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POÉSIE.

LA COURONNE D'ÉPINES.

Quand le poète passe en l'avril de sa vie

Il cueille avec l'amour les fleurs de son chemin: La grappe du lilas, l'étoile du jasmin,

Les doux myosotis dont son ame est ravie;

Tantôt c'est pour Nina, tantôt c'est pour Sylvie,
Pour orner le corsage ou pour fleurir la main;
Souvenir de la veille, espoir du lendemain,
O poètes, cueillez, le ciel vous y convie!

Cueillez, car ces fleurs-là sont les illusions.
Enfans bénis, suivez vos blanches visions,
Dans le jardin d'avril, sous les splendeurs divines.

Quand vous aurez flétri la couronne de fleurs,
Ne vous étonnez pas de répandre des pleurs,
Car vous aurez au front la couronne d'épines.

LE RUISSEAU D'AMOUR.

Perdu dans quelque songe aimé,
Ecoutant mon cœur en silence,
Je suivais avec indolence

Le clair ruisseau tout embaumé.

Les fleurs y penchaient leurs calices,
Les saules leurs cheveux flottans,
Et les papillons inconstans

Y venaient boire avec délices.

Aux tendres chansons des oiseaux,
Les sylvains y trempaient leurs ailes,
En poursuivant les demoiselles,
Qui se cachaient dans les roseaux.

J'entendis un plus gai ramage,
Qui m'annonçait un doux tableau;
Bientôt, dans le miroir de l'eau,
Je vis apparaître une image.

C'était la reine de mon cœur,
Cécile la belle ingénue
Sur l'autre rive était venue
Avec un sourire moqueur.

-Pourquoi venir par là, coquette?
Je vais m'embarquer sur ce flot;
Avec l'Amour pour matelot,
Je suis bien sûr de ta conquête.

Mais elle, me tendant la main,
-Ah! ne viens pas sur cette rive,
Si tu passes, quoi qu'il arrive,
N'y passerai-je pas demain?

શું.

LA ROSE DE BENGALE.

Dans ma jeunesse évanouie,
Je voyais sur chaque chemin
Plus d'une rose épanouie

Qui semblait sourire à ma main.

Bien souvent, hélas! au passage
J'ai senti mon cœur tressaillir;
Mais, craignant l'épine, en vrai sage,
Je passais toujours sans cueillir.

Auprès d'une Diane en marbre
Une rose m'arrête enfin,

Plus douce que le fruit de l'arbre
Quand notre mère Ève eut si faim!

Cette rose n'a point d'égale
Pour l'éclat et pour la fraîcheur,
Mais c'est la rose de Bengale:
Ah! plaignez le pauvre pécheur!

ARSENE HOUSSAYE.

Critique Littéraire.

LE DOCTEUR HERBEAU,
PAR M. JULES SANDEAU (1).

Les deux romans qu'a publiés M. Jules Sandeau avant le Docteur Herbeau se distinguent par une qualité devenue trop rare : il y a dans Madame de Sommerville et dans Marianna tout le charme des œuvres sincères, de, celles où l'écrivain révèle avec une entière franchise ses sentimens et ses pensées. C'est encore le mérite de la sincérité que présente, à notre avis, le Docteur Herbeau. Le renouvellement de manière dont ce roman est le témoignage n'est pas le résultat d'une décision réfléchie. M. Sandeau, en écrivant un livre ironique après une œuvre passionnée, n'a pas obéi certainement à ce désir quelque peu frivole qui porte l'artiste, doué d'un bel instrument, à en essayer capricieusement toutes les cordes; il a cédé au besoin d'épancher des impressions qu'il avait ressenties. Si sa raillerie indulgente nous charme, si le personnage dont il nous raconte les naïfs chagrins excite en nous un intérêt sympathique, c'est que l'écrivain éprouve réellement pour son héros cette douce affection que tous les vrais romanciers ont dû ressentir pour les idéales créations de leur esprit; c'est que le sourire mêlé de tristesse qu'il voudrait provoquer chez son lecteur, M. Sandeau l'a sur les lèvres au moment où il écrit.

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Aujourd'hui moins que jamais, il arrive aux écrivains de créer des figures auxquelles ils s'intéressent vivement, et dont ils tracent les contours d'une main guidée par l'amour ou la colère. On cherche en vain dans la plupart

(1) Deux vol. in-8°; chez Gosselin.

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des romans nouveaux quels sont, parmi les nombreux personnages qu'on y voit se presser, ceux que l'écrivain aime ou hait sérieusement. On ne trouve que des personnages nés d'un caprice frivole, d'une boutade insignifiante, ou du vulgaire désir d'amuser l'insatiable ennui de la foule. M. Sandeau est au contraire animé, quand il conçoit un personnage, d'une sympathie ou d'une répulsion profondes. Il y a, dans les pages qu'il consacre aux divers acteurs de son roman, un accent de franchise qui charme et qui émeut. C'est là un mérite précieux, nous le répétons, et sans lequel peut-être un romancier n'est pas complet. Que d'exemples on pourrait citer de ces sympathies et de ces haines sincères pour les types qu'ils ont créés, chez les rares et puissans esprits auxquels le roman doit des modèles impérissables! Quand Richardson place dans la bouche de Clarisse d'ardentes imprécations contre Lovelace, n'est-ce pas le cœur même du romancier qui soulage en ces nobles plaintes sa généreuse colère! Qui voudrait nier le plaisir sérieux de Fielding prodiguant à son Tom Jones ces trésors d'aimable humeur et de joyeuse audace qui le rendent si charmant! Et qui douterait enfin de la tristesse sympathique avec laquelle Goethe contemplait dans ses rêves les pâles figures de Claire et de Mignon! Notre époque oublie trop ces exemples, qui protestent éloquemment contre la plupart des succès qu'ont obtenus parmi nous d'insoucians conteurs, uniquement parce qu'ils savaient distraire un public frivole. M. Sandeau comprend d'un point de vue plus élevé les exigences de l'art, et il importe, avant d'examiner son dernier roman, de le classer parmi ces productions, devenues trop rares, où l'invention s'est appuyée sur le sentiment et la patience.

Quatre personnages jouent les principaux rôles dans le roman de M. Sandeau le docteur Herbeau, Louise, Savenay, Riquemont. L'examen de ces quatre figures, que le romancier a tracées avec une attention particulière, nous amènera naturellement à parler de l'action qui les unit.

Appeler l'intérêt sur un de ces vieillards doux et sourians, derniers débris d'une société disparue, et pour cela placer dans son cœur un amour abusé, puis accumuler sur sa tête mille de ces petits revers que la vie de province transforme si aisément en immenses douleurs, telle est l'intention que nous voyons accomplie dans le personnage du docteur Herbeau. L'impression trop soutenue du rire ou des larmes était l'écueil à éviter en une telle création. Que l'on s'amusât du vieux docteur comme d'une folle caricature, ou qu'on n'éprouvât pour lui qu'une compassion douloureuse, l'intention première était manquée. M. Sandeau a su heureusement réaliser avec une netteté parfaite la figure demi-triste et demi-souriante qu'il avait rêvée. Les qualités aimables du docteur, ses ridicules, ses douleurs, ses naïfs espoirs composent un de ces types que la fantaisie anglaise excelle à dessiner, une de ces physionomies sympathiques dans leurs travers mêmes, et dont le plus fin crayon peut seul tracer les contours. C'est par leur faiblesse que de tels personnages excitent notre intérêt. On les suit au milieu des natures malignes et brutales que le sort groupe autour d'eux, avec une curiosité mélancolique. Le sourire

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