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Je lui dois des Autels. A ce pieux office
Appellez de ma part les Pontifes Sacrés.
Ne perdez point de tems. Soëfme demeurez.

SCENE VI.

HERODE, SOESME.

HERODE.

V Iens-je éprouver ici ta faveur ou ta haine,

O Ciel? approche. Avant que d'entrer chez la Rei

ne,

Sëfime, j'ai voulu te parler un instant.
Il doit te fouvenir de quel ordre en partant,
J'ai fçu charger pour moi ton amitié fincere.
Cet ordre à mon repos devenoit nécessaire,
Le Ciel n'a pas voulu qu'il fût exécuté,
Il a fervi ines vœux. Mais je me suis flatté
Qu'un myftere éternel cacheroit à la Reine
Ces dangereux excès où mon amour m'entraîne.
SOESME.

Puis-je entendre, Seigneur, avec tranquillité
Un difcours..... doutez-vous de ma fidelité?

HERODE.

Je crois qu'à tes devoirs rien ne peut te fouftraire.
Loin de te foupçonner, je rends grace au contraire
A tes yeux furveillans, à tes foins affidus,
Sans qui mes fens peut-être à tout heure éperdus
N'auroient pû foutenir les rigueurs d'une abfence...
SOESME.

Je fai ce qu'aux dépens fouvent de l'innocence
Peu oupçonner un cœur trop plein de fon amour;
Quels mouvemens divers l'agitent tour à tour;
Que fouvent le jouet de fa fureur extrême,
On n'a dans fes foupçons de rival que foi-même.

Mais que dis-je ? Seigneur, un Heros tel que vous
Se livre rarement à fes transports jaloux.
HERODE.

Soëfime, tu dis vrai. Je ne fuis point injufte.
Mais pendant le féjour que j'ai fait chez Augufte,
Que faifoit Mariamne? & de quels foins divers..
SOESME.

Seigneur,fans ceffe aux pleurs j'ai vû les yeux ouverts.
HERODE.

Et ce font là ces pleurs dont l'ingrate m'opprime,
Dont toûjours mon amour lui devroit faire un crime.
Le fouvenir des fiens bien plus cruels que moi
L'accompagne en tous lieux, & la remplit d'effroi,
Et toujours fur mon cœur rachetant fes allarmes,
Jufqu'au lit d'un époux elle porte fes larmes;
Confume en vains regrets tous les jours les plu

beaux,

Sans ceffe fon efprit erre autour des tombeaux,
Se repait de leur cendre. Eft-ce donc là qu'éclatte
Cette auftere vertu dont fe pare l'ingrate?
Au rang de fes devoirs met-elle fes mépris,
Et de mes feux ardens eft-ce là tout le prix ?
SOESME.

Vous le fçavez, Seigneur, fur tout ce qui vous touche,
La verité toujours a parlé par ma bouche.
Du fruit de vos travaux, il eft temps de jouir.
L'éclat de votre regne a fçu tout éblouir;
Mais le foin d'être heureux eft une autre fcience.
Il faudroit moins d'amour & plus de confiance.
Que ne peut point l'eftime?& c'eft n'en point marquer,
Que de croife toûjours qu'on puiffe nous manquer.
L'honneur eft orgueilleux dans le cœur d'une femme.
Sur tout, Seigneur, fur tout daignez fermer votre ame
A ces traits qui fouvent avec art détachés

Servent nos interêts fous d'autres noms cachés.
Banniffez vos foupço: fi vous devez m'en croire,

La vertu de la Reine égale votre gloire,
Egale fa beauté qui paroît à nos yeux,

Comme aux vôtres, Seigneur, le chef d'œuvre des
Cieux.

HERODE.

Oui, je fens croître encor le beau fer qui m'enflâmè. J'en croirai tes confeils, cher Soëfine, & mon ame Va fur ton amitié fonder tout fon bonheur.

Entrons. Mais quelqu'un vient.

SOESME.

C'est la Reine, Seigneur.

SCENE VII.

,

HERODE. MARIAM NE, ALEXANDRE SOESME, PHOEDIME, Suite de Mariamne.

HERODE.

CIel, qui la viens d'orner d'une grace nouvelle

Infpire-lui pour moi ce que je fens pour elle!
MARIAMNE.

Quelle affreufe contrainte ? & que veut-on de moi!
HERODE.
Divine Mariamne, eft-ce vous que je voi?
Craignez-vous ma préfence?ô Ciel!le puis-je croire?
MARIAMNE.
Jouiffez à loifir, Seigneur, de votre gloire,
Des dépouilles d'Antoine, & laiffez-moi mes pleurs.
HERODE.

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Ah! que vous me percez de mortelles douleurs ! Mais la plainte fied mal, lorfqu'après tant d'allarmes, A mes défirs brûlans le Ciel rend tous vos charmes, Madame, & rien ne peut troubler dans ce moment

La douceur que je goûte en cet embraffement.
Peut-être à mon Fils feul je dois votre préfence.
Je vous fçai gré pourtant de cette complaifance.
MARIAMNE.

Que parlez-vous de plainte ? & fur quoi fondez-vous Seigneur, ce dernier trait d'un injufte courroux ?

Eft-c

t-ce que fous vos loix comme une autre rangée, A toute heure, en tous lieux, de témoins affiegée, De vos ordres preffans j'ai voulu m'affranchir ?

HERODE.

Hé quoi! votre courroux ne peut-il se fléchir ?
Quand la gloire m'éleve au deffus de l'envie,
Quel chagrin domeftique empoisonne ma vie ?
Te dois-je quelque grâce, ô Ciel ! pour tes bienfaits,
Si mes plus chers défirs ne font point fatisfaits?
Ou reprends des faveurs dont l'éclat m'importune,
Ou réunis pour moi l'amour & la fortune.
L'un me manquant, je fuis de tous les deux trahi.
Que fervent tant d'honneurs, fi j'en fuis plus hai?
Si dans le cours pompeux d'une gloire fi grande
L'ingrate Mariamne en rejette l'offrande;
Si fa rigueur toûjours cherche à me déchirer,
Et fi dans fes bras même il me faut foupîrer?
Songez-vous quel lien nous unit l'un & l'autre ?
Vous troublez mon repos, même au dépens du vôtre
Et lorfque tout s'empreffe au-devant de mes pas,
Mes yeux vous cherchent seule & ne vous trouvent
pas.

Le retour d'un époux. ...

MARIAMNE.

Je vois avec furprise
Dans quel reproche ici votre cœur s'autorise.
Quelques avís du moins devoient me préparer
A ce retour foudain qu'on me laiffe ignorer?
Je dois en foupçonner d'indignes artifices.
Dans le Temple pour vous fumoient les facrifices

Lorfque de votre mort le bruit s'eft répandu.
La Cour étoit en crainte & le Peuple éperdu.
De ce faux bruit fans doute on ménageoit l'usage,
C'étoit pour obferver mon pas & mon vifage,
On vouloit abuser de ma credulité ;

On me donnoit la mort avec tranquillité,
Et déja... mais, Seigneur, fouffrez que je vous laiffe.
Je ne fçai tout à coup quelle douleur me preffe.
Daignez me pardonner ces triftes mouvemens.
HERODE.

Et moi, vous me livrez aux plus cruels tourmens.
Ifraël m'eft témoin & l'Eternel lui-même..
MARIAMNE.

Gardez-vous d'attefter fa puiffance fuprême,
Ces auguftes fermens ne vous font plus permis,
Quand par vous à Cefar des Autels font promis.
Pour lui d'un nouveauTemple allez tracer l'enceinte,
De prophanations fouillez la Cité Sainte,
Faites à tant d'horreurs remonter le Jourdain;
Mais craignez d'éprouver un châtiment soudain.

SCENE VIII.

HERODE, ALEXANDRE. HERODE, retient Alexandre qui fuit Mariamne.

Vous voyez jufqu'où va l'aigreur de votre Mere.

Mais je puis la calmer, ou du moins je l'efpere,
Si fon amour pour vous fe trouve au mien pareil.
Alcime par mon ordre affemble le Confeil.
Pour la premiere fois venez y prendre place.
ALEXANDRE.

Seigneur, je fens le prix d'une pareille grace,
Et quand vous voudrez bien vous-même m'enfeigner
Ce grand art que le Ciel vous donna pour regner,

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