ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

ce de ses prétentions, qui lui faifoient poursuivre un bien déja occupé par un autre. Elle fit réflexion fur les perfections de Diane, & voyant combien vainement on entreprendroit de lui ôter un cœur qui fe confervoit depuis fi long-tems & parmi tant d'épreuves, elle réfolut de ne chercher plus que dans fa propre force le remede dont elle avoit befoin; de facrifier fon amour à celle de D. Alonfe, & de lui faire voir par fon exemple,que ces ames qu'il appelloit barbares étoient capables de com

battre & de vaincre les plus violentes paffions. Elle ne chercha plus que l'occafion de déclarer fes fentimens à fon Maître ; & le plaifir qu'il prenoit à s'entretenir fouvent avec elle la lui donna un jour qu'il lui lifoit quelques Romances qu'il avoit faits pour Diane, il tomba fur un qui parloit de l'amour & de fon bandeau. Seigneur, lui dit-elle, je vous ai fouvent oui dire que les Poëtes de votre Païs reprefentent l'Amour portant un bandeau fur les yeux'; mais je ne vous en ai point

encore oui dire la raison, & même je ne la puis comprendre ; car il me femble que puisqu'il faut avoir vû ce que l'on aime,pour l'aimer parfaitement, il faut que l'Amour ait des yeux & qu'il s'en ferve. L'Amour a des yeux en effet, répartit D. Alonse, & il s'en fert,mais ce n'eft qu'au travers du bandeau qui les couvre, & qui lui fait voir les chofes tout autrement qu'elles ne font ; car il a la proprieté de diminuer aux yeux les obftacles qu'il faut vaincre ; d'augmenter les plaisirs esperez; de faire

trouver mille fujets de haine dans un rival; de cacher tous les défauts de ce qu'on aime, & de ne laiffer voir que les perfections, & même d'en faire voir qui n'y font pas. Cela fait que les Amans ne trouvent rien de plus accompli que ce qu'ils aiment. Comment vous tenez-vous donc fi affuré du mérite de Diane, reprit Zirita, puifque vous ne le voyez qu'au travers du bandeau que l'Amour que vous avez pour elle, vous met devant les yeux. Je pourrois m'y tromper, Zirita, repartit-il, si je ne

jugeois d'elle que fur le rapport de mes yeux & de mon amour ; mais j'en juges encore fur celui de fa réputation, & de l'eftime qu'elle s'eft acquife & dans l'Espagne & dans ce Paiscy; & cette eftime répond

parfaitement à ce que j'en penfe. La réputation est fouvent trompeuse, repliqua l'Esclave, & pour bien juger de ce qu'on aime, il n'en faut pas juger par les yeux d'autruy, mais par les fiens propres ; & pour en juger par les yeux, il faut arracher ce bandeau dont vous parlez. Une estime

« ÀÌÀü°è¼Ó »