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Le fecret de fa gloire & de fa destinée,
Peut-être touchons-nous à l'heureuse journée
Où des deffeins d'un Dieu va s'accomplir le cours
Vous fçavez à quel point frappé de nos difcours,
Ofarphis, de ce Dieu fe retraçant l'Hiftoire,
En admire en fecret la puiffance & la gloir
Sans en vouloir percer les auguftes fecrets,
Laiffez-lui le fardeau de ces grands intérêts.
Contemplez quel triomphe eft le prix de vos veilles,
Madame, & jufqu'ici par combien de merveilles,
Par quels dégrés au Trône il conduit Ofarphis.
De Thermutis, enfin l'Egypte le croit Fils,
Et cette grande Reine au moment qu'elle expire
L'affermit dans fes droits, feul l'appelle à l'Em
pire,

Le confie à fes Dieux, les ombres de la mort
Tiennent enfeveli le fecret de fon fort.

JOCABE L.

Encor tout déchiré d'un barbare spectacle,
Mon cœur fe calme peu fur ce fatal Oracle,
Dont le bruit nous coûta tant de fang & de pleurs
AARON.

Je fçai qu'enveloppé dans de cruels malheurs,
Un Frere à peine ouvrant les yeux à la lumiere,
A péri fous l'effort d'une main meurtriere.
Sans cet Oracle, hélas! cet enfant aujourd'hui
Seroit de fa famille & l'honneur & l'appui.

JOCABEL.

Et fe peut-il qu'aux yeux d'une odieufe Race,
Un Dieu de fes decrets laiffe voir quelque trace?
A des Prêtres impurs & par lui rejettés,
Accorde-t'il le don des céleftes clartés?
J'ai cru qu'avec l'efpoir de leur faint héritage,
Des enfans de Jacob c'étoit-là le partage.

AARON.

Ne portons point fi haut nos regards curieux.
Des decrets du Seigneur l'ordre échape à nos yeux.
Dès que l'efprit humain ofe en demander compte;
Qu'un orgueil inquiet jufques-là nous furmonte,..
L'homme reçoit le prix de fon effort altier,

Et forti du néant, y rentre tout entier.

JOCABEL.

A vos confeils, mon Fils, c'eft à moi de me rendre. Mais du Peuple en ces lieux, quels cris fe font enten

dre ?

AARON.

C'eft Ofarphis, bien-tôt diffipant votre ennui.... JOCABEL à part.

Jufte Ciel! tout mon fang se trouble devant lui.

SCENE V.

JOCABEL, OSARPHIS, AARON; ISERIDE, fuite d'Ofarphis.

OSARP HIS après avoir fait figne à ceux de fa fuite de fe retirer.

'Eft vous, c'eft Jocabel! Dans ma douleur a

C'E

mere

Le Ciel plus doux pour moi me rend une autre mere. Si Thermutis n'eft plus, du moins dans mes douleurs, Qui lui ferma les yeux peut effuyer mes pleurs.

JOCABEL.

Dans ce cruel devoir que j'ai verfé de larmes!
Par vos vertus, Seigneur, j'ai conçu vos allarmes.
Je fçais en de tels coups tout ce que l'on reffent,

Et ce qu'éprouve alors un cœur reconnoiffant.
OSARPHIS.

Sa mort m'a dérobé le fruit de ma victoire.
Le Ciel n'a pas voulu dans le cours de ma gloire
Que des Peuples vaincus, des Rois humiliés,
Je puiffe dépofer la dépouille à fes pieds.
Mais je puis m'acquitter d'un refpect légitime.
De la Reine pour vous je fçais la haute eftime,
Et rendre à vos vertus leur véritable prix,
C'eft honorer fa cendre & calmer mes efprits.
JOCABEL.

Ah! Seigneur, les grandeurs que le Ciel vous difpenfe

Vos triomphes, fes dons, voilà ma récompenfe.
Et quel objet pour moi plus doux, plus glorieux
Pourriez-vous en effet préfenter à mes yeux ?

S'il eft quelqu'autre voeu qu'au Ciel mon ame adreffe,

Vivez, honorez-moi d'une égale tendreffe;
Contente pour tout bien de rappeller le cours
Des foins que m'a couté le falut de vos jours,
Laiffez en liberté ma joye & mes allarmes,
Etfouffrez mes confeils, & quelquefois mes larmes.
OSARPHIS.

Ah! des tranfports fi chers, ces pleurs verfés pour moi,
Vos confeils, font autant de gages de ma foi,
Jene fçai.... mais les foins d'une amitié fi
pure
Ufurpent dans mon cœur les droits de la nature ;
Et l'honneur qui m'attend ne fçauroit me flatter
Qu'autant que ma tendreffe en peut mieux éclater.

AARON.

Dans ce nouveau dégré de gloire & de puiffance
Portez ailleurs, Seigneur, votre reconnoiffance.
Parmi tant de hazards & de périls preffans,
Eh! qu'auroient fait pour vous nos fecours impuif-
fans!

Ce n'eft point au combat vos troupes animées,
Ni vos propres efforts, c'eft le Dieu des Armées,
Le Souverain des Rois, le feul être immortel,
C'est le Dieu des Hébreux, celui de Jocabel,
A qui doit Ofarphis, fa gloire & fa défence:
Vos conquêtes, Seigneur, annonçoient fa puif-
fance >

Par lui les Nations ont péri fous vos coups:
Vous ferviez fes deffeins, il combattoit pour vous.
OSARPHIS.

'Aron, qu'ofez-vous dire ?

AARON.

Ah! fur ce grand myftére,
Si Jocabel & moi nous avons fçu nous taire,
Si jufqu'à vous encor il ne s'eft point tranfinis;
Sur nos lévres, Seigneur, le doigt d'un Dieu fut mis;
Et cette vérité dont votre ame s'étonne

Pour le faire écouter vous attendoit au trône.
Et vous parlant du ton dont elle parle aux Rois,
Va dans un fi beau jour reprendre tous les droits.
OSARPHIS.

Du culte d'Ifraël j'ai percé les mystéres.
Je fçai de votre Dieu tout ce qu'ont dit vos Peres;
Que dans les tems marqués dans fes decrets divers,
Un feul mot de fa bouche enfanta l'Univers;
Fit mouvoir à fon gré fa puiffance fecrette;
Que la terre, dit-il, fe faffe, elle fut faite.
Le jour perça la nuit. Adoré des humains,
L'Aftre qui luit fur nous fut un jeu de fes mains;
Sa voix forma des cieux l'éternelle ftru&ture,
Et du fein du néant fit fortir la nature.

Mais de pareils difcours demandent d'autres tems:
Aron vous aura dit quels exploits éclatans,
Déja m'avoient foumis toute l'Etyopie,
Sous quels débris fa gloire étoit enfevelie.
Scba de tant d'efforts le redoutable écueil,

Où des Rois mes ayeux s'alla brifer l'orgueil,
Seul efpoir de Tharbis s'eft rendue à mes armes,
Prémices d'une paix qui finit tant d'allarmes.
Son hymen doit bien-tôt en ferrer les liens:
Je l'époufe, & le Ciel joint fes Etats aux miens;
Elle arrive en ces lieux & dans vos mains remise...
JOCABE L.

Aux vœux d'Amenophis depuis long-tems promife,
Au joug d'un autre hymen croit-on la difpofer?
OSARPHIS.

Sur la foi des traités on peut s'en repofer.
Dans votre appartement il eft tems de vous rendre.
Chargez.vous des honneurs qu'elle a droit de pré-
tendre.

Et moi fuivi d'Aron je vais dans cet instant
Me préfenter aux yeux d'une Cour qui m'attend.
Heureux fi déplorant le trépas d'une mere
Je répands ma douleur dans les bras de fon frere!
JOCABEL.
Ah!craignez bien plûtôt que fes prétentions
Ne replongent l'Egypte en fes diffentions;
Qu'appuye de Phanés fon aveugle imprudence
N'écoute trop un fang né pour l'indépendance.
OSARPHIS.

S'il croit avoir pour lui l'avantage des Loix,
L'Egypte en moi du moins voit le Fils de fes Rois:
C'eft peu que de leur Trône excitant mon audace
L'Ombre de Thermutis y marque encor ma place,
Fier du débris pompeux de cent murs abattus
Un grand cœur peut compter fes droits par les ver-

tus.

Fin du premier Acte.

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