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il nous

de Baudricourt qu'il s'agit, au théâtre des Variétés! Nous l'avons revu, a été rendu durant une soirée entière! Il a daigné quitter son château pour nous apparaître une fois encore! il nous a été permis de contempler encore une fois ce charmant sourire et ce visage auguste. Odry a reparu sur la scène des Variétés dans le rôle de Bilboquet.

Après cette grande nouvelle, quelle nouvelle vous apprendre, sinon celle-ci peut-être plus merveilleuse encore? Ce soir, au Théâtre-Français, Arbogaste, de M. Viennet. Il ne reste plus qu'à tirer l'échelle.

- Le roman que vient de publier Mme Louise Colet sous le titre de la Jeunesse de Mirabeau se distingue tout à la fois par une exécution habile et par la vérité soutenue des portraits. C'est une mine féconde et trop peu exploitée que l'étude des existences les plus grandes par l'action ou la pensée, contemplées dans les parties romanesques qui n'y manquent jamais, dans la fougue de la jeunesse, dans les triomphes de la maturité ou les mornes abattemens du déclin. Il y a là plus d'un filon précieux, plus d'une riche veine, d'où jailliraient, entre des mains patientes, l'or et le diamant. Ce genre d'étude, où la critique et l'imagination peuvent se confondre, conviendrait d'ailleurs particulièrement à notre époque, portée presque invinciblement à révéler son génie critique même dans les œuvres où ne devraient intervenir que le sentiment ou la fantaisie. Le sujet choisi par Mme Colet ne manque pas, on le voit, indépendamment de l'intérêt sérieux qu'éveille le nom du héros, d'une certaine opportunité, qui s'explique par nos tendances littéraires. C'est un pas heureux fait dans une route où nos romanciers et nos poètes s'essaient trop rarement, et où s'offriraient à bien des inspirations inquiètes ou épuisées des ressources de renouvellement ignorées et des trésors inattendus.

Mme Colet a suivi la donnée historique avec une fidélité complète. Le nom de roman que nous avons donné à son livre ne peut se justifier que par le soin particulier qui a présidé à la disposition des faits et la forme du récit plus pittoresque et plus vive qu'il ne convient à l'histoire. Assurément, ce respect des faits, cette sobriété dans les ornemens ajoutés à la trame riche et sombre à la fois de la réalité, révèlent chez l'auteur un goût sévère. Pourtant, il y avait un écueil à prévoir. L'écrivain devait craindre de tomber dans la froideur et la sécheresse, ou bien de passer d'un genre à l'autre et de s'égarer en pleine histoire. La ligne à suivre était étroite, et il fallait quelque effort pour s'y tenir. Mme Colet a su heureusement éviter cet écueil. Il y a, dans les figures qu'elle met en scène et qu'elle trace d'après l'histoire, le relief, la vie nécessaire pour que le lecteur subisse l'illusion romanesque dans toute sa plénitude. Le but que se proposait l'auteur est donc atteint; les exigences de l'histoire et celles du roman sont parfaitement conciliées.

Ce qui nous plaît dans la figure de Mirabeau, telle que l'a tracée Mme Colet, c'est surtout la simplicité, la vérité du dessin. Il est difficile pour le romancier qui met en scène un personnage comme celui-là de se défendre d'une certaine émotion, d'une chaleur enthousiaste, qui l'entraînent à substituer le lyrisme au récit, le rêve à la réalité. Mme Colet n'a ni exagéré ni amoindri les grandes proportions de la figure de Mirabeau; elle a indiqué sans affectation le tribun

de la constituante dans le prisonnier du château d'If et du fort de Joux. Elle ne s'est pas laissée aller aux digressions éclatantes dont l'occasion lui était si naturellement offerte. Ce n'est pas le solennel personnage de l'histoire qu'elle avait à peindre; c'est le jeune gentilhomme aux passions fougueuses, noble jusque dans ses écarts, et luttant contre l'oppression paternelle avec une colère mêlée de respect. Les figures qui se groupent autour de celle-là sont indiquées avec énergie et précision. Les caractères du marquis de Mirabeau, du bailli, de la jeune comtesse, méritent d'être cités particulièrement.

Quant à l'action qui unit ces divers personnages, le respect de l'histoire s'opposait à ce qu'elle offrît une rigoureuse unité. Au point de vue purement romanesque, le livre ne devrait commencer qu'avec le mariage de Mirabeau. Le tableau de cette union douloureuse, des fautes de la comtesse, des égaremens et des malheurs de Mirabeau, aurait suffi largement au romancier. Mme Colet ne s'est pas enfermée dans ces limites; elle a sacrifié l'unité romanesque à l'exactitude historique. Le fait qui domine tous les autres dans son récit n'est pas l'union malheureuse de Mirabeau; c'est la lutte contre l'autorité paternelle; c'est l'oppression implacable sous laquelle cette forte nature se débat en vain. L'attention est ainsi ramenée sans cesse vers l'heure de la délivrance, vers le jour où éclateront à la tribune toutes les tempêtes amassées sous les voûtes des donjons d'If et de Vincennes. Cette heure, ce jour suprême forment au livre de Mme Colet un noble et grave dénouement.

On pourrait regretter que Mme Colet n'ait pas développé davantage cette donnée féconde. Il y avait, nous le savons, une certaine difficulté à étendre 'les proportions de son œuvre sans s'écarter un peu du respect qu'on doit à l'histoire. C'est là le motif qui a sans doute décidé Mme Colet à condenser autant son récit. Nous apprécions ce motif, mais nous aurions désiré qu'au prix de quelques efforts, elle cherchât à triompher de l'obstacle que nous signalons. Une fois décidée à se passer de l'unité romanesque, elle trouvait dans les premières années de Mirabeau matière à une plus ample et plus calme narration. Le développement du caractère de Mirabeau, dans cette période de sa vie si pleine de luttes douloureuses, pouvait être le thème d'une longue et patiente analyse, où chaque phase de cette jeunesse fougueuse aurait été étudiée spécialement et restituée avec amour. L'étude des détails a été sacrifiée, dans la Jeunesse de Mirabeau, à la contemplation des lignes principales. Nous eussions préféré le procédé contraire. Mais l'intention de Mme Colet n'a été évidemment que de tracer une sobre et vigoureuse esquisse. C'est d'après cette intention qu'il faut juger son œuvre, et on ne peut nier que le but poursuivi par l'auteur n'ait été atteint. A part la scène du château du Tholonet, tout, dans la Jeunesse de Mirabeau, témoigne d'une application savante des procédés de la condensation, et le lecteur le plus sévère ne pourrait noter, nous le croyons, beaucoup de pages inutiles dans ce roman. C'est donc un regret, non un blâme, que nous exprimerons en finissant.

F. BONNAIRE.

UN ROMAN

SUR

LES BORDS DU LIGNON.

I.

En 1672, Mme Deshoulières, déjà surnommée la dixième muse, quitta les prés fleuris des bords de la Seine pour aller, disait-elle, rejoindre M. Deshoulières. M. Deshoulières était en Guyenne, présidant aux fortifications sous les ordres de Louvois; Mme Deshoulières、、 alla en Dauphiné. Aussi, durant trois belles années, ils firent très bon ménage. Mme Deshoulières, en dépit de ses trente-huit ans, était célèbre par sa beauté; elle était jeune encore par la grace, par l'esprit et par le cœur. Elle laissait sur son chemin des Céladons sans nombre; mais, heureusement pour M. Deshoulières, tout finissait par -des moutons.

Miles Deshoulières, Madeleine et Bribri, étaient de très jolies filles de dix-sept à dix-huit ans, bercées dans les innocentes bergeries de leur mère; elles croyaient à toute la poésie que les rimes bucoliques accordent à la campagne; elles s'imaginaient voir dans leur voyage des pasteurs jouant de la cornemuse à tout bout de champ, des danses de bergères et de naïades sur les verdoyans rivages. Elles dé

TOME XXXV. NOVEMBRE.

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barquèrent toutes les trois sur les bords du Lignon, en avril, au château de Mme d'Urtis. La saison, quoique un peu pluvieuse, avait des matinées magnifiques. Aussi nos voyageuses se levaient de bonne heure pour fouler ce gazon encore ému des pas d'Astrée, cette source limpide, miroir de la bergère, ces bocages tout retentissans des plaintes de Céladon. Durant une des premières promenades, Madeleine Deshoulières, impatiente de voir quelqu'un des tableaux décrits par sa mère, lui demanda ingénuement si elles ne rencontreraient pas une seule bergère sur les rives du Lignon. Mme Deshoulières voyait depuis un instant un pâtre et une vachère qui jouaient au jeu divertissant du pied de bœuf; elle cherchait à peindre ce joli tableau; aussi répondit-elle à Madeleine par ces vers:

Voyez là-bas, sur un lit de verdure,

La bergère qui joue aux pieds de son berger
Sans craindre le danger.

Bras nus, pied fait au tour, qui les regards attire,
Cheveux moitié flottans et moitié renoués,

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Habit léger dont se seraient joués

L'amant de Flore ou le satyre.

Cependant les promeneuses s'étaient approchées de la bergère en question. On a bien raison de dire, murmura Madeleine, que les tableaux de la nature sont plus beaux dans le lointain. Est-il jamais croyable que c'est là une bergère, une bergère du Lignon?

La vachère était tout simplement une pauvre petite paysanne mat peignée et mal tournée, avec des mains fabuleusement épatées, des yeux clignottans, une bouche sans fin. Le berger était digne de s répondre à la bergère; pourtant il y avait sur sa figure rondelette je & ne sais quoi de naïf et d'heureux, la bêtise épanouie, qui faisait plaisir à des yeux parisiens. Mme Deshoulières, qui voyait toujours.co par le prisme d'Honoré d'Urfé, poursuivait poétiquement son tableau:

Les oiseaux d'alentour célébraient ses appas.

Ni le naissant émail d'une jeune prairie...

Le métier que vous faites là est bien gentil, n'est-ce pas, mon enfant? dit Madeleine à la petite paysanne.

-Oh! que nenni, ma belle demoiselle, je ne gagne pas l'eau que je bois; et puis, le soir, j'ai encore des coups de bâton par dessus le marché...

Et vous? reprit Madeleine en se tournant vers le pâtre, qui s'éloignait tout rougissant.

Pour moi, dit-il en bégayant un peu, c'est une autre affaire; Jiuje suis nourri et logé; mais je mange du pain noir et je couche à la belle étoile.

--II n'est pas trop bête, dit Bribri. Où sont donc les moutons?

Il n'y a plus de troupeau, dit le jeune pâtre.

Quoi! dit Madeleine avec dépit et avec chagrin, je ne verrai pas les jolis agneaux bêlans et bondissans sur les rives du Lignon? O Céladon, que va dire ton ombre?

En sa qualité de poète bucolique, Mme Deshoulières se gardait usbien de regarder et d'entendre. Elle ne voyait que les amours d'Astrée, elle n'entendait que les chansons imaginaires du vieux roman. De retour au château, Madeleine et Bribri se plaignirent de n'avoir pas vu de troupeau ni de bergère.

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Est-ce que vous y tenez? dit Mme d'Urtis en souriant.

Beaucoup, dit Bribri; nous espérions vivre ici de la vie des bergères; j'ai apporté tout l'attirail champêtre.

Moi, dit Madeleine, j'ai là vingt aunes de ruban rose et vingt aunes de ruban bleu pour orner ma houlette et mes brebis.

Eh bien! mes belles blondes, il y a une douzaine de moutons broutant au bout du parc; prenez avec eux la clé des champs, allez les conduire sous les aulnes du grand pré.

Madeleine et Bribri bondirent de joie pendant que leur mère cherchait péniblement une rime, sans songer à l'églogue qui se préparait. Elles prirent à peine le temps de déjeuner. «Elles s'attifèrent coquettement, écrivait Mme Deshoulières à Mascaron; elles coupèrent elles-mêmes une houlette dans le parc, elles l'enjolivèrent de rubans. *Madeleine fut pour le ruban bleu, Bribri pour le ruban rose. Oh! les gentilles bergerettes! Elles passèrent plus d'une heure à chercher un nom qui leur plût; enfin, Madeleine fut pour Amaranthe, Bribri pour Daphné. C'est un nouveau baptême où l'on s'est bien passé de vous. Je viens de les voir au travers des arbres, qui glissaient légèrement le long du ruisseau d'amour. Pauvres bergerettes, prenez bien garde ✓ aux loups. >>

Ainsi donc, dès l'après-midi du jour même, Madeleine et Bribri, c'est-à-dire Amaranthe 'et Daphné, en jupes de soie grise, en corset de satin, cheveux bouclés à l'aventure, houlette à la main, conduisaient dans les prés les douze moutons du château d'Urtis. Le troupeau, qui avait grand faim ce jour-là, fut très capricieux et très

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