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qu'ils sont à couvert, qu'ils tirent à leur aise, et qu'ils ont acquis par la chasse et des jeux d'émulation, l'habitude de tirer juste. Ils entendent assez bien les irruptions à l'improviste, les surprises de nuit, les embuscades et tous les coups de main où l'on peut aborder l'ennemi promptement, et corps à corps. Ardens à pousser leurs succès, prompts à se décourager et à reprendre courage, hardis jusqu'à la témérité, quelquefois même féroces, ils ont sur-tout deux qualités qui font les excellentes troupes: troupes : ils obéissent exactement à leurs chefs, et sont d'une sobriété et d'une vigueur de santé désormais inconnues ches les nations civilisées. Dans la campagne de 1784, ils passèrent trois mois en plein air, sans tentes, et n'ayant pour tout meuble qu'une peau de mouton; cependant il n'y eut pas plus de malades et de morts, que s'ils eussent été dans leurs maisons. Leurs vivres consistaient, comme en tout autre temps, en petits pains cuits sous la cendre ou sur une brique, en oignons crus, en fromage, en olives, en fruits, et quelque peu de vin. La table des Chefs était presque aussi frugale, et l'on peut assurer qu'ils ont vécu cent jours, où un même Tome II. E

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nombre de Français et d'Anglais ne vivrait pas dix. Ils ne connaissent ni la science des fortifications, ni l'artillerie, ni les campemens, en un mot, rien de ce qui fait l'art de la guerre. Mais s'il se trouvait parmi eux quelques hommes qui en eussent l'idée, ils en prendraient facilement le goût, et deviendraient une milice redoutable. Elle serait d'autant plus aisée à former, que les mûriers et les vignes ne suffisent pas pour les occuper toute 'année, et qu'il leur reste beaucoup de temps (1) que l'on pourrait employer aux exercices militaires. Dans les derniers recensemens des hommes armés, on en a compté près de 40,000; ce qui suppose pour le total de la popu lation environ 120,000 ames : il y a peu à y ajouter, parce qu'il n'y a point de Druzes dans les villes de la côte. La surface du pays étant de cent dix lieues carrées, il en résulte pour chaque lieue, mille quatre-vingt-dix ames; ce qui égale la population de nos meilleures provinces. Pour sentir combien est forte cette proportion,

(1) A raison de ce loisir, lorsque la récolte des soies est faite dans le Liban, il en part beaucoup de paysans, qui vont comme nos Limousins, faire les récoltes dans la plaine..

l'on observera que le sol est rude, qu'il reste encore beaucoup de sommets incultes, que Pon ne recueille pas en grains de quoi se nourrir trois mois par an, qu'il n'y a aucune manufacture, que toutes les exportations se bornent aux soies et aux cotons, dont la balance surpasse de bien peu l'entrée du blé de Haurân, des huiles de Palestine, du riz et du café que l'on tire de Baîrout. D'où vient donc cette affluence d'hommes sur un si petit espace? Toute analyse faite, je n'en puis vcir de cause, que le rayon de liberté qui y luit. Là, à la différence du pays Turk, chacun jouit dans la sécurité, de sa propriété et de sa vie. Le paysan n'y est pas plus aisé qu'ailleurs; mais il est tranquille : il ne craintpoint, comme je l'ai entendu dire plusieurs fois, que l'Aga, le Quâiemmaquam,oule Bacha envoyent des Djendis (1) piller la maison, enlever la famille, donner la bastonnade,etc. Ces excès sont inouis dans la montagne. La sécurité y a donc été un premier moyen de population, par l'attrait que tous les hommes trouvent à se multiplier par-tout où il a de l'aisance. La frugalité de lanation, qui consomme

(1) Gens de guerre.

peuen tout genre,a été un second moyen aussi puis sant. Enfin un troisième, est l'émigration d'une foule de familles chrétiennes qui désertent journellement les provinces Turkes pour venir s'établir dans le Liban; elles y sont accueillies des Maronites par fraternité de religion, et des Druzes par tolérance, et par l'intérêt bien entendu de multiplier dans leur pays le nombre des cultivateurs, des consommateurs et des alliés. Tous vivent en paix; mais je dois dire que les Chrétiens montrent souvent un zèle indiscret et tracassier, propre à la troubler.

La comparaison que les Druzes ont souvent lieu de faire de leur sort, à celui des autres sujets Turks, leur a donné une opinion avantageuse de leur condition, qui, par une gradation naturelle, a rejailli sur leurs personnes. Exempts de la violence et des insultes du despotisme, ils se regardent comme des hommes plus parfaits que leurs voisins, parce qu'ils ont le bonheur d'être moins avilis. De-là s'est formé un caractère plus fier, plus énergique, plus actif, un véritable esprit républicain. On les cite dans tout le Levant pour êtres inquiets, entreprenans, hardis et braves jusqu'à la témérité : on les a vus en plein jour fondre

dans Damas, au nombre de 300 seulement, et y répandre le désordre et le carnage. Il est remarquable qu'avec un régime presque semblable, les Maronites n'ont point ces qualités au même degré : j'en demandai un jour la raison dans une assemblée où l'on en faisait l'observation, au sujet de quelques faits passés récemment; après un moment de silence, un vieillard Maronite écartant sa pipe de sa bouche, et roulant le bout de sa barbe dans ses doigts, me répondit: Peutêtre les Druzes craindraient-ils plus la mort, s'ils croyaient à ce qui la suit. Ils n'admettent pas non plus la morale du pardon des injures. Personne n'est aussi ombrageux qu'eux sur le point d'honneur. Une insulte dite ou faite à ce nom et à la barbe, est sur le champ punie de coups de kandjar ou de fusil, pendant que chez le peuple des villes, elle n'aboutit qu'à des cris d'injures. Cette délicatesse a causé dans les manières et le propos une réserve, ou, si l'on veut, une politesse que l'on est surpris de trouver chez des paysans. Elle passe même jusqu'à la dissimulation et à la fausseté, sur-tout dans les Chefs, que de plus grands intérêts obligent à de plus grands ménagemens. La circonspection est nécessaire à tous, par

les

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