Tu vois de tant de pleurs le funefte fuccès. Fille d'un Roi puiffant, fous qui trembla l'Afie, Vil enfant de Jeffé, David me facrifie, D'un facrilege amour je fçais fon cœur épris; Et loin de l'en punir par un juste mépris, Ordinaire réffource en de telles difgraces, Je fens que mon cœur vole encore fur fes traces; Que loin de s'indigner contre un perfide Epoux, J'ai plus d'amour encor que je n'ai de courroux. ELISE.
Quoi! fans chercher, Madame, aucune autre lumiere, Votre ame au moindre bruit fe livre toute entiere, Et déja croit David rangé fous d'autres Loix ? Ah! fongez bien plûtôt à quels brillans exploite Saul de votre cœur attachant la conquête, De fix cens Philiftins lui demanda la tête. Après tous les efforts pour aller jasqu'à vous Quel foudain changement craignez-vous d'un Epoux? Je vois dans fes deffeins un fecret que j'ignoret Mais fans doute pour lui le Ciel agit encore. Vous le verrez, Madame; & loin de vous trahir... MICHOL.
En vain par tes difcours tu prétens m'ébloüir. Mais il faut détourner cet orage funefte.
C'en eft fait, commençons, le Ciel fera le refte. Je cours executer un illuftre deffein
Que l'amour & la gloire ont formé dans mon fein. Il eft digne du fang dont le Ciel m'a fait naître : Allons trouver le Roi. Mais je le vois paroître. Quel est le nouveau trouble, ô Ciel, où je le voi?
SAUL MICHOL ACHAS, ELISE.
Uoi! mes propres Sujets m'imposeront la loi ? Il ne vous manque plus, trop pleins de vos al- larmes,
Qu'à tourner contre moi la pointe de vos armes, Laches, vous refufez de marcher fur mes pás. Allez, Achas, allez qu'on cherche Jonathas; Qu'il vienne, de fon Pere embraffant la défense, Et foutenir ma gloire, & punir leur offense.
A Fille, vous voyez où me réduit le fort.
Mau fortir de ces lieux, plein d'un jufte tranf
J'allois, vous le fçavez, par l'effort de'mes armes, Ou périr, ou venger ma puiffance & vos larmes; Mais tout un Camp eft fourd à mon commandement, Je n'ai trouvé que trouble & que frémiffement. A quelle foi, grand Dieu, quelle fureur fuccede? MICHOL.
Cedez, Seigneur, cedez au tems à qui tout cede. Scachez par un confeil prudent & genereux, De leur propre fureur fauver des malheureux. Sauvez l'Etat, vous-même. Un feul fecours vous refte,
Détachez un Héros d'une Ligue funefte; De fes engagemens rompez tous les liens, Je puis vous en ouvrir d'infaillibles moyens.
Qui moi! j'irois, frappé d'une crainte fervile, Contre ma gloire encor prendre un foin inutile? MICHOL.
Non, non, c'eft à mes pleurs que ce foin eft permis. Souffrez que j'aille...
Qu'entens-je, jufte Ciel ! ma surprise est extrême. Ma Fille dans leur Camp? Vous?
Oui, Seigneur, moi-même. Qui pourroit m'arrêter, & que redoutez-vous ? La prefence, le nom, le rang de mon Epoux, La fplendeur de ce fang dont je fuis defcendue; La majefté des Rois avec moi confonduë; L'éclat de ce projet, tout paroît écarter Ce qu'un autre peut-être auroit à redouter. Ah !quelque affreux péril que vous puiffiez me peindre,
Mes malheurs m'ont appris, Seigneur, à ne rien craindre.
Toujours loin d'un Epoux, tremblante pour fes jours Le fer jufqu'en mon lit en poursuivit le cours. Un frere condamné dans les bras de la gloire, A prefque de fon fang racheté fa victoire. J'ofe vous l'avouer avec quelque pudeur, Je n'ai pu m'affranchir d'une trop vive ardeur. Plaignez mon infortune, & voyez fans colere,
Mes foins pour un Epoux quand ils fauvent un Pere. SAUL.
Non, non, qu'un choix plus digne & de vous & de moi,
Ma Fille, en d'autres mains remette votre foi. Et qui fçait fi du Ciel la haine redoublée Ne redemande point cette foi violée,
Et d'Affer avec vous renouant le deftin
Ne veut pas vous contraindre à lui donner la main? MICHOL
Que dites-vous? & Ciel! & que viens-je d'entendre? A quelque nouveau choix, moi, je pourrois prétendre? Je mettrois dans mon lit l'implacable ennemi Qu'en fes reffentimens j'ai moi-même affermi ? Au deftin de David votre fille attachée, Par aucune autre loi n'en peut être arrachée, Et contre un nœud fi faint quoi que l'on puiffe ofer, Ce n'eft que par ma mort qu'on pourra le brifer. SAUL.
Ah! craignez d'irriter un Pere qui vous aime. Oubliez un Epoux qui vous trahit lui-même; Qui maintenant peut-être à l'afpect des faux Dieux, Lorsque pour lui de pleurs fe rempliffent vos yeux, Digne appui des Autels où fa main facrifie, Forme les nouveaux nœuds de l'Hymen qui le lie. Ah! du moins renfermez ces regrets odieux. Ne vous fouvient-il plus
E rentre dans ces lieux Seigneur, & tout le Camp par mille cris de joye
Vous annonce un fecours que le Ciel vous envoye.
Que dis-tu? quel fecours? Où done eft Jonathas? ACHAS.
Par votre ordre, Seigneur, je marchois fur fes pas, Lorfqu'un deffein fecret l'éloignoit de l'armée. Deja fur fon abfence elle étoit allarmée, Trop pleine des périls où fon cœur l'a conduit. Mais il rentre, & plus fier d'un fecours qui le fuit, Il femble dans l'éclat d'une nouvelle gloire, Sur fes pas en triomphe entraîner la victoire. Le Ciel eft auffi-tôt frappé de mille cris. L'allegreffe par-tout s'empare des efprits. On fe mele, on s'embraffe; & parmi quelques larmes, L'efperance fuccede aux plus vives allarmes. Enfin de leur effroi tous vos foldats remis. . . SAUL.
Quoi? quelque efpoir encor pourroit m'être permis ? Le bras de Dieu, fervant le courroux qui me guide, Puniroit des mutins, pourfuivroit, un perfide? De l'honneur d'Ifrael le Ciel feroit jaloux ?
SCENE V.
SAUL, JONATHAS, ACHAS, MICHOL, ELISE.
"En doutez point, Seigneur, l'Eternel est pour
Ainfi dans fes deffeins fa fageffe éclatante Dérobe fa conduite, & furprend notre attente. Les larmes d'Ifraël ne coulent point en vain. Le Ciel arme pour vous une invincible main.
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