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Vous le rendiez vous-même à l'espoir des mutins,
Quoi que puiffe ordonner enfin la destinée,
Tout vous lie à la foi que vous avez donnee.
SAUL.

A fon nom feul, Affer, je pâlis, je fremis;
Seul il m'occupe plus que tous mes ennemis.
Au bruit de fes exploits mon ame eft éperdue.
Mais fi-tôt que le Ciel le ramene à ma vûë,
J'écarte les foupçons que j'avois pû former,
Et contre moi pour lui je fuis prêt à m'armer.
De mon aveuglement telle eft la violence...
ASSER.

'Ah! Seigneur, s'il faut rompre un dangereux filence,
Si mon cœur à fon tour doit s'ouvrir à vos yeux,
Croirai-je que David, ardent, ambitieux,
Et peut-être touché d'une jufte colere,

Pour votre gloire encor montre un zele fincere?
Pourriez-vous le penfer? Quoi! ne voyez-vous pas
Son efpoir, fes deffeins marquez dans tous fes pas?
Croit-on dans le peril qu'en aveugle il fe jette?
Il laiffe Siceleg ouvert à fa retraite,

Il paffe aux ennemis, où même à notre afpect
Suivi de tant de Juifs David n'eft point fufpect;
Il quitte enfin leur camp fur fa foi, sans ôtage;
Pour vous défabuser en faut-il davantage?
Ah! periffe le jour qu'il trouva votre appui,
Quelle foule de maux trainoit-il après lui!
En vain dans votre Cour produit par la fortune;
La faveur le tira d'une foule importune,
Seul coupable du fang que vous avez verfé,
De ce jour vos malheurs, Seigneur, ont commencé ;
Comme fi Samuel par un ordre fuprême

Eût dès-lors ceint fon front de votre Diadême.
Et quel eft dans ces lieux l'appareil qui le fuit ?
De fes fauffes vertus Jonathas eft féduit.
De vos peuples cheri, tout votre camp l'adore

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Et pour le condamner qu'attendez-vous encore !
SAUL.

Oui, c'eft trop, cher Affer, abuser de ta foi.
Mais pardonne une erreur qui n'accabloit que moi.
Prêt à l'abandonner au zele qui t'anime,

Mais fans ceffe agité sous la main qui m'opprime,
Dans le trouble où je fuis, je veux executer
Ce que tantôt mon cœur venoit de projetter.
Mon malheur n'admet plus que des moyens extrêmes
Viens, & fondons encor les volontez fuprêmes,
Fallut-il les combattre ou fléchir les genoux,
Rompons un voile affreux entre le Ciel & nous.
ASSER."

Quoi donc, ignorez-vous qu'aux cris de nos Pro phêtes

Le Ciel est toujours fourd? que leurs bouches mueta

tes...

SAUL.

Ah! quoique jufqu'ici le Ciel ait pû celer,
Par d'autres voix, Affer, il pourra nous parler;
Et pour fçavoir quel fort me garde fa juftice,
Il faut de l'enfer même employer l'artifice.
ASSER.

Ciel!

SAUL.

Sans vouloir moi-même encor te retenir; Cherche un de ces Mortels qui percent l'avenir; Je veux de Samuel interroger la cendre. ASSER.

Un tel deffein, Seigneur, a de quoi me furprendre;
Et quel que foit le fort de ces efprits heureux,
Eft-il un art enfin qui puiffe agir fur eux!

D'un pouvoir qui du Ciel perce tous les myfteres,
Quoi? d'aveugles mortels feroient dépofitaires?

SAUL.

'Ah! foit que de leur art le charme dangereux

Contre le Ciel agiffe, ou bien le Ciel par eux;
Au feul bruit de leurs voix on fent trembler la terre,
L'onde arrête fon cours au lit qui la refferre,
Le Ciel s'ouvre, dit-on, & fe laiffe entrevoir,
Par eux enfin, Affer admire leur pouvoir,

Les jours les plus fereins deviennent des nuits fombres,

Et du fein de la mort ils évoquent les Ombres.
ASSER.

Ordonnez, je fuis prêt; mais ne fongez-vous pas
Qu'un ordre de vos mains en purgea vos Etats,
Et que par une loi severement suivie,

Nul ne peut s'y montrer qu'aux dépens de fa vie?
Ah! du moins retenu par votre propre loi
Daignez en d'autres foins difpofer de ma foi.

SAUL.

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Et quel eft, cher Affer, cet effroi qui t'inspire?
Un Prince, de fes loix reconnoît-il l'empire?
Ce pouvoir fouverain d'où partent tant de droits,
En vous les impofant en affranchit les Rois.
Montre enfin que pour moi ton zele s'intereffe,
Et découvre quelqu'un par force ou par adreffe.)
Mais fur tout en ces lieux conduis-le fans témoins.
Va, pars, j'attens bien tôt le fuccès de tes foins.
Par là de nos deftins devoilons le myftere,
Et que l'Enfer s'explique, où le Ciel veut fe taire.

Fin du fecond Alte.

ACTE III.

SCENE I.

DAVID, MICHO L.

DAVID.

C'Eft donc ici, Madame, où le Roi dans mes

mains

Doit remettre aujourd'hui ses ordres fouverains? Mais quoi ? lorsqu'à vos yeux fon changement éclat

te,

Lorfqu'après tant de maux la fortune nous flate, Que la terre & le Ciel pour nous font déclarez, Quel effroi vous faifit? que dis-je ? vous pleurez. O Ciel! de quel accueil ma tendresse est suivie! MICHO L.

Triste effet des malheurs dont je fuis poursuivie! Mon cœur d'un nouveau trouble eft fans cosse agité;

DAVID.

Que craignez-vous?

MICHOL.

Je crains ce que j'ai fouhaité D'Ifraël en vos mains le Ciel met la deffense, Je vous revois, Seigneur, enfin ; votre prefence Diffipe les foupçons qui m'avoient pû troubler; Mais en me raffurant, vous me faites trembler. DAVID.

Qu'entens-je ? quel langage! Hé quoi? lorsque j'ef

pere....

MICHOL

MICHO L,

Je vous aime, Seigneur, & je connois mon Pere.
Je crains quelque retour d'un cœur toûjours jaloux,
Je crains ce Camp nombreux trop déclaré pour vous,
Leur revolte, leurs cris, la publique allegreffe,
Sur-tout de Jonathas le zele & la tendreffe,
L'ennemi remettant fon fort entre vos mains,
Votre gloire, mes pleurs, voilà ce que je crains.
DAVID.

Ah! Madame! Saül triomphant & tranquile,
A fe laiffer furprendre, il eft vrai, trop facile,
M'a pû loin de vos yeux forcer à me bannir.
Mais enfin fes malheurs vont tous nous réunir.
Le peril m'occupant d'un plus noble exercice,
Fera pâlir l'envie, & taire l'injuftice;

Et j'ai, quelque courroux qu'il gardât contre moi
Son falut pour garant au deffaut de fa foi,
A vos pieds dans ce jour c'eft lui qui me ramene
Madame, & je benis la fortune inhumaine,
Qui nous a rapprochez par cent perils divers.
Voilà ce qu'annonçoient ces Oracles couverts
Dont la promeffe encor prefente à ma mémoire
Du fein de mes malheurs devoit tirer ma gloire.
MICHO L.

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Helas! fi quelque efpoir nous eft encor permis,
Si loin de vous compter parmi fes ennemis,
Mon Pere vous remet fes droits ou fa vengeance,
D'où vient à vous revoir fi peu de diligence?
Pour de fi hauts deffeins, quoi? ne devroit-il pas,
Ou vous fuivre de près, ou devancer vos pas?
Où fommes-nous enfin? d'où vient que cette tente
Ne nous prefente plus cette pompe éclatante,
Cet appareil guerrier, ces brillans monumens
De la grandeur des Rois terribles ornemens?
Que dis-je, en tous ces lieux rien ne s'offre à la vûë.
Des Gardes difperfez, une Cour difparue....

D

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