페이지 이미지
PDF
ePub

putatif de l'école critique, habitués aux idées en vogue dans cette école, ils ne sont plus choqués de l'erreur, parce que les ténèbres amassées dans leur esprit, jointes à l'éloignement du flambeau révélateur tenu par l'Église, les mettent hors d'état de la voir. Comment nous étonner qu'en des conditions si malheureuses ils ne distinguent pas la pauvreté du fond des apparences trompeuses qui la dissimulent et s'attachent aux nouveautés quelque vaines soient-elles?

§ IV

Nécessité imposée par la vérité de retenir les idées traditionnelles sur l'authenticité des Livres saints.

La lamentable reculade d'une catégorie d'écrivains catholiques lâchant pied devant les attaques des rationalistes va-t-elle nous faire craindre que les assises de l'antique croyance ont été ébranlées ? Rassurons-nous. Les preuves de l'authenticité du Pentateuque et de sa véracité sont intactes. Elles ressortent avec plus d'éclat du contraste de l'inanité des objections soulevées contre elles. Cent fois, dans ces derniers temps, les apologistes catholiques ont réfuté victorieusement les thèses de la critique moderne. En France le P. Brucker, le P. Prat et le P. Méchineau ont fait ce travail de main de maîtres. (Voir les Études Religieuses, mai et.juillet 1888; octobre et novembre 1898.) Le referai-je pour la cent et unième fois ? J'y consens s'il est utile de recommencer la même défense autant de fois qu'est reproduite la même attaque. Mais en ce moment mon dessein ne me permet pas une si longue étude. Je me bornerai à quelques courtes observations.

Le Pentateuque se divise en deux parties: l'introduction ou la Genèse et le corps de l'ouvrage : Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome.

La Genèse est la collection des traditions patriarcales relatives à l'origine de la terre, des êtres vivants qui l'ornent et la peuplent, de l'homme qui en est le roi. Elle décrit l'état de celui-ci avant et après le péché. Elle résume en un récit succinct les vicissi

tudes de l'humanité jusqu'au déluge d'abord, ensuite jusqu'à la vocation d'Abraham. Puis elle nous donne l'histoire plus détaillée des trois principaux ancêtres du peuple de Dieu : celle d'Abraham, celle d'Isaac et celle de Jacob dans laquelle les disgrâces et l'exaltation de Joseph tiennent une si grande place.

Moïse a eu à sa disposition pour la composition de la Genèse des traditions peut-être à la fois orales et écrites. Ces traditions provenaient très certainement de plusieurs auteurs. Adam, Hénoch, Noé, Sem, Héber n'ont pu transmettre successivement que les événements accomplis en leur vie. Mais l'auteur inspiré de la Genèse rédigea lui-même, pour en faire un seul tout divin, les traditions dont la source pure était restée en dépôt chez son peuple. Les répétitions et les doublets que l'école rationaliste relève avec tapage, pour nier l'unité de composition dans la Genèse, ont été voulus par l'écrivain sacré, ainsi que l'avait déjà remarqué le savant M. Glaire. Je montrerai dans une étude subséquente que ces répétitions et ces doublets, qui sont un des caractères distinctifs du style de Moïse dans l'histoire des patriarches, servent merveilleusement au but qu'il se proposait.

Quant à l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome, Moïse a été l'instrument et le témoin de tous les faits qui sont rapportés dans ces livres; l'organe de tous les préceptes qui y sont édictés au nom de Dieu. Tout a été écrit de sa main, au cours des événements, dans un livre exprès et qui est resté ouvert pendant quarante ans pour recevoir les derniers discours du Deuteronome. A plusieurs reprises, Moïse rapporta lui-même l'ordre que Dieu lui avait donné d'écrire dans le livre bassefer tel ou tel fait.

Mais j'entends ici la plainte des catholiques trembleurs : « Vous ne pouvez pourtant pas vous en tenir à la vieille méthode et piétiner toujours sur place. La science a prononcé des sentences qu'il faut enregistrer. La critique scripturaire, en Allemagne et en Angleterre, maniée par des travailleurs acharnés à leur besogne, a obtenu des résultats dont l'orthodoxie la plus intransigeante est obligée de tenir compte. »

Nous n'acceptons en aucune sorte les transactions qu'on voudrait nous imposer. Bien au contraire, les reproches les plus mérités que les défenseurs de la Vérité adressent aux hypercri

tiques anglais ou allemands, ce sont précisément leurs attentats contre la critique et la science. Si on me le permet, je vais en citer un exemple.

Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique, nous parle d'un commentaire fait par Papias, évêque d'Hiérapolis et contemporain des Apôtres, sur les λóyıa xupiaxá. Eusèbe qui, seul de tous les écrivains antiques, mentionne cet ouvrage dont il nous a conservé quelques textes, nous apprend que les λóyiα xuρixxx commentés par Papias avec les propres paroles recueillies de la bouche des autres Apôtres, sont purement et simplement l'Évangile de saint Mathieu. C'était dire que saint Mathieu avait vraisemblablement intitulé son Évangile : óya xupizzá, histoire des faits et des paroles du Seigneur. Nous savons en effet que, dans le langage des écrivains sacrés et profanes de cette époque, le mot óya s'emploie pour des faits aussi bien que pour des paroles. Saint Paul (Rom., III) désigne tout le Vieux Testament par τὰ λόγια τοῦ Θεοῦ. Dans l'historien Josèphe τὰ λόγια et τὰ ἱερὰ уpάuuzτz sont une seule et même chose et signifient les Livres saints. Papias lui-même, dans un passage rapporté par Eusèbe, s'explique clairement sur le sens qu'il attache à λόγια κυριακά. Il dit dans ce passage que saint Marc avait écrit diligemment les dires et les gestes du Christ (τὰ ὑπὸ τοῦ Χριστοῦ ἤ λεκθέντα ἤ πραχ ♦évta), mais qu'il ne les avait pas rapportés tous dans leur ordre, parce qu'il les avait écrits comme il les avait entendus de saint Pierre et que saint Pierre avait donné ses doctrines selon l'utilité de ses auditeurs et non (ὥσπερ σύνταξιν τῶν κυριακῶν λογίων ποιούμενος) comme faisant une relation ordonnée des paroles et des faits du Seigneur. Λόγια κυριακά sont par Papias identifies avec λεχθέντα ἤ πрaуfévτα. Ils signifient donc les faits tout comme les paroles.

Or ces faits si concluants pour établir le vrai sens de l'expression λóya xuptaxá sont non avenus pour l'école hypercritique. Ses docteurs ont rencontré quelque part en leurs lectures, dans Eusèbe lui-même ou un de ses compilateurs, les λóyia xupiaxá de Papias s'attachant au sens de cette locution qui est incontestablement le plus obvie : paroles, discours du Seigneur et avant un examen quelconque du contexte et de la littérature du temps, ils ont décrété qu'il fallait admettre, sur le témoignage de Papias, l'existence d'un recueil primitif des discours du Seigneur, dans

lequel avaient puisé ceux qui écrivirent plus tard l'histoire évangélique sous les noms de Mathieu, de Marc et de Luc. Si Eusèbe affirme que l'ouvrage dont Papias a fait le commentaire est l'Évangile de saint Mathieu, c'est qu'il s'est mépris sur le livre de l'évêque d'Hierapolis; si Papias lui-même se sert du mot λóyız pour désigner l'Évangile intégral de saint Marc, c'est, de sa part, un usage abusif de ce mot qui ne peut point signifier des faits; si l'on observe que le silence significatif de toute l'antiquité proteste contre l'existence d'un document qui aurait fait au moins quelque bruit, ils ne veulent rien entendre. Il faut que le livre imaginaire sorti de toutes pièces du cerveau des penseurs d'Allemagne prenne corps dans l'histoire et devienne une réalité. Est-ce assez audacieux ? je le demande. Est-ce assez attentatoire aux règles de la critique et de la science?

Que de pareilles idées aient cours en Allemagne dans le monde rationaliste, je ne m'en étonne guère. La passion de contredire à la tradition partout et toujours les aveugle. Mais qu'elles soient adoptées sans contrôle en France, dans cette terre classique du bon sens, comme des conclusions acquises à la science, c'est une chose, je l'avoue, qui déconcerte ma raison.

Cependant, j'ai sous les yeux un livre renfermant les leçons d'une doctrine transcendante sur les Évangiles faites par un prêtre éminent, érudit et pieux. L'auteur suppose l'existence d'un document primordial (λóyıa xʊpıάxá) qui aurait été une des sources de nos saints Évangiles. Il recherche complaisamment dans les livres divins eux-mêmes les raisons internes qui donneraient à l'Évangile de saint Marc une antériorité d'origine sur celui de saint Mathieu, contrairement à l'affirmation unanime des témoins de la tradition primitive. Il relève dans les Actes des Apôtres et dans les Epîtres de saint Paul les données qui, dans sa pensée, doivent aider à nous faire connaître la part qui revient au grand Apôtre dans la composition de l'Évangile de saint Luc.

Il est permis, je crois, de mettre en doute l'opportunité de ces enseignements manifestement faux en ce qui concerne la collection des discours du Seigneur antérieure aux Évangiles et dont Papias serait le garant, contestables en leurs autres parties, comme toutes les doctrines qui s'appuient presque exclusivement sur la critique interne, beaucoup trop subjective pour n'être pas arbitraire.

La Tradition nous apprend que saint Marc et saint Luc ont puisé la matière de leurs Évangiles dans les enseignements respectifs de saint Pierre et de saint Paul..Saint Luc nous dit qu'il a consulté les livres écrits avant le sien et interrogé les témoins des faits qu'il a racontés afin de connaître l'ordre qui existait entre eux. Saint Mathieu, sauf le contenu des premiers chapitres de son livre, a vu ou entendu tout ce qu'il a écrit. L'EspritSaint s'est emparé de l'intelligence et de la volonté de ces divins écrivains pour leur faire choisir, dans le trésor de leurs connaissances, ce qu'il voulait nous faire savoir. La direction de l'EspritSaint est l'unique explication que nous puissions sûrement donner du fond et des détails de leurs livres. Quant à la question secondaire de la date de composition, les écrivains, les Pères du premier et du second siècle nous apprennent que saint Mathieu a écrit le premier, puis est venu saint Marc et enfin saint Luc. Ils étaient en situation d'avoir vérifié le fait pour le bien connaître avant de nous l'attester. Tenons-nous-en à leur témoignage.

J'ai lu avec étonnement dans la Revue du Clergé français l'observation insistante, répétée dans plusieurs numéros, que l'attribution à saint Mathieu, à saint Marc, à saint Luc et à saint Jean des Évangiles qui portent leur nom, n'est pas une vérité de foi. Quelle est la portée de cette affirmation et quel but l'auteur poursuit-il? Craindrait-il une attaque de la critique rationaliste sur ce côté de la doctrine catholique, et prévoyant que sa science serait en déroute si elle était assaillie sur ce point, chercherait-il à se ménager une retraite pour sauver sa foi vaille que vaille ?

Je lui ferai remarquer que l'Église ne se désintéresse pas, autant qu'il le pense, de la réponse à donner à la question qu'il lui a plu de soulever. Elle a réservé une place à part dans sa liturgie pour honorer les Évangélistes saint Mathieu, saint Marc, saint Luc et saint Jean. Si ces Saints ne sont pas réellement les auteurs des Évangiles qui portent leurs noms, l'Église est en défaut relativement à l'objet même de son culte en ce qui les

concerne.

Le décret scripturaire, que le concile de Trente a solennellement formulé et qui a été renouvelé par celui du Vatican, s'exprime ainsi sur les livres du Nouveau Testament : « Du Nouveau

« 이전계속 »