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SCENE I I.

OSAR PHIS, AARON.

OSARPHIS.

Dans ces lieux où je viens à peine d'arriver

Vous voyez quel orage eft prêt à s'élever.
J'entrevois le projet qu'Amenophis médite:
Non que pourtant, Aron,j'en craigne aucune fuites
Mais à ma gloire ici ce trouble injurieux
Peut furprendre Tharbis & lui bleffe les yeux.
Songeons à lui fauver ces fecrettes allarmes.
Renfermons dans Seba ses vertus & fes charmes :
Jufqu'à ce que le Ciel ait reglé mes destins
Et calmé de l'Etat les troubles inteftins.

Du moins c'est la remettre au sein de son Em-
pire.
Et j'ai fait choix de vous, Aron, pour l'y conduire.
Vous pouvez mieux qu'un autre adoucir les regrets.
Allez, j'ai déja fçu par des ordres fecrets

Affurer jufques laifa retraite & la vôtre.

Je vous laiffe à regret éloigner l'un & l'autre. Mais fans perdre en difcours de précieux inftans, Je dois la difpofer....

AARON.

Seigneur je vous entends; Et connois à ces foins ce qui peut vous contraindre. Ce n'eft point pour Tharbis que vous avez à crain

dre.

Pour elle dans ces lieux tout confpire à la fois.
Trop de prudence ici nous offenfe tous trois.
Ce n'est que contre moi que s'éleve l'envie.

Voilà l'oracle feul qui demande ma vie.
Immolez-la. Du moins, cette fatale erreur
Va de vos ennemis détourner la fureur :

Votre propre

intérêt demande qu'on l'accorde
Par là dans fa naiffance étouffant la difcorde,
Tout prétexte finit. Mon fang va cimenter
Lá puiffance & le Thrône où vous allez monter.
OSARPHI S.

Et quels biens à ce prix pourroient jamais me plaire?
Quel reproche à mon tour n'ai-je point à vous faire?
Qui moi? que jufques là de ma gloire jaloux
Le foin de la fauver retombe ainfi fur vous,
Que jufques à ce jour à l'amitié fidelle

Une aveugle terreur me rende indigne d'elle ?
Je ne fçais, fans vouloir en rappeller le cours,
Quel interêt m'anime & m'attache à vos jours,
Quel mouvement fecret & m'agite & me preffe,
Si j'en dois confulter ma gloire ou ma tendreffe;
Mais au feul bruit du coup que l'on veut vous porter,
J'ai fenti tout mon fang prêt à fe revolter.
Le Ciel me charge enfin du foin de votre vie :
Je ne fouffrirai point qu'elle vous soit ravie.
En vain vos ennemis s'arment de toutes parts.
Je vais mettre entre vous d'invincibles
remparts..
Leur courroux va rentrer dans de juftes limites
Je vais vous confier à ces Ifraëlites

Qui toûjours furs de vaincre en combattant fous

Vous

Ont fondé fur vos jours leur deftin le plus doux.

AARON.

Quel que foit le danger, Seigneur, qui me regarde
Dieu me voit, c'eft affez, laiffez-moi fous fa garde.
S'il faut mourir, ma mort importe à fes deffeins.
Auffi bien que vos jours ma vie eft dans fes mains :.
Peut-être en la perdant je fauverai la vôtre.
Peut-être nos deftins font liés l'un à l'autre.

E

Et dans l'ordre éternel de fes juftes decrets
La main du Tout-puiffant forma fes nœuds fecrets.
Dans tous les mouvemens j'adore fa fageffe.
Incertain de mon fort, mais sûr de fa promeffe,
J'attendrai près de vous qu'il difpofe de moi.
Il ne veut bien fouvent qu'éprouver notre foi.
Cet Hebreu qui d'Aram jadis obtint la fille,
Ce Chef d'un Peuple iffu de fa feule famille
Des Princes fes voifins avoit reglé les droits,
Il revenoit chargé des dépouilles des Rois.
Ses jours étoient nombreux & lui couvert de gloire
Des bienfaits de fon Dieu rappelloit la memoire,
Quand tout-à-coup du Ciel il entendit ces cris:
Leve-toi. Qu'attends-tu? viens m'immoler ton fils,
Ce fils de ma faveur & l'objet & le gage.
Sans trop examiner où cet ordre l'engage,
Abraham dreffe en hâte, un bucher, un Autel;
Ifac eft à fes pieds ceint du bandeau mortel.
La nature eft muette ainfi que la victime;
Mais promt à couronner la foi quiles anime,
Dieu détourna le fer qu'arme un zele cruel,
Et dans un feul enfant fauva tout Ifraël.

OSARPHIS

Hé bien! fçachez du moins queparti je vais prendre.
Tharbis que j'ai mandée en e lieu doit fe rendre;
Ma Garde dans le Camp va onduire fes pas.
Ce fera là le Temple où de mains des foldats
Je prétends qu'elle & morecevions la couronne;
Qu je lui jurerai la foi quje lui donne,

Où nos.coeurs s'uniffant ar les noeuds les plus beaux,
Le fer étincellant tiendrdieu de flambeaux ;
Et c'eft là qu'à l'afpect is Troupes animées
J'attefterai leur gloire de Dieu des Armées
Par vous, par Jocabeinvoqué tant de fois.
Mais quelqu'un vient allez. C'est Tharbis
vois.

E

que je

SCENE III.

THARBIS, OSARPHIS.

OS ARPHIS.

M Adame, pardonnez fi je vous ai mandée.

On veut troubler la paix tant de fois demandée.
De la Religion le voile specieux

Couvre ici les complots de quelque fa&tieux.
Je pourrois cependant, quoique Phanés ordonne,
Du pied de fes Autels vous élever au Trône.
Rejetter fur lui-même un injufte courroux,
Et partager le Peuple entre les Dieux & vous.
Mais non, & dans un Camp que la foudre environne
Venez avec ma main recevoir la Couronne.
J'y veux du moins, j'y veux confier vos attraits
Et remettre en dépit le gage de la paix.

THARBIS.

Moi, Seigneur, quau mépris des Autels que l'on brave,

Je forte de Memphis & ous fuive en Esclave?
Arrachée à regret du seinde mes Etats,

C'eft dans l'horreur d'un Camp & parmi des foldats
Que l'on croit m'affurer u deftin plus tranquille ?
On me flattoit d'un Sceptroù j'ai besoin d'azile.
Je ne trouve à Memphis en épit des traités,
Que des Peuples mutins, &les droits conteftés.
On dépouille pour moi l'herier legitime.
Si l'on m'offre le Trône, on 'affocie au crime;
Je n'ai pour y monter que lesébris des loix
Et les Dieux n'ofent plus fairentendre leurs voix.
D'un Empire à ce prix, je neis point avide.

J'attendrai qu'en ces murs le deftin fe décide.
Je puis me garantir contre tout autre effort
Et ce n'eft plus à vous d'ordonner de mon fort.

OSARPHIS.

Madame à ce difcours, je n'ai pas dû m'attendre. Mais dumoins Ofarphis commence à vous entendre; Et parmi les tranfports d'un efprit combattu Croit voir quel interêt furprend votre vertu. Mais pour Amenophis, foit pitié magnanime, Soit qu'un autre motif vous touche & vous anime, Epargnez-vous le foin d'examiner fes droits. De pareils differends font au deffus des loix. Surquoi qu'il fonde ici fes plaintes éternelles, Ma dernière victoire a tranché nos querelles. De là ces grands projets & ces engagemens Que de tant d'Alliés confirment les fermens. Aujourd'hui votre main regle leur destinée, C'eft peu d'être promife, elle me fut donnée. Tout m'en repond, Madame, elle eft tout à la fois Le lien de la paix, le prix de mes exploits. Dans le cœur de Tharbis trouverois-je un obstacle? Voudroit-elle à fon tour m'oppofer quelque oracle? Permettez que mon cœur ofe ici s'épancher. Ileft peu d'interêts qui doivent vous toucher. L'honneur de terminer les horreurs de la De regler à fon gré le deftin de la terre, L'hommage de vingt Rois,tout un Peuple à genoux, Voilà les feuls objets qui foient dignes de nous.

THARBIS.

guerre,

Pour ma gloire, pour moi trop de foin vous anime,
Et ce confeil prudent marque au moins peu d'eftime.
L'inftruction offenfe; un grand cœur doit fçavoir,
Seigneur, jufqu'où s'étend la loi de fon devoir.
Il fçait du moins, il fçait fans qu'on l'en avertiffe
Que la gloire des Rois dépend de leur juftice;
Qu'elle n'eft pas toûjours bornée à leurs exploits.

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