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nature même ; mais le langage que j'ai fait tenir à mes Heros, a paru nouveau fur la Scene. Les perfonnes du fiesle n'ont pu regarder comme interef fantes ces fituations, où il femble qu'il en coûte fi peu pour facrifier tout ce qu'il ya de plus cher dans la vie. Ce n'est que dans un cœur tel que le vôtre, que la vertu ouvre un azile à ces grands Jentimens, que j'ai cherché à établir fur des évenemens connus, & fur d'illuftres exemples. Ceux qui comme vous; MONSIEUR, Jont entre un fi brillant fuccès dans la difcuffion des fentimens, & dans l'analyse des vertus, qui ont recherché, & trouvé les Sources les plus pures de l'amitié & de la gloire, qui nous en ont tracé les préceptes & les regles dans ces excellens Traités, dont vous avez enrichi les Lettres ; & qui enfin n'ont donné aux actions heroiques d'autre dignité que celle des principes qui nous déterminent Sçavent mieux que les autres jusqu'à quel degré de courage, la Religion & la

avec

Foi font capables de nous élever: Ainfi lorfque j'ai l'honneur de vous dédier ma Tragedie, ce n'eft point par le defir feul de donner ce témoignage public de ma reconnoissance, à l'amitié dont vous m'honorez depuis fi long-tems, l'interét de ma réputation me fait ensore une neceffité de votre approbation & de vos fuffrages, & c'est par-là que je fuis à portée d'opposer à mes Contradicteurs des lumieres fûres, & des décifions refpectables.

F'ai l'honneur d'être avec l'inviola ble attachement que je vous dois,

MONSIEUR,

Votre très-humble & très-obéiffant ferviteur.

PREFACE.

CETTE fortune

ETTE fortune, qui, felon quelques-uns, préfide à la destinée des Piéces de Théatre, n'eft autre chofe que le concours des diverfes circonftances qui qui en accompagnent les reprefentations. La difpofition de celle-ci telle qu'elle a été faite d'abord, n'a point subsisté, & les principaux Rôles ont changé de main plufieurs fois.

Mile Defmares étoit encore au Théatre, lorfque je travaillois à ma Piece. C'eft elle que j'avois en vûë pour le Rôle de Zoraïde; & je perdis par fa retraite l'avantage de le voir jouer dans toute fa force, & j'ofe dire dans toute la beauté que lui donnoit la nouveauté du caractere de Zoraïde. Il me reftoit une grande reffource dans Mule du Clos, & le Rôle de Salmone, quoique moins intéreffant, a pris dans fes mains une fupériorité qui n'est dûë qu'à elle-même.

Certe expreffion fi vive des paffions, qui s'eft formée avec la gloire des Corneilles & des Racines, ces tons reglez fur les avis, ou plûtôt fur les infpirations de ces deux grands Poëtes,

Poëtes, & confacrez, pour ainfi dire, fut la Scene, ont paffé, par une heureufe tradition, jufqu'aux Actrices que je viens de nommer, & les graces, la verité & la précifion qu'elles ont jettées dans leur jeu, chacune avec des dons du Ciel tout differens, ont achevé le modéle de la déclamation. Ce n'eft point affez pour elles de plaire elles ne fe montrent que fous un afpect merveilleux, ou plûtôt elles difparoiffent en quelque forte elles-mêmes, & l'illufion eft complette. Le Spectateur émû fe trouve tranfporté dans le lieu de la Scene, & ne voit plus en elles qu'Andromaque ou Hermionne, Ariane ou Emilie.

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Tel eft l'effet de ces talens fuperieurs qui enlevent l'admiration du Public, ou du moins de la plus faine partie, dont le jugement ne peut être combattu que par ceux qui mettent le goût de la déclamation au rang des modes, & les mines à la place des

graces.

La date de la réception des Piéces, & les conteftations furvenues pour occuper le Théatre, ont rejetté la repréfentation de la mienne dans une faifon où on place rarement les Piéces faintes. D'ailleurs le Public étoit prévenu contre un fujet qu'il croyoit doublé d'après M. de la Motte. C'eft un Poëte heureux, & d'une grande réputation;

mais je ne doute pas qu'il n'ait été le premier à détromper fes amis fur l'affectation qu'ils m'ont donnée, à traiter le même fujet que lui, & après lui. J'étois bien avancé dans ma Tragedie, lorfqu'il commençoit la fienne dans le fecret. Je m'en ouvris dans le tems à lui-même ; mais M. de la Motte fut plus modefte que moi ; il ne fe venta point de fon travail.

Le voile qui couvroit le nom, & la perfonne de l'Auteur de la premiere Tragedie des Machabées, fut bien-tôt déchiré, & le refpect des Manes de M. Racine, dont quel ques-uns vouloient que cette Piece fût un ouvrage pofthume, ceffa dès la premiere réprésentation de tenir les efprits en fufpens. On reconnut M. de la Motte à fa maniere. Comme il a ofé s'affranchir de l'imitation, & lutter fucceffivement contre les plus grands Maitres, il doit regner neceffairement dans tous fes Ouvrages un caractere fingulier qui le décele. Je vis alors, avec quelque fatisfaction, que je pouvois ne me point rencontrer avec lui, & que fi je n'avois pas les mêmes reffources, qu'il trouvoit dans fon peu d'affujettiffement aux incidens que le fujet fournit, je pouvois au moins profiter des beautez qu'il m'avoit laiffées, & qu'il auroit pû tenir de la miere main, c'est-à-dire, de l'efprit de Dieu même.

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