; "L'intervale eft petit. Que votre complaifance S'étende un peu plus loin pour moi. Vous n'avez, pour combler la joye où je me voi, Qu'un pas à faire; allons, Comteffe aima 'ble, Et pour Vous êtes en fi beau chemin, franchir plûtôt ce pas fi défirable, Souffrez qu'en ce moment je vous donne la main. DAMON. Votre bras eft trop fecourable. LAURE. Vos fens ont tort d'être allarmés. Ne vous refufez pas à ma jufte priere; Comment pour vous le goût n'eft pas assez, 2 7 COMED I E. Une faveur encore plus grande. LAURE. Madame, je n'exige pas, DAMON. Je ne me vis jamais dans un tel embarras. LAURE. Je vous conjure, & vous fupplie; rain. Il lui baife la main, DAMON. Mais en me fuppliant, vous me baisez la main ; Ma surprise s'accroît. LAURE. C'est un baifer d'eftime. Pardonnez ce tranfport au motif qui m'anime. DAMON. Marquis, en vérité, vous êtes trop pressant : LAURE. Et vous Comteffe, & vous, vous êtes trop cruelle. Pour fléchir votre ame rebelle Je me jette à vos pieds, j'implore vos bontés, DAMON. Que faites-vous ? ah ! Monfieur, arrêtez; La chofe eft pour moi très-nouvelle. Elle ne doit pas LAURE. l'être, étant aimable & belle. C'eft, je puis vous le protester, La premiere fois de ma vie, Qu'un homme m'a rendu ces hommages flatteurs. LAURE. Je vous le jure auffi, Madame, Vous êtes la premiere femme, A qui j'ai demandé de pareilles faveurs. Je n'en crois rien au fond de l'ame, Precifément c'est par cette raison : Je retombe à vos pieds. Non, je ne quitte plus vos genoux que j'em braffe, Que je n'aye obtenu l'aveu de mon bonheur. Tournez vers moi vos yeux pleins de dou |