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Aigriffez les efprits & troublez leur accord.
J'en vois de triftes fruits; le motif, je l'ignore,
Je puis l'apprendre. Enfin le Ciel permet encore
Que deux cœurs défunis puiffent fe rapprocher.
Si d'un Frere & d'un Roi le repos vous eft cher,
Soûtenez cette paix par vos confeils, Madame:
Mais fi quelque chagrin trouble encor fa grande ame;
Si la difcorde encor fouffle ici fon poison,

Je ne dois qu'à vous seule en demander raison.

SALOME.

Prince, j'ignore encor d'où ce tranfport peut naître,
Et Salome à ces traits doit peu fe reconnoître;
Mais vous-même apprenez à mieux juger du Roi,
Ce ne feroit qu'à lui de répondre pour moi.
Je vois dans cette plainte à moi feule adreffée,
Plus que la mienne encor fa gloire intereffée.
Croit-on qu'à fes confeils j'ofe m'affocier?
Mais je l'offenferois à me juftifier.

ALEXANDRE.

Je vous entends, Madame, & vois par quelle adreffe
Vous pourriez loin de moi détourner fa tendreffe,
Et malgré les bontés exciter fes foupçons.
De votre inimitié j'ignore les raifons.

Et puifqu'il faut enfin s'en expliquer, Madame,
Son invincible preuve eft au fond de mon ame.
Le Ciel fur nos deftins nous éclaire à regret;
Mais fa main dans nos cœurs verfe un instinct secret,

Qui

par les mouvemens que fa révolte inspire
Defigne l'ennemi qui contre nous confpire.
Mon cœur ne fut jamais tranquille à votre aspect.
Jufques à vos bienfaits tout me devient fufpect.
D'un pareil afcendant corrigez le caprice.
Refpectez Mariamne, & faites-vous justice;
Mais qu'elle n'en foit pas convaincuë à demà,
Qu ne voyez en moi qu'un mortel ennemi.

SCENE V I.

SALOME feule.

Quel fruit efperes-tu d'une telle menace?

Du fang Afinonéen je trouve en toi l'audace,
Crains-en tous les malheurs. Mais voyons cependant
Sur quoi fe peut fonder cet éclat imprudent;
Quel fruit cette entre-vûe enfin a pû produire.
Le Roi vient. Quel transport femble ici le conduire?

SCENE V II.

HERODE, SALOM E.

HERODE entre d'un air fombre & agité, & regarde du côté de l'appartement de la Reine.

Oui, je dois tout permettre à mon jufte courrous

Pour la derniere fois, cruelle, à tes genoux
Sans doute tu m'as vû. Jufqu'où fon infolence
A pouffé fes mépris, même fa violence!
SALOME.

Dans quel état, Seigneur, eft-ce que je vous vois?
Je ne reconnois plus vos traits, ni votre voix.
HERODE.

Et fur quel fondement fon injufte querelle?
J'arrive dans fes lieux, qu'ai-je entrepris contre elle?
S'il faut même qu'elle ait ignoré mon retour,
La fortune a trahi les foins de mon amour.

SALOME.

Hé quoi de fon efpoir la Cour préoccupée,
Sur Mariamne ainfi fe trouveroit trompée !
Et du Peuple en tous lieux reçus avidement
Les bruits de votre accord feroient fans fondement ?
La Reine de vos feux vous gardoit ce falaire?
Mais, Seigneur, quel motif excite fa colere?
De quels nouveaux chagrins fes efprits irrités...
HERODE.

Son défefpoir s'aigrit par mes profperités.
Ma gloire l'inquiete, & même l'importune;
Elle me fouhaitoit toute une autre fortune.
Et qui pouvoit prévoir l'accueil que j'en reçoi?
Elle ne connoit plus fon Epoux & fon Roi.
Vous fçavez que tantôt plein d'ardeur & de zéle,
Je n'ai quitté ces lieux que pour paffer chez elle.
J'efperois que le tems calmeroit fes efprits;
Qu'elle s'attendriroit aux larmes de fon fils;
J'ai cru que par Soëlme à me voir préparée,
Elle rappelleroit fa raifon égarée,

Qu'elle-même peut-être auroit honte de voir,
Qu'elle avoit fans refpect oublié fon devoir :
J'entre chez elle au moins dans cette confiance.
Mon cœur, je l'avouerai, s'eft troublé par avance.
J'en prends un noir augure, & dès que je la vois
Sa froideur m'interdit, & me coupe la voix,
Et lorfque dans mon cœur l'amour encor l'excufe
Jufques à mes regards l'ingrate fe refufe.

Je veux m'en plaindre. A! Dieu dans quel emporte

ment

Son injufte courroux s'exhale en ce moment!
Au Ciel avec fes cris elle adreffe fes larmes.
Ses femmes à l'envi combattent fes allarmes;
Et moi j'employe en vain pour calmer fes douleurs,
Les plaintes, les refpects, les prieres, les pleurs.
Vous le dirai-je encor? Cette Epoufe cruelle

Jamais à mes regards ne fe montra fi belle:
Mes fermens ont envain conjuré fa rigueur,
Ses yeux étincellans à travers fa langueur,
Et fa colere enfin d'égaremens fuivie,

M'ont fait pâlir pour elle, & craindre pour fa vie.
Peu s'en faut qu'à fes yeux terminant mes douleurs,
Mon bras n'ait fait couler mon fang avec ses pleurs.
SALOME.

Ciel ! que me dites-vous?

Madame,

HERODE.
Ce n'eft pas tout,
La pitié jufques-là s'emparoit de mon ame;
Je n'imputois qu'à moi ce transport furieux :
Mais bien-tôt un torrent de mots injurieux
A mis dans fes difcours le comble à la licence.
Elle m'a reproché mon pays, ma naissance.
Je fuis, fi je l'en crois, un traître, un affaffin
Et même un parricide, & que vous dire enfin?
A de funebres cris fes ménaces mêlées
Appellant au fecours des Ombres défolées,

Il n'eft, dit-elle, hymen, vertu, loi, ni devoir
Qui puiffe à l'avenir la forcer de me voir.

Irrité, furieux, je me fuis craint moi-même,
Et fuis forti, ma fœur, dans ce défordre extrême.
SALOME.

Voilà, Seigneur, l'effet d'un amour genereux
Que l'excès de vos foins a rendu malheureux.
La Reine à vos bontés eft trop accoûtumée,
Et vous hait d'autant plus qu'elle fe croit aimée.
Ah! puiffe-t-elle au moins dans fes emportemens
Arrêter fa vengeance à fes fiers traitemens!
Le dirai-je, Seigneur ? ou je fuis mal inftruite,
Ou dans fa haine encor maintenue & conduite
De confeils dangereux on l'ofe empoisonner.
HERODE.

Et quel des miens, Madame, ofe-t-on foupçonner,

SALOME.

Je fçai jufqu'où je vais vous étonner vous-même, Et ne puis fans regret vous nommer.....

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Mon zéle pour vous ne peut rien vous farder.
HERODE.

Gardez-vous de chercher à me perfuader.
Ciel! où me conduiroit cette affreuse pensée,
Ce foupçon fi contraire à fa gloire paffée ?
Sans doute elle l'a pû fatiguer de fes pleurs,
Et l'ingrate plongée en d'injuftes douleurs,
Va publiant par tout les malheurs de fa race.
De la haine en tous lieux je retrouve la trace.
Je punirois bien-tôt ce courroux indiscret,
Si moi-même arrêté par un motif secret.....
SALOME.

Ah!

pour vous retenir quelle cause affez juste Pourroit, Seigneur.....

HERODE.

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Augufte.

D'une foule de maux à peine refpirant,
Et quand de ma clemence il s'eft rendu garant,
Irois-je dégoûtant du fang de la cruelle
Mandier à fes pieds une grace nouvelle,
Montrer toûjours Herode à fes regards furpris,
D'un hommage forcé redemandant le prix ?

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