'dont nous n'avons que de legeres idées. Je fuis avec un respect profond,

MONSEIGNEUR,

DE VOTRE ALTESSE ROYALE;

Le très-humble & trèsobéiffant Serviteur, L'ABBE' NADAL

PREFACE.

'Ai toujours regardé Saül comme un fujet, qui dans l'Ecriture Sainte revcnoit en quelque forte à celui d'Oedipe dans la Fable, c'eft-à-dire, comme un fujet qui avoit toutes les qualitez qu'Ariftote demande pour la perfection du Poëme Dramatique.

Saul, en effet, ne nous paroît d'abord ni juste, ni méchant dans un fouverain dé-; gré, & à ne regarder que d'une premiere vûë ce qui a donné lieu à fa réprobation il feroit difficile de le condamner jufqu'à lui refufer fa pitié. Il entre même dans fa défobéiffance, je ne fçais quelle religion & quelle vertu; & s'il tombe enfuite dans une infinité de crimes, c'eft comme involontairement, & comme emporté par l'effet d'une Juftice terrible.

Le Prophête Samuel lui ordonne de fe rendre à Galgala, & de l'y attendre pendant fept jours pour offrir le Sacrifice au Seigneur. Saül preffé par les Philiftins, & même abandonné par les fiens, voyant

que le feptiéme jour étoit venu, & qu'il n'avoit point encore de nouvelles de Samuel, crut qu'il ne devoit point engager le combat fans avoir appaisé le Seigneur ;

il ofa donc lui facrifier, & Samuel arriva lorfqu'il achevoit d'offrir l'Holocaufte. Cette précipitation de Saul contre les ordres de Dieu & de fon Prophête, a été la premiere caufe de fa réprobation.

Les Amalecites étoient venus fondre avec toutes leurs forces fur le Peuple de Dieu, au fortir de l'Egypte. Dieu fut irrité contre la perfidie d'un peuple, qui étant forti d'Efau, & par confequent d'Abraham, comme les Ifraëlites, fe devoit confiderer à leur égard comme leur étant uni par le lien du fang. Dieu dans fa colere dit à Moyfe, F'exterminerai Amalec; & il y aura une guerre de race en race entre lui & moi. Quatre cens ans après, Dieu choifit Saül pour exécuter fa volonté dans la ruine de ce Peuple. Il lui fit dire par Samuel de marcher contre Amalec, & de paffer tout au fil de l'épée, depuis l'homme jufqu'à l'enfant qui feroit à la mamelle, & jufques aux vils troupeaux. Saül tailla en pieces tout ce qui fe trouva depuis Hevila jufqu'à Sur, qui eft vis-à-vis de l'Egypte ; mais il épargna Agag leur Roi qu'il avoit pris vif, & réferva ce qu'il y avoit de meilleur dans les Troupeaux pour l'immoler au Seigneur.

Telle a été la feconde défobéiffance de Saul; de-là ce trouble dans fon efprit, qui

fucceda à l'efprit de Dieu; de-là le meur tre de plus de quatre-vingts Prêtres revêtus de leurs habits facrez; la désolation de toute la Ville Sacerdotale de Nobé; cette haine fi injufte & fi cruelle dont Saül fut animé contre David ; cette confultation de la Pythoniffe fur la défaite d'Ifraël ; & enfin la mort de ce malheureux Roi, qui eft l'ac: tion de ma Tragedie.

J'ai dérobé l'apparition de l'ombre de Samuel au Spectateur, non-feulement par la difficulté de l'exécution fur le Théatre, mais encore parce qu'il m'a femblé que l'ombre en paroiffant, n'ajouteroit rien à la terreur que j'ai cru qu'exciteroit la reconnoiffance du Roi, de la maniere qu'elle eft amenée. D'ailleurs la conduite que je gardois en cela, rejettoit dans le quatriéme Acte le recit de cette même apparition, qui pouvoit être affez vif pour fe foutenir encore après la Scene de la Pytho niffe & de Saül. Je ne dois chercher à juftifier ma conduite en cela, que par le grand fuccès de cette même Scene,qui ( fi j'ose le dire) a également faift la Cour & la Ville.

Les Interpretes de l'Ecriture demeurent d'accord, que cette apparition de l'ombre de Samuel fe fit par un ordre particulier de la Justice de Dieu, qui prit le moment d'une évocation vaine & fterile, pour pro

duire un événement auffi extraordinaire que celui-là, & qui épouvanta la Pythoniffe elle-même,

Quelques-uns difent que le Démon qui fe transforme en Ange de lumiere, fe prefenta alors à Saül fous la figure de Samuel; & le fentiment de quelques autres est que l'ame même de Samuel s'apparut à Saul. Ce qui eft dit dans l'Ecclefiaftique favorife cette derniere opinion: Samuel, dit l'Ecriture, s'endormit du fommeil des Fuf tes, il fit connoître au Roy la fin de fa vie. S voix s'éleva du fond de la terre pour prophé tifer la ruine des Impies.

L'Episode d'Affer m'a parut neceffaire. J'ai cru qu'il falloit mettre David dans un plus grand peril, & par conféquent lui oppofer quelqu'un qui fût intereffé à le perdre, & à qui je donnerois toute la confiance de Saül. C'eft ce qui m'a obligé même de rendre Affer amoureux de Michol, pour lui donner par-là des motifs plus preffans pour agir contre David.

Je fais venir David du Camp des Philiftins dans celui de Saül; quoi qu'ayant été quelque tems dans l'Armée ennemie, difpofé même en apparence à combattre contre Ifraël, il eût cependant été obligé, fur l'émulation des Chefs des Troupes des Philistins, de fe retirer dans Siceleg› qu'A