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plus frappé dans la lecture d'Ofarphis. C'est à la peinture peu fidele, qu'on m'avoit tracée de cette pièce. Je ne crains point de yous l'aon m'avoit donné du rôle que vous faifiez jouer à votre Heros, une idée bien éloignée de la réalité..

vouer,

Je m'attendois à vous voir démentir par la fiction, le portrait que les hiftoriens facrés &. profanes nous ont laiffé du Liberateur des Hebreux. Je comptois ne trouver dans le Heros de votre Tragédie qu'un homme, d'abord dominé par l'amour ou l'ambition, ou également en proye à ces deux paffions; & que le feul éclat des plus étonnantes merveilles, & les impreffions de la grace les plus fortes, avoient contraint en quelque forte de fe prêter aux deffeins que la Providence avoit formés fur lui ; & je craignois ce contrafte, oferai-je le dire non pour la Réligion, dont les interêts n'en pouvoient fouffrir, mais pour votre ouvrage qui en eût été defiguré.

Des excès qui auroient précedé la vocation d'Ofarphis, n'auroient point deshonoré la fain-teté d'un Miniftere qui en les faifant ceffer leur auroit fubftitué les plus éclatantes vertus. Sa. converfion eût été un triomphe de plus pour la Réligion, un nouveau prodige égal à ceux. que le ciel avoit mis en oeuvre pour fléchir l'opiniatreté de l'indocile Égyptien, & animer

la confiance des timides Hebreux. Cette fuppefition d'ailleurs n'auroit contredit ni le Pentateuque, ni Jofephe. Les éloges que l'un & Pau tre donnent à la vertu de Moyfe, ne regardent que le temps où il éroit le conducteur du peuple de Dieu. Leur filence fur fes mœurs avant cette époque, laiffoit en ce genre une libre carriere aux fictions propres à embellir votre fujet, & fans deroger au respect dû à la revelation,ou à la fidélité qu'exige Phistoire, vous auriez pû, au befoin, répandre avec art quelques ombres fur le brillant portrait que l'une & l'autre tracent de votre Heros.

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Mais ce que l'autorité fembloit vous permertré les loix du Théatre vous l'interdifoient. Docile à fes regles vous avez fagement renoncé à un mélange,qui, fans dégrader la vertu de Moyfe, auroit déparé fon rôle. Cette duplicité de mœurs dans le principal perfonnage, auroit produit une espèce de duplicité d'intrigue & d'action, & vous auroit conduit néceffairement à une conversion brufque, à un de ces denouemens poftiches , fans préparations dans les mœurs, dans les incidents de votre piece; ouvrage enfin d'un miracle fubit dont la machine est toujours employée bien plus pour fuppléer à l'invention de l'Auteur & pourle tirer d'embarras, que pour decorer fon heros ou intereffer le Spectateur,

Vous mettez, il eft vray, en œuvre le miraele; mais c'est en vous conformant à la nature de votre fujet où tout eft miraculeux ; c'est en ajuftant habilement ensemble le merveilleux & le vrai-semblable. Le Spectateur eft dès les premieres fcenes préparé, fans les prévoir, aux prodiges qui couronnent les dernieres. Fidele au précepte d'Horace

Servetur ad imum

Qualis ab incepto procefferit, & fibi confter 3 Votre heros toujours femblable à lui même, foutient par-tout la dignité de fon caractére. Les premiers traits d'Ofarphis annoncent déja Moyfe, & l'on apperçoit d'avance dans le Monarque d'Egypte, les femences des vertus qui doivent former le Chef du peuple d'Ifraël. Ses qualités naturelles difpofent infenfiblement l'efprit du Spectateur, & en quelque forte le cœur même de ce Heros, aux révolutions qu'y opere enfin la grace de fa vocation:par une gradation prefque imperceptible, & comme de nuance en nuance, vous l'amenez à cette généreufe docilité qui lui fait facrifier få gloire & fa couronne à l'obfcur efpoir de devenir par les perils, les fouffrances, les opprobres, le Liberateur d'une nation cherie de Dieu. Le Spectateur fe livre de lui même aux tranfports de l'étonnement que caufent des merveilles, fans. être arrêté par les embarras d'une furprise précipitée..

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Ses deffeins fur Tharbis ne font point un écueil pour fon heroifme. Si Ofarphis afpire a Falliance, de cette Princeffe, c'eft en Roi & non pas en Amant. Il ne vient point en-Amadis ou en Heros de l'Aftrée ramper à fes pieds, & démentir puerilement auprès d'elle, comme Alexandre auprès de Cleofile, ou Pyrrhus auprès d'Andromaque, cette fierté farouche qui dans tous les fiécles, & même encore de nos jours, mêle fes hauteurs. aux tranfports les plus tendres des Monarques les plus polis de l'Orient.

Mais pour tracer avec uniformité & avec decence le caractére de Moyfe, ce n'étoit point affez d'en bannir les fadeurs & les ridicules, il falloit encore en exclure les paffions & leurs fougues. Auffi n'ont elles point de part chez vous aux fentimens qui font fouhaiter à Ofarphis d'unir fon fort à celui de Tharbis, & de l'emporter dans le cœur de cette Princeffe fur fon rival Amenophis. Le feul interêt d'Etat: la foi des Traités, la néceffité d'affûter à l'Egypte fes conquêtes en Ethiopie, & à Ofarphis lui-même le Throne fur lequel il devoit monter, font les refforts de fes empreffemens pour ce mariage.. Pas là moindre étincelle d'amour, dans fes procedés ou dans fon langage.. La raifon régle fes goûts comme la politeffe infpire fes manieres & fes difcours..

L'ambition ne le domine pas plus que la

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mour. C'eft méconnoître la nature de cette paffion,que de confondre avec elle le defir qu'a Ofarphis de monter fur le Throne, où l'ordre de la fucceffion, les vœux de l'Egypte entiere, & le fuccès de fes victoires Pappelloient. L'Ambitieux eft un homme qui cherche à étendre fon autorité ou à élever fon rang au-def fus des limites que la providence & l'ordre de la fociété femblent avoir prefcrit à Fune & à l'autre. Ofarphis éloigné des ces prétentions, borne les fiennes à difputer à Amenophis une Couronne dont les titres les plus legitimes le mettoient en droit de s'affûrer; la vertu la plus pure permet de défendre un bien que la juftice rend notre partage. Ofarphis eft donc tout un fujet propre à l'efpéce d'heroifme que: la Réligion fait enfin éclater chez Moyfe.

par

L'uniformité, la vrai-femblance, la décence ne font point les feuls mérites de fon caractére;; à ces traits qui forment les beautés régulieres, vous uniffez les fentimens & les fituations qui y joignent les graces. Que vous en faites éclor re de nobles & d'élevées dans fon rôle, & que. cet enthousiasme qui regne dans le langage de l'Ecriture fe fait fentir avec énergie dans la bou che d'Aaron, de Jocabel & de Moyfe!

En Maître de l'art vous avez gardé les plus beaux traits pour la fin: les deux derniers Ace tes rencheriffent fur les précedens. Le fort de

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