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Non point comme ces morts au fortir des tombeaux,
Pâles, meurtris, plaintifs & couverts de lambeaux;
Mais formidable, il fort. Préfage de ma perte,
D'un ornement facré fa tête étoit couverte.
Tel que vengeant l'oubli des arrêts immortels,
Son bras du fang d'Agag arrofa nos Autels,
Du meurtre de ce Prince il dégoutoit encore,
Trifte & fatal auteur des maux que je déplore,
Quels éclairs, quelle flâme ont parti de fes yeux,
Qui feuls perçoient l'horreur de ces funeftes lieux!
Ce n'eft point un phantôme ou des chimeres vaines,
C'étoit lui. Tout mon fang s'eft glacé dans mes vei-

nes.

Pourquoi m'appelles tu ? quel deffein criminel
Te fait rompre des morts le filence éternel?
Dans la nuit du tombeau quelle fureur me trouble?
A-t-il dit. A ces mots ma frayeur fe redouble.
Une nouvelle horreur se répand parmi nous.
Immobile, long-tems, je tombe à fes genoux.
Je demande à fçavoir ce que je crains d'apprendre.
Jimplore fa pitié. Que m'a-t-il fait entendre?
Grand Dieu! de quels malheurs fommes-nous me-
nacez?

Que devins-je à ces mots que l'Ombre a prononcez à
N'attends de moi ni pitié ni reproche.
Le Sceptre va bien-tôt fortir de Benjamin,
Et de ton ennemi le Regne enfin s'approche.
Tel eft le decret fouverain.

Du Dieu vivant la colere t'affiege.
Rien à fes châtimens ne peut te dérober:
Et ce fang qu'épargna ta pitié facrilege,
Sur le fang innocent doit même retomber:
Par toi de tous les Juifs la race eft criminelle.
Il dit, & foudain rentre en la nuit éternelle
Et par un figne affreux qui me glace d'effroi
Semble en ouvrir la route, & m'appeller à foi.

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JONATHAS.

Ciel! de combien d'horreurs vous venez me confon

dre?..

Que faut-il que je pense, & que puis-je répondre?
Ah, Seigneur! fi le Ciel déclaré contre nous,
Veut aujourd'hui...

SAUL.

Mon Fils, prévenons son courroux.
JONATHAS.

Mais quel eft l'ennemi que votre ame redoute?

SAUL.

Quoi? votre cœur fur lui forme encor quelque doute?
Dans fes foupçons encor peut être balancé ?

Et ne reconnoît pas la race de Jeffé ?
Voyez enfin à qui votre amitié vous lie.
Du moins en m'accablant, le Ciel me juftifie.
Je vous l'avois prédit, il falloit le prévoir.
Quoi qu'il en foit, David eft en notre pouvoir;
Et de quelques malheurs dont le fort nous menace;
Si le perfide meurt, tout peut changer de face.
Du trône fon trepas vous r'ouvre les chemins.
-Puis-je le confier en de plus fûres mains?
'Ah Dieu! combien de fois l'occafion offerte
Auroit dû prévenir vos malheurs & ma perte !
Il en eft tems encor. Détournez dans forfang
Le coup qui me menace, & cherche votre flanc.
Il va fe rendre ici. Que rien ne vous arrête.
Ne vous montrez à moi qu'en apportant fa tête;
Et tandis que du Camp je cours calmer l'effroi,
Sauvez l'Etat, vous même, un pere & votre Roi.

SCENE III

JONATHAS feul.

L me laiffe. Ah grand Dieu! qu'eft-ce donc qu'i efpere?

IL

Qui moi, contre lui-même embraffant fa colere,
Que d'un ami fi cher j'aille percer le flanc,
Et ne m'offre à fes yeux que couvert de fon fang?
Que tout à coup fidelle à l'ordre qu'il m'adreffe,
Fétouffe ma raison, ainfi que ma tendreffe?
Que fur la foi d'un fpectre enfant de fa terreur
Complice de fes maux, j'en redouble l'horreur?
Ah! fauvons en effet la gloire & la Patrie,
Sauvons David; d'un Pere arrêtons la furie.
Mais c'eft peu de manquer à fon ordre inhumain.
Il peut contre fes jours armer une autre main.
Tout eft à redouter de fa fureur extrême.
Allons, ne tardons plus.... Mais le voici lui-même.

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J'attens l'ordre du Roi. Par quels retardemens?
Sur quels nouveaux projets, & par quelle maxime
Déja de Gelboé l'Aube a blanchi la cime,
Déja le jour plus grand eft venu nous frapper.
JONATHA S.

D'un foin bien different il faut vous occuper

J'ai vu le Roi, Seigneur : tout a changé de face. --
Du Ciel plus que jamais il reffent de difgrace:
Son defefpoir s'aigrit; & de nouveaux foupçons
Renversent ses deffeins, confondent nos raifons;
De ce Camp malheureux,Seigneur, tout vous écarte.
Que vous dirai-je enfin, partez.

DAVID.

Moi ? que je parte? Quand tout implore ici le fecours de mon bras, Qu'une indigne terreur précipite mes pas? Puifqu'après tant d'efforts mon entremise eft vaine, Je voi combien d'horreurs, Seigneur, ce jour entraî

ne,

Jamais peril plus grand, ni combat plus cruel
Ne parut menacer le deftin d'Ifraël.

Aujourd'hui de ce Camp, Ciel! quel confeil m'exile?
Ah! fongez dans quels lieux m'eft offert un azile.
Quoi d'un Barbare encore embraffant les genoux..
JONATHA S.

Vos jours en fûreté, bien plus que parmi nous,
Au Camp de ce Barbare...

DAVID.

Ah! que voulez-vous dire? JONATHA S.

Du peril qui vous preffe il faut donc vous inftruire.

Le Roi veut.

DAVID.

Que veut-il

JONATHA S.

Que fervant fa fureur,

Cette main vous immole à fa noire terreur.
Un efprit éternel de trouble & de tenebres,
Sans ceffe offre à fes yeux mille images funebres.
Mais qu'un oubli profond, qu'une éternelle nuit
Enveloppe à jamais l'erreur qui le féduit,

La fource des tranfports dont fon ame eft faifie,

Et d'où part l'attentat que fa main me confie.
DAVID.

D'un pareil attentat je ne fuis point surpris;
De mes travaux, Seigneur, je reconnois le prix.
Et moi-même..

JONATHA S.

Mon bras, prêt à tout entreprendre,

Loin d'attaquer vos jours, s'arme pour les défendre:
C'eft peu de condamner tous fes tranfports jaloux
Je vous fers contre un Pere, & même contre vous.
Cependant prévenons une funefte suite.

Partez enfin, mes foins couvriront votre fuite.
DAVID.

Quoi donc, vous prétendez que je fuye un courroux
Dont le funefte éclat retomberoit fur vous;

Et qu'auteur d'un malheur qui comble tous les autres, Quand vous fauvez mes jours, j'aille expofer les vôtres?

Des futeurs de Saul je vois l'effet certain.
Ne vous fouvient-il plus du fuperbe festin,
Où changeant en des pleurs la pompe & l'allegreffe
Pour moi de votre cœur accufant la tendreffe,
Saül que tant de trouble alors n'aigriffoit pas,
Du meurtre de fon Fils alloit fouiller fon bras?
Ma
mort à fa valeur ouvre enfin la victoire,

Et du Trône des Juifs vous affure la gloire.
Hé quoi, toujours errant dans des climats divers,
Dans l'ombre des forefts, dans le fond des deserts;
Dans les antres affreux où ma vertu s'éprouve,
Je fuis par-tout Saul, & par-tout je le trouve?
Je le connois, Seigneur, & fçais jufqu'à quel point
Son courroux rallumé...

JONATHA S.

Non, vous ne mourrez point. J'en réponds. Je fçais trop ce que l'honneur demande Ce que mon amitié...

T

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