페이지 이미지
PDF
ePub

LIVRE PREMIER

Nous avons

OUS avons premièrement à défi gner ici l'amant qu'il eft à propos de choisir. Et d'abord je vous dirai: belles amies , prenez-en un qui ne foit ni trop jeune, ni trop vieux, & pour cause. Point d'âge plus heureux que celui des hommes faits & robuftes. Les vieillards font blafés & tout-à-fait ineptes aux doux badinages de l'amour. Imaginez quel tourment c'eft d'aimer des hommes qui vous aiment mal! Quant aux jeunes garçons embellis de la pres mière fleur de l'âge viril, leurs regards font bien tendres fans doute; peut-être ont-ils plus de délicateffe & Idemodeftie mais ils font gauches, fans expérience; un rien va leur causer de l'ombrage. Ils font impatiens & brouil lons. Les petits fots ne favent rien, B vij *

pas étroitement enchaînés par un feul

amour.

Tous, tant que vous êtes ici, jolis minois, vous voyez, par ce que je vous ai dit, que fi les vieillards ont des défauts; les jeunes ont des travers. Il n'y a donc que ceux dont l'efprit eft dans toute fa vigueur qui puiffent vous convenir; ils favent ce que les jeunes ignofent, & font ce que les vieux ne font plus.

Il eft en amour mille douceurs non moins précieufes que celle que la plupart des amans recherchent avec tant de chaleur. Quelles font-elles? les agaceries enjouées; le fouvenir des peines d'autrefois, la douceur de les redire, les éclairciffemens fi chers aux foupçons, les tendres accufations, les pardons plus tendres encore, le plaifir infini de prodiguer fes pensées comme fes careffes, & de fixer ainfi les heures fugitives. Eft-il pour une amante un fentiment

plus délicieux que celui qu'elle éprouve alors qu'elle fent fes pleurs fe mêler à celles de fon amant, couler de fes joues, & defcendre jufqu'à fon fein palpitant? Qu'est-ce en comparaifon que le miel du mont Hibla, le cinnamome d'Arabie, & le nectar même préparé pour les Dieux ? La moindre larme de l'œil que l'on baise, eft de toutes les liqueurs la plus fuave & la mieux parfumée. Que pourroit-on préférer aux magnifiques perles des Indiens, à l'or des Perfes, à toutes les richeffes du monde ? Une larme, oui une feule larme d'amour. Maîtreffe adorée! amante heureuse! je te vois lire dans des yeux aimés, la perfuafion, la langueur, la vive impa tience, & la plainte tout-à-la-fois.

Vous venez d'entendre ce que j'ai dit fur l'âge que doivent avoir les bons & folides amans; & pourquoi ni les jeunes, ni les vieux ne doivent être admis au concours. Refte à vous enfeigner à préfent quelques particularités relatives

au choix que vous devez en faire. Jamais il ne m'a paru convenable d'aimer un homme trop riche. Pourquoi ? C'est que les riches n'échangent point amour pour amour. En l'achetant, ils se croient quittes ; & la trifte facilité qu'ils ont de multiplier leurs conquêtes, fait qu'ils dédaignent de garder la foi jurée à une feule.

Une chofe très-fâcheuse auffi, c'eft d'en aimer un trop beau. Autant de femmes qui le verront, autant de rivales que vous aurez ; & comme vous ferez vivement éprife de fa beauté, la jaloufie vous empêchera de vivre un inftant fans craindre de le perdre.

Il n'eft pas moins dangereux d'avoir un amant d'un rang élevé, & dont la maison foit montée fur un ton faftueux. Les hommes de cette espèce ne peuvent fe livrer à l'amour fans une fuite de valets, d'amis & de témoins étrangers. On les cherche, on les voit, on les espionne beaucoup plus que les autres.

Ajoutez à cela que fouvent ils font fiers & altiers, & qu'ils arrachent à l'amour ce qu'il veut qu'on lui demande.

Ne foyez pas affez imprudentes pour vous attacher à des hommes oififs & pareffeux. Faute d'occupation, ils font de l'amour un exercice, un véritable métier. Vous les entendrez parler fans ceffe de leur coiffure, d'un habit à la mode, de leur livrée. Fuyez ces gens-là, mes enfans, fuyez-les; car affurément ils ne vous aiment point; & fi vous les voyez voltiger fans ceffe autour de vous, ce n'eft pas pour le plaifir de vous fuivre, c'eft uniquement pour tromper leur ennui.

Je ne vous dis pas combien il eft infâme de s'abandonner à des gens de néant, à des journaliers, à des valets; perfuadée qu'aucune de vous n'eft capable de fe rendre l'efclave d'êtres auffi vils. Ces mercenaires abje&s penfent en quelque forte s'annoblir en divulguant les faveurs d'une grande dame; c'eft là

1. Ot.

« 이전계속 »