ville que nous quittions. Je lui dis: Eh, fi! c'eft comme un cloaque de méchanceté, j'ai pensé y étouffer. L'aimable enfant ! répondit-il ; voilà des fentiments d'un honnête-homme; courage, mon fils haïffez toujours l'ordure. Là-deffus il s'entretenoit toujours avec Phocion, d'une certaine indifférence qui fait que tous les plus beaux vifages des femmes ne font que charogne; il difoit que, quand la peau qui couvroit leur beauté n'y étoit plus, il n'y restoit que de la chair & des os. Enfuite ils parloient de la tranquilité de celui qui ne fouhaite rien quand il n'a pas de vin, ajoutoient-ils, il boit de l'eau ; quand l'eau lui manque, il ne boit rien; il est bien par tout, couché, levé, dans un foffé, à la pluie, fous un arbre: le defir des femmes ne le tenaille point; il les voit comme de petits diablotins répandus dans le monde pour faire détourner les Chrétiens de leur chemin; ils touchoient encore quelque chofe du plaifir que l'on fentoit, quand on vivoit (elon l'honneur. Ils difoient qu'on fe levoit fain d'efprit, & que l'on fe couchoit raisonnable, Tous ces difcours me paroiffoient beaux, parce que fouvent je n'y comprenois rien. Pendant qu'ils discouroient ainsi, & que notre bateau voguoit fur l'eau, nous vîmes à cinquante pas de nous une petite cabane remplie d'hommes & de femmes, qui s'en-alloient apparemment à la ville; ils tenoient ensemble une musique groffè & menue; l'un chantoit, l'autre racloit du violon: mais rien ne me parut plus curieux qu'une groffe Dame en corfet, qui tenoit en fa main un cornet de papier, dont, en badinant, elle donnoit des coups, tantôt fur le nez de l'un, tantôt fur le dos de l'autre; elle tenoit fa partie en criant de toutes fes forces: deux hommes éclairoient le charivari de deux flambeaux, & en laiffoient dégoutter le fuif fur le chignon des Muficiens. De temps en temps ils s'arrêtoient, & crioient après tous ensemble; ils furent bien-tôt éloignés de nous, & nous continuâmes à leur tourner le dos. On ne fçait pas quels furent les motifs qui engagerent M. de Marivaux à difcontinuer cet Ou vrage. Il n'a jamais donné que ces trois Livres. APPROBATION.. J'AI lu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, les Œuvres complettes de M. de Marivaux, de l'Académie Françoife; & je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru en empêcher l'impreffion. A Paris, ce 12 Avril 1781. Signé, BLIN DE SAINMORE. PRIVILEGE DU ROI. LOUIS, PAR LA GRACE DE DIEU, Roi de France & de Navarre: A nos Amés & Féaux Confeillers, les Gens tenants nos Cours de Parlement, Maitres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand-Confeil, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs Lieutenants Civils, & autres nos Jufticiers qu'il appartiendra: SALUT. Notre amée la Veuve DUCHESNE, Libraire à Paris, Nous a fait expofer qu'elle defireroit faire imprimer & donner au Public, les Œuvres complettes de Marivaux, de l'Académie Françoife: s'il Nous plaifoit lui accorder nos Lettres de Privilége pour ce néceffaires. A ces caufes, voulant favorablement traiter l'Expofante, Nous lui avons permis & permettons par ces Préfentes, de faire imprimer lefdits Ouvrages autant de fois que bon lui femblera, & de les vendre, faire vendre & débiter par tout notre Royaume, pendant le |