Ses Juifs pour lui de crainte & d'amour prévenus. ALEXANDRE.
Madame, tous les cœurs ne lui font pas connus: Je ne le vois que trop: mais quoi qu'il en puiffe être, Sans fon ordre à fes yeux je crois devoir paroître. Ne fuis-je pas ici dans ces auguftes lieux,
Où long-temps de ma mere ont régné les ayeux? Où rien ne s'offre à moi qui ne me puiffe apprendre Quels font les droits d'un fang dont ils m'ont vû def cendre?
Je le vois, le courroux dont vous êtes épris Vous a fait oublier ce qu'ils vous ont appris; Et loin de modérer...
Je vous entends, Madame Je vois quel fouvenir on rapelle à mon ame. Vous voulez, infultant encore à ma douleur, Me mettre fous les yeux ma honte & mon malheur. D'un triomphe cruel je reconnois la trace. Mais enfin j'envisage un terme à ma difgrace. De nos Tyrans communs les projets dangereux, Peut-être quelque jour retomberont fur eux. Adieu.
SALOME à part.
Va, c'eft à toi de craindre ma colére.
"Ay de tous fes deffeins découvert le mystére. Dans fes reffentimens toûjours plus affermi...
Je fçai jufqu'à quel point il eft mon ennemi, Et vois depuis long-temps ce qu'il en faut atten Mon courroux inquiet brûle de vous entendre ; Mais rempliffez des foins commis à votre foi, Et volant fur fes pas, fuivez-le chez le Roi.
L'éclat de fon courroux rend fa
Tu r'étonnes, Phédime, & j'entrevois ta peine:
O Ciel ! que faites-vous, Madame, en quelles mains Ofez-vous confier de femblables deffeins? Tout ce qu'a fait Philon n'a donc pû vous apprendre Le zele qui l'attache au parti d'Alexandre ? Les malheurs de la mere, & les périls du fils, Long-tems dans ce Palais ont excité fes cris. SALOM E.
Hé ne connois-tu pas ces flatteurs mercenaires! Auprès de nous voilà leurs retours ordinaires. Inquiets, incertains, leur cœur toûjours flottant Dans leur legereté n'a qu'un objet conftant, La faveur : elle obtient leurs hommages finceres; Déteftables amis, mais pourtant néceffaires, Tout autre fur leur choix fe pourroit abuser; Mais tout devient utile à qui fçait en ufer. Ardens à nous fervir ils fe font nos victimes; Sur eux la politique a des droits légitimes; Souvent dans fes deffeins un grand cœur combattu, Met en œuvre le crime ainfi que la vertu.
Philon m'affure feul la perte d'Alexandre; Ce qu'il a fait pour lui m'en laiffe tout attendre, Phédime, il ne va point me fervir à demi : Un traître va toujours plus loin qu'un ennemi. PHEDI ME.
Par tant d'événemens depuis long-tems inftruite, Madame, de vos foins craignez plûtôt la fuite: D'Alexandre plûtôt recherchez l'amitié : Ses malheurs ont d'Augufte excité la pitié. Le peuple le chérit: Que dis-je, Hérode l'aime : Tout a changé pour lui, changez auffi vous-même ; Et quand pour lui les vœux fe réuniffent
Et c'est-là ce qui doit exciter mon courroux Toi-même, tu veux donc que ma haine ftérile, Le revoye en ces lieux triomphant & tranquile? Tu veux que mon crédit y paroiffe abaiflé ? Et quel feroit le prix du fang que j'ai versé ? J'ai fait mourir fon oncle, & j'immolai fa mere. Que dis-je, digne objet d'une jufte colére, D'un vil peuple en ces lieux follement révéré, Hircan, le vieux Hircan vient d'être maffacré. Des Rois Afmonéens Alexandre eft le refte. Quand je n'en craindrois point la vengeance funefte, Crois-tu que le deffein qui m'occupa toûjours Etonne mon courage, & périffe en fon cours? Non, non, il faut combler un efpoir légitime; Juftifier ma haine, & jouir de mon crime.
Je vous vis les pourfuivre & ne rien épargner. Mais que prétendez-vous, Madame, enfin? SALOM E.
Voilà le feul objet & l'efpoir qui m'entraine. Ce n'eft que pour cela que j'ai perdu la Reine; Que j'écartai fes fils; que d'Hérode à mes yeux
La gloire eft importune, & le fang odieux. PHEDIM E.
Et le fang odieux! mais cependant, Madame, Vos foins d'Antipater autorifent la flame; Et quoique dès long-temps liée à d'autres nœuds, La main de la Princeffe eft promife à fes vœux. Quel intérêt peut donc vous...
Arrête, Phédime. Son interêt n'eft point ici ce qui m'anime. Sur ce que je prétens ne vas point t'abuser. Ce grand zele pour lui cherche à les diviser; De deux cœurs orgueilleux j'excite le murmure, J'oppofe en mes deffeins l'amour à la nature; J'allume un fier courroux dont j'attens tout le fruit. Dans leur défunion l'un & l'autre eft féduit : Pour moi fans le fçavoir contr'eux d'intelligence, L'un travaille à ma gloire, & l'autre à ma vengeance.
Sur eux de mes deftins je vais me repofer.
Dans l'efpoir qui les flatte ils pourront tout ofer; Et je répons enfin, pour fervir ma colére, De l'attentat des fils, & de la main du pere. PHEDI ME.
Et ne craignez-vous point que fon cœur éperdu, Ne redemande un fang par fes mains répandu? Et que de tant d'efforts tôt ou tard le falaire.... SALOM E.
Ecoute, contre moi fi je n'ai que mon frere De fa vengeance alors je préviendrai l'ardeur. Repofe-toi fur moi du foin de ma grandeur; Mais fi je n'ai tenté qu'un effort inutile Si le Ciel me trahit, j'ai befoin d'un azyle; Et c'eft ce que fur-tout j'ai voulu ménager.
Quels lieux peuvent vous mettre à l'abri du danger?
Hé! quoi ne fçais-tu pas, fans que je te le die, Quels troubles inteftins déchirent l'Arabie ; Qu'elle a gémi long-tems, & qu'un fer affaffin Du dernier de fes Rois a tranché le deftin? Elle demande un maître, & Rome en délibére. Son choix peut regarder Silleüs ou mon frere. Par-là le diftinguant des autres Potentats, Non contente d'avoir reculé fes Etats. Rome pour digne prix des travaux de fa vie, A la Judée encore uniroit l'Arabie : Mais dans tous nos deffeins l'un à l'autre oppofez, Nos plus grands intérêts fe trouvent divifez.... Cet ennemi d'Hérode & puiffant & funeste, Ce même Silleüs que Solime détefte, Qui jufques dans fes murs a répandu l'effroi.
S'il monte au Trône il me donne fa foi. PHED IM E.
De Rome ainfi pour lui vous briguez le fuffrage? SALOM E.
Salome une autre fois t'en dira davantage. Antipater paroît.
ANTIPATER.
M Adame, c'en eft fait,
De vos bontez pour moi je n'attens plus l'effet Le retour de mon frere aflure fa conquête;
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