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Malheureux! Chez Daphné je l'introduis moi-même

Cher Alcipe à mes pleurs, à mon dépit extrême, Tu devines le refte... O Sort; O fort affreux! J'ignore fi Damon auprès d'elle est heureux, Mais Damon dès ce jour me fuit, Daphné m'évite. Je ne puis aprocher du Hameau qu'elle habite, Doris, qui de Damon meritoit les ardeurs, Eclate en vains regrets, & tu vois que je meurs. ALCIPE.

Berger, je plains les maux qui dévorent ton âme, Je condamne un Amy d'avoir trahi ta flâme: Mais ne vante jamais ta Belle aux yeux d'autrui, Le Confident d'hier, eft Rival aujourd'huy.

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E CLOGUE XVI.

ON, hon tu n'iras point, laiffe à d'au tres Bergers,

Cher Damete, effuyer de femblables dangers:

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Ils ne font pas Amans, ou peut-être leur Belles
Ne fentent pas pour eux des frayeurs fi cruelles.
Ce Monftre qu'on pourfuit, ce Sanglier affreux,
Pour déchirer ton cœur, t'iroft choifir entr'eux.
Croy-moy, quitte ces Dards, prend pitié de mes larmes,
La Houlette, un Hautbois, voilà tes feules armes :
L'une pour affembler tes Troupeaux vers les miens,
L'autre pour celebrer nos aimables Liens.

Je fçai qu'à mes defirs ton courage s'opole,
Mais ta vie eft à moi, fouffre que j'en difpofe,
Ou plûtôt c'est la mienne : en tes mains est mon Sort.
Helas! Rifquer tes jours, c'est me donner la mort,
Que dis-je! cette mort je l'ay déja fentie,

Par un Songe effrayant les Dieux m'ont avertie.

I

Quoy! Par des Songes vains mes vœux feroient trahis, Et je perdrois l'honneur de fauver mon païs ? Je croyois qu'à vos yeux ma gloire étoit plus chere, Dit Damete, & l'Amant de quelqu'autre Bergere A vos regards, aux miens, remporteroit le Prix, Que dans un Songe auffi les Dieux m'avoient promis! Ah Philis! fans rougir pourrez-vous voir la Fête Qu'à son Liberateur notre Arcadie aprête? Eh! quels honneurs jamais feront plus glorieux ? Jugez par le péril qui menace ces lieux. On fçait combien ce Monftre a caufé de ravage: De vos propres Troupeaux rapellez le carnage. Dans nos Cabanes même il s'eft fouvent jetté. Que fçai-je ? à peine ici vous crois-je en fureré. Nos Bergers vont partir: Je vois naître l'Aurore. Ils combatront pour vous: Et moy qui vous adore, Moi qui devois partir, & marcher le premier, Ou je n'y ferai point, ou ferai le dernier.

Philis répand des pleurs, c'eft-là tout fon langage. Damete s'éloignoit, lorfqu'à travers l'ombrage

Le Sanglier paroît, aproche furieux.

Philis palit, le jour se dérobe à ses yeux.

Elle tombe, il avance, & ne menace qu'elle.
Damete, Amour lui donne une force nouvelle,
Damete lance un Dard; mais plus durs que l'airain,
Les flancs du Sanglier le repouffent foudain.
Le Dard vole en éclats: lui d'une main plus fûre
En fait partir un autre: une large bleffure
Loin d'abatre le Monftre, excite fa fureur.

Il court droit au Berger, dont l'adreffe & l'ardeur
Eclatoient tour-à-tour fans triompher encore.
Damete, en regardant la Beauté qu'il adore,
Sûr de vaincre ou mourir, perce le Monftre au flanc,
Il tombe, & couvre enfin la terre de fon fang.

Les Bergers, arrivez affez tôt pour fa gloire,
Elevent jusqu'au Ciel fa force & sa victoire.
Lui feul court à Philis, à qui leurs cris perçans.
Rendoient à peine encor l'ufage de fes lens.
Le péril eft paffé, Philis, Philis l'ignore:
Damete eft à ses pieds, elle le cherche encore.

L'Amour, s'écria-t'il, a feul conduit mes coups.

Philis, fi j'ay vainçu ce n'étoit que par vous.
Bergers, qu'à fes beaux yeux votre homage s'adreffe.
Damete eft trop heureux, il fauve fa Maîtreffe.

Il dit. Philis refpire après tant de dangers.
Ce beau Couple d'Amans, conduit par les Bergers,
Rentre dans le Hameau. La Flute & la Musette
Font retentir les noms de Philis, de Damete.
De Roses & de Lis on féme leur chemin;

Premices des honneurs prêts pour le lendemain.

V-LS

ECLOGUE

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