S.C.ENE. VIII. LAURE, DAMON. DAMON MA préfence, Monfieur, paroît vous interdité. LAURE. Madame, point du tout; pouvez-vous me le dire ? DAMON. Oui, vraiment, Monfieur, je le dois. Plus je vous parle & plus je l'aperçois, Vous êtes agité, votre amé envain déguise. LAURE. Mais permettez que je vous dife Que vous êtes auffi; votre air. DAMON. Si je la fuis. C'est par contagion. A votre égard Marquis, Vous l'êtes en un point qui caufe ma surprise ; Vous n'êtes plus le même de tantôt, Convenez-en, foyez fincere.vs Pour me nier la chofe elle parlé trop haut. Madame, il eft trop vrai je voulois vous le taire, Le cas où je me trouve eft fi particulier.. Que je ne fçais comment.... il faut que je réponde, Je fuis.... d'honneur.... l'unique le premier, A qui pareille chofe arrive dans le monde. Que vous eft-il furvenu de fâcheux ? Vous m'allarmez, parlez. LAURE. Je n'ofe. Je le veux, DAMON. Expliquez-vous, c'eft trop me laiffer incertaine. LAURE à part. Puifqu'elle m'y contraint, faifons-lui mes adieux, De façon qu'elle s'en fouvienne, Quittons en rivale ces lieux. à Damon. Que direz-vous de moi, Madame, Quand l'himen avec vous est prêt à me lier, Après les foins que je viens d'employer, Pour m'établir par dégrez dans votre ame, Je vais mal reconnoître, & je vais mal payer L'accueil que dans ce jour vous m'avez fait vousmême. DAMON.. Où tend, Monfieur, ce début fingulier? LAURE. Tant de bontés, mon cœur ne peut les oublier Mais la néceffité mais un pouvoir fuprême, Qui n'a d'égard à rien, fous qui tout doit plier Me force d'être ingrat malgré ma réfistance. Pour vous le déclarer, je n'ai que cet inftant: Je céde a fa rigueur qui me fait violence, Madame, Adieu, je pars. DAMON. Vous partez! LAURE Le jour, l'inftant, Monfieur, de votre Mariage, LAURE. C'eft-là ce qui fait justement Mon embarras, ma peine inexprimable, Jouons bien la fierté qu'il faut dans ce moment. Ah! vous aviez raifon d'être agité vraiment, Je protefte.... DAMON. Il fuffit, j'aurois tort d'insister, Qui vous fait un devoir de me quitter fur l'heure; :3 Si vous étiez instruite, Bien loin de la' blamer, ah ! vous loûriez ma fuite, Et vous me trouverez peut-être à plaindre auffi. Tout ce qu'en vous quittant, je puis vous dire ici, C'est que mon ame en tout rend juftice à la vôtre, Vous méritez un fort plus doux, Nous ne fommes l'autre pas nés par malheur l'un pour Et le Marquis eft peu digne de vous. Ah! qu'il mérite bien qu'au fonds je le méprise! LAURE. 1 Oui, Comteffe avec vous j'en demeure d'accord, Et qui plus eft, je le fouhaite fort. DAMON. Ces mots de votre part augmentent ma surprise. Quoi ? vous fouhaitez mon mépris! Il faut que votre coeur fortement me haïsse. LAURE. Je le devrois, mais je ne puis. Vous le devez! ò ciel! quelle injuftice! Prefque toûjours ceux que nous offenfons. Qu'à tort, de moi, vous faites cette plainte! Où nous offenfons par contrainte, Et fans pouvoir hair, quoique nous le devions; Vos difcours font toûjours des Enigmes pour moi. Ces contradictions...... LAURE. Sont celles que j'éprouve: Mais c'est trop à vos yeux cacher la vérité, Que par eftime & que par probité, Je vous dois, du Marquis, avant que je vous quitte, Découvrir l'infidélité: Je veux qu'auprès de vous elle me justifie. G |