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idées ordinaires ; il a mérité qu'on s'emportât pour lui jufqu'au faux. Nous y voilà; le nom de Divin eft donc comme une débauche d'efprit une folie fpirituelle qu'on a faite pour lui. Peut-être pourroit-on vous prouver que cette folie, excufable dans les premiers temps, eft dans le nôtre une extravagance fans fujet. Mais quoi qu'il en foit, c'étoit un homme que cet Homere; toutes les perfonnes fenfées en conviennent. Ah! Meffieurs

faites donc grâce à un homme qui, du merveilleux, du fublime & de l'héroïque d'Homere, a fait fes efforts pour en tirer du comique! Quel tort lui fais-je ? Ses Héros resteront admirables chez lui, pendant que ceux que je lui fubftitue feront

rifibles chez moi.

Mais, profane que vous êtes, me direz-vous, c'eft fur ces Héros que vous avez imaginé vos monftres ce n'eft pas ainsi qu'en a agi le grand - homme qui n'a pas dédaigné de tirer des portraits

de la fageffe & de l'héroïsme d'après les modeles que lui fourniffoit notre Homere. A cela je réponds que chacun a fa maniere de tourner les chofes, & que toutes les manieres font également louables, auffitôt qu'elles font également instructives. Ce difcours vous furprend ; votre efprit irrité n'a garde de foupçonner de l'utile dans un renversement épouvantable des caracteres que vous admirez : voici cependant la premiere inftruction qu'il vous offre.

Vous y connoîtrez le néant d'une grandeur profane & la facilité qu'il y a de donner une face rifible à des chofes qui, malgré l'impofteur & le brillant afpect avec lequel on vous le repréfentoit ont pour principes le ridicule le plus groffier & le plus méprifable, qui eft la vanité. Cette découverte vous conduira infenfiblement à avouer que dans le fond le mépris eft justement dû à des Héros dont les vertus ne font, à vrai dire, que

des vices facrifiés à l'orgueil de n'avoir que des paffions eftimables. Admirezdonc des hommes qui courent à la vertu, non par l'envie de la fuivre, mais pour attraper l'admiration qui l'accompagne.

Je vous mets fur les voies des réflexions; c'en eft affez. Je ne dirai rien d'Homere ni de l'énorme opinion qu'on en a conçue. Son efprit & fes connoiffances avoient fi peu de proportion avec ce que l'on étoit capable de fçavoir & d'imaginer de fon temps, que je ne fuis pas furpris de l'eftime prodigieufe qu'on en a fait alors. Quelques fiecles fuivants font encore excufables de l'avoir comme adoré ; l'esprit, accrû d'idées que le progrès des temps & quelques expériences de plus avoient développées étoit agréablement flatté du plaifir d'en deviner de nouvelles, & qu'occafionnoit encore la hauteur de celle d'Homere. L'eftime qu'on eut alors lui, fut un pré

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fent que lui fit l'amour - propre, échange de la fatisfaction qu'il lui donnoit mais à préfent qu'on a prefque épuifé tous les tréfors de l'efprit & de l'imagination, feroit-il feulement raifonnable, je ne dis pas de méprifer mais de comparer nos richesses, au petit gain de celles que firent les temps. d'Homere. Par fes Ouvrages ils ont eu droit d'être frappés de leurs richeffes; mais elles ne font qu'une légere portion des nôtres ; encore a-t-il fallu fe donner bien de la peine pour les mettre en état de s'en fervir. Mais brisons là-deffus. Ce feroit trop de crimes à la fois, qu'une Préface qui apprécieroit Homere à fa jufte valeur, & un Livre qui démafque fes Héros.

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TÉLÉMAQUE

TRAVESTİ

LIVRE PREMIER.

IL arrive des chofes fi comiques dans le monde, qu'il en eft qui, quoique vraies, ont de la peine à fe faire croire; & ceux qui, de la fingularité d'un fait extravagant, tirent des raifons d'impoffibilité, ne connoiffent apparemment pas les hommes. Leur imagination eft féconde en tant de folies, leur efprit fe tourne fi aisément de ce côté-là, qu'il n'est point d'histoire, pour

Tome XII.

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