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l'annoncer modeftement, voilà la conduite d'un prudent Auteur,qui, ne pouvant s'empêcher d'être vain fur fon Livre, fe fauve par un mafque adroit de modestie, du ridicule de le paroître.

Eh! bien, oui; je conviens que j'ai tort : j'ai dit trop naturellement ce que je penfois ; je vais donc me masquer.

Or, Lecteur, fçachez donc qu'en vous donnant cette Hiftoire, je n'ai point la vanité de penfer que je vous offre rien de beau; quelques amis, fans doute flatteurs,

m'ont, par , par leurs importunités, obligé de la produire; mais.... Mais finiffez, s'écriera peut-être un chagrin Mifanthropes fi vous fçavez qu'en offrant votre Livre, vous n'offrez rien de beau, pourquoi le produire Des amis flatteurs vous y ont forcé, dites-vous: eh! bien, il falloit rompre avec eux; ce font vos ennemis : ou bien,

puifqu'ils vous preffoient tant, n'aviezvous pas le fecours du feu, qui pouvoit faire évanouir le mauvais fujet de leurs importunités? Belle excufe que ces instances ! Je ne puis fouffrir cette humilité fardée, ce mélange ridicule d'hypocrifie & d'orgueil de prefque tous Meffieurs les Auteurs j'aimerois mieux un fentiment de préfomption déclaré, que les, détours de mauvaise foi.

Et moi, Monfieur le Mifanthrope j'aime mieux faire un Livre fans Préface, que de fuer pour ne contenter perfonne. Sans l'embarraffant deffein de faire cette Préface, j'aurois parlé de mon Livre en termes plus naturels, plus juftes, ni humbles, ni vains : j'aurois dit qu'il y avoit de l'imagination; que je n'ofois décider fi elle étoit bonne ; qu'au refte je m'étois véritablement diverti à le com

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pofer, & que je fouhaitois qu'il divertît auffi les autres mais le deffein de Préface eft venu guinder mon efprit, de maniere que j'ai brifé aux deux écueils ordinaires.

Dieu foit béni, me voilà délivré d'un grand fardeau; & j'avoue que je ris du perfonnage que j'allois faire, fi j'avois été obligé de foutenir ma Préface. Adieu; j'aime mieux mille fois couper court que d'ennuyer par trop de longueur. Paffons à l'Ouvrage.

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ENFIN, mon cher, je vous tiens parole; voici le récit de la petite Hiftoire que je vous avois promife: ce récit fera fidele, & je vous le donne tel que je l'ai entendu faire, & tel que je l'ai fait moi-même; car vous fçavez que j'étois du nombre de ceux qui l'ont récité: mais pour vous mettre encore mieux au fait, & pour donner à ceux qui liront ceci raifon des goûts différents dont cette Histoire sera écrite, je vais commencer par les choses qui l'ont occafionnée.

Je partis de Paris il y a quinze jours, par le carroffe de voiture, pour me rendre à Nemours

où j'avois affaire. Comme je fefois ce petit voyage deux jours après la fin du carnaval, la fatigue des veilles & des plaifirs étoit encore fi récente que je m'endormis dans le carroffe la premiere' matinée, fans avoir eu la curiofité de regarder mes compagnons de voyage: je me réveillai une demi-heure avant d'arriver à la dînée; &, après m'être bien frotté les yeux, m'être étendu entre cuir & chair, bâillé fous ma main trois ou quatre fois, je tirai ma tabatiere de ma poche, pour chaffer par un peu de tabac les reftes importuns de mon affoupiffement. Je la refermois, quand une Dame paffablement belle, ni jeune, ni âgée, mais affez railonnablement l'un & l'autre pour juftifier l'amour où l'indifférence qu'on auroit eue pour elle; quand cette Dame, dis-je, d'un air doux & d'un gefte de main afforti, y puifa une prife de tabac; je lui demandai affez inutilement excufe de ne lui en avoir point préfenté; à peine achevois-je mon compliment, qu'un Cavalier de notre voiture me pria de lui en donner. Celui-ci donna aux autres l'envie d'en prendre auffi ; chacun puifa:' notre cocher qui marchoit auprès de la portiere, avança fa main pour en recevoir; le poftillon le fuivit; de forte qu'à mon réveil je régalai tous les nez de la voiture, Le tabac, comme on fçait,

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