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SAUL.

Quand pourrai-je baifer cette main salutaire ;
Mon Fils? Mais quoi ? parlez c'eft trop long-tems fe

taire.

Quels font-ils ces fecours par le Ciel envoyez ?

Quel eft l'heureux appui ?

JONATHAS.

Seigneur, vous le voyez.

VI.

SCENE

SAUL, JONATHAS, DAVID, MICHOL; ASSER, ACHAS, ELISE.

SAUL.

Ue vois-je? où fuis-je ? ô Ciel! en croirai-je ma vûë?

Que

MICHOL.

Quel objet s'offre, Elife, à mon ame éperduë?'

SAUL.

David devant mes yeux!

MICHOL.

Ciel !

Daigne encor le fauver,

Perfide.

SAUL.

Jufques dans mon Camp ofe-tu me braver ?
DAVID.

Non, Seigneur. A ma gloire fidele,

N'attendez rien de moi qui foit indigne d'ele.

Moins prompt à s'expofer à cet ardent courroux
Peut être que quelque autre auroit tout craint de vous.
Mais de pareils foupçons font d'une ame ordinaire.
Je puis venir vers vous fans être téméraire :
Sûr qu'en Saul par-là retrouvant un appui,

J'excite fon grand cœur à s'armer contre lui.
SAUL.

Par quel égard frivole enchaînant ma juftice,
Crois-tu te dérober aux rigueurs du fuplice?
Et quelle foi doit-on aux perfides mortels?

Quoi donc ? foulant aux pieds les Loix & les Autels
Etouffant dans ton cœur l'amour & la nature,
Infidele à la fois, parricide & parjure,

Avec mes ennemis conjuré contre moi,
Brûlant de te plonger dans le fang de ton Roi,
Prêt d'envahir un trône, où mon afpect te bleffe....
DAVID.

Ah, Seigneur! eft-ce à moi que ce difcours s'adreffe?
Et de ma foi toujours peut-on fe défier?
Mais plûtôt eft-ce à moi de me justifier?

Ma vertu jufques-là ne doit point fe contraindre.
L'innocence en effet ne peut jamais rien craindre.
Le Ciel fçait la défendre, & même la venger.
Entre Sail & moi c'eft à lui de juger.

D'ailleurs enfin le tems, le péril, tout nous preffe,
Un foin plus important tous deux nous intéreffe.
Long-tems dans Siceleg contraint de me cacher,
Le falut d'Ifraël vient de m'en arracher.
D'un long exil, Seigneur, la honte & la fouffrance,
M'a de vos ennemis acquis la confiance;
De leur prévention mon zele s'eft fervi,
J'ai paffé dans leur Camp, de quelques Juifs fuivi.
Le Ciel de mes deffeins applaniffoit la voye,
Le Roi de Geth, Achis me reçoit avec joye.
Bien-tôt me prodiguant fes fecrets entretiens,
Il cherche à m'attacher par les plus forts liens,'
Et veut d'un malheureux que votre haine chasse,
Par l'Hymen de fa fille honorer la difgrace.
Mais frappé d'un difcours que j'écoute à regret,
Tous mes fens foulevez frémiffent en fecret,
Et mon cœur rappellant des flammes légitimes

De fes offres alors lui fait autant de crimes.
Enfin dans fon parti ces Rois intereffez
Ces mille Legions, tous ces chars hériffez,
Prêt de fondre fur vous l'impétueux orage
Du plus preffant péril me láiffant voir l'image;
Malgré le peu d'efpoir dont mon cœur eft flatté,
Je propofe une paix, & je fuis écouté.
L'ennemi dans mes mains a remis fa querelle :
Dans votre Camp, Seigneur, voilà ce qui m'appelle.
Du defir de la paix fi vous étiez preffé,

Parlez, je cours finir ce que j'ai commencé.
Mais fi toujours ardent contre un peuple idolâtre,
Le grand cœur de Saul ne cherche qu'à combattre
De l'honneur d'Ifraël & du vôtre jaloux,
Souffrez que je foutienne un fi noble courroux.
Commandez, permettez que marchant fur mes traces,
Six cens Juifs qu'à mon fort attachent leurs difgraces,
Dans leur profcription fideles à leur Roi,

Viennent vaincre, Seigneur, ou mourir avec moi.
SAUL.

O Ciel! dans quel état votre entretien me laiffe?
Dans mon cœur tout à coup quelle étrange foibleffe!
Quoi,je fens ma fureur prête à s'évanouir?

Et de mon trouble encor je le laiffe jouir?
MICHOL.

Que craignez-vous, Seigneur, d'une vertu fi pure?
Achevez le triomphe, étouffez l'imposture.
A ce trouble, du Ciel reconnoiffez la voix,
Et cette main de Dieu qui tient le cœur des Rois.
SAUL.

Que me demandez-vous? Ciel! quelle eft votre envie?
Vous voulez qu'on m'arrache & l'Empire & la vie,
Et loin de prévenir de funeftes deffeins.....

DAVID.

De quel fang innocent ai-je fouillé mes mains?
Par des liens facrez attachez l'un à l'autre,

Je pourrois commencer par répandre le vôtre?
Et fur mon Souverain, après tant de bienfaits,
Tomberoit ma fureur & mes premiers forfaits;
On me verroit paffer toutes les perfidies,

Et fur l'Oint du Seigneur porter mes mains hardies;
Que dis-je? En votre camp contre moi fans fecours,
Le fommeil & la nuit m'abandonnoient vos jours.
D'un ennemi fans ceffe ardent à nous pourfuivre,
Refpecte-t-on le fang, lorfque tout nous le livre ?
Cependant trop content en détournant mes pas,
De vous ravir le fer dont s'armoit votre bras,
Je laiffai de ma foi cette preuve certaine.
Ah! fi quelques mortels excitent votre haine,
Puiffe le Tout-puiffant, arbitre entre eux & moi
Détourner fur leurs jours le courroux de mon Roi,
Dévoiler à fes yeux l'artifice & le crime,
Et laver de leur fang la vertu qu'on opprime.
Mais fi dans fes decrets impénétrable à tous
Le Ciel excite feul un fi cruel courroux;
J'en adore la main: Heureux fi fa juftice.
De mes reffentimens reçoit le facrifice!
Mais déja votre cœur commence à s'ébranfer;
Vous foupirez, Seigneur, je vois vos pleurs couler.
Par ces auguftes mains, ces genoux que j'embraffe,
Achevez; qu'à vos yeux je puiffe trouver grace,
Voir enfin fur ma foi vos doutes éclaircis,
Mon fang verfé, pour vous confirmer...
SAUL.

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Ah! mon Fils?

Vous me demandez grace, & je fuis feul coupable..
O piété fincere !ô vertu qui m'accable!

C'en eft trop. Mais fouffrez que je refpire enfin
D'Ifraël aujourd'hui vous fçaurez le deftin.
Jonathas, cependant allez revoir l'armée.
Ma Fille, déformais ceffe d'être allarmée
(David en Lembrassant. ).

Allez vous repofer dans mon appartement.
Que feul avec Affer on me laiffe un moment;

D

SCENE VII.

SAUL, ASSER.

E fon retour,

SAUL

Affer, que faut-il que je penfe? Et dans quel tems le Ciel nous rend-t’il sa prefence?

Lorfque de tout un camp prêt à se revolter,
Le murmure déja commence d'éclater;
Que du cœur de nos Juifs la foi va difparoître ;
Quand il peut fe venger, lorfqu'il le doit peut-être;
Et s'il ne faut enfin rien cacher à ta foi,

Quand l'effroi s'emparant de l'ame de ton Roi...
Mais tu ne me dis rien. Trop plein de ta furprise,
Je vois..

ASSER.

Que voulez-vous, Seigneur, que je vous dife?
SAUL.

Ce que je veux, Affer? eft-ce à toi d'en douter?
Ton zele maintenant ne peut trop éclater.
Laiffe un déguisement que ton refpect affecte.
Ofe parler, ta foi ne peut m'être suspecte.

ASSER.

Continuez, Seigneur,,un fi noble deffein,
Et recevez David jufques dans votre sein.
J'ai vu couler pour lui de veritables larmes.
Mais quoique contre vous, vous lui donniez des ar-

mes,

Que peut-être ébloui par des prétextes vains,

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