페이지 이미지
PDF
ePub

PERSONNAGES.

DEUX OMBRES.
CARON.

LE POÈTE.

PLUTON.

RADAMANTE.

MINOS.

MOLIÈRE, poëte comique.

LA PRÉCIEUSE de la comédie des Précieuses.

LE MARQUIS DE MASCARILLE, de la même comédie.
LE COCU, du Cocu imaginaire.

NICOLE, du Bourgeois gentilhomme.

POURCEAUGNAC, de la comédie de Pourceaugnac.
Madame JOURDAIN, du Bourgeois gentilhomme.
QUATRE MÉDECINS de la comédie des Médecins '.
L'ENVIE.

La scène est dans les Champs Elysées.

'Par la Comédie des médecins, Brécourt entend l'Amour médecin, plutot que le Médecin malgré lui, ou le Malade imaginaire. C'est en effet dans cette petite piece que Molière osa mettre en scène et jouer devant le roi lui-même, les quatre premiers mé 'ecins de la cour, Desfougerais, Esprit, Guénaut et Daquin, sous les noms grecs de Desfonan rès, Babis, Macroton et Tomės, dont chacun était une raillerie transparente. (V. surtout acte II, sc. 2, 3, 4; acte III, sc. 1.)

A SON ALTESSE SÉRÉNISSIME

MONSEIGNEUR LE DUC D'ENGUIEN 1.

MONSEIGNEUR,

Voicy l'ombre de MOLIÈRE : c'est une comédie dont le bonheur sera parfait, si VOSTRE ALTESSE SÉRÉNISSIME l'honore du moindre coup d'œil. Sans l'autorité que me donne un long usage 2, je ne hazarderois pas de mettre vostre illustre nom à la teste d'un livre, lorsqu'il va si glorieusement éclater à la teste des armées. Alexandre mettoit Homère sous son chevet, Scipion et Lélie honorèrent Térence de leur estime; mais sans le secours de ces exemples, il suffit de celuy de VOSTRE ALTESSE SERENISSIME pour justifier que les armes et les lettres n'ont rien d'incompatible, et que le cabinet et le camp peuvent estre amis. Souffrez donc, MONSEIGNEUR, que les œuvres de MOLIÈRE tiennent quelque rang dans vostre bibliothèque, et que ma comédie soit une espèce de table pour les siennes.

De VOSTRE ALTESSE SERENISSIME,

MONSEIGNEUR,

Le très-humble et très-obéissant serviteur,

BRÉCOURT.

'Il est curieux de voir Brécourt dédier son apologie de Moliere à ce duc d'Enghien auquel Boursault avait dédié sa diatribe contre le même poëte. Dans l'intervalle le duc d'Enghien avait eu tout le temps de venir à résipiscence, et du reste la mort de Molière avait désarmé beaucoup de ses ennemis. Cette dédicace de Brécourt, en regard de celle de Boursault, peut être considérée comme une amende honorable du duc d'Enghien à la mémoire de Molière.

2 Brécourt avait déjà dédié au même la Noce de village et le Jaloux invisible.

!

PROLOGUE

DE

L'OMBRE DE MOLIÈRE.

ORONTE, CLÉANTE.

ORONTE. Point, vous dis-je ; c'est une raillerie qu'on vous a faite de moy

CLEANTE. Je vous dis que je suis seur de la chose.

ORONTE. C'est quelqu'un qui a voulu se divertir à mes dépens, vous dis-je.

CLEANTE. Ah! que vous estes réservé!

ORONTE. Mais que vous estes folâtre avec vostre comédie ! C'est bien à

moy à entreprendre de ces ouvrages? Non, non, Cléante, je me connois; et si, parmi mes amis, je me laisse aller à produire quelque épigramme, quelque madrigal, ou de semblables bagatelles, croyez que cela ne m'a point donné assez bonne opinion de moy pour entreprendre un ouvrage que l'on puisse appeler comédie. C'est un pas, à la vérité, que presque tous les gens franchissent aisément; et il semble qu'il suffise d'avoir fait, àr plusieurs reprises, une certaine quantité de médiocres ou de méchans vers pour se donner avec beaucoup d'impunité le nom d'autheur; et sous ce titre on hazarde librement un assemblage de caractères bien ou mal fondés, d'incidens amenés à force, et de galimatias redoublés, que l'on baptise effrontément du nom de comédie. Voilà par où plusieurs honnestes gens ont échoué dans le monde; et sur leur exemple je ne hasarderay point, mon cher Cléante, de perdre un peu d'estime que d'autres talens que la poésie m'ont acquise. Quand on peut faire quelque chose de

C'est sans doute en ressouvenir de l'homme au sonnet du Misanthrope, auquel ce passage semble une allusion, que Brécourt a nommé son personnage Oronte. Seulement cet Oronte-là fait beaucoup plus de façons que l'autre pour avouer ses œuvres, et il est plus modeste et moins ridicule. Oronte represente Brécourt lui-même. Cléante est également un nom qui reparaît plusieurs fois dans les comédies de Molière (Tartufe, l'Avare, le Malade imaginaire.

mieux qu'une méchante pièce, on ne doit point travailler à cet ouvrage; et quoy qu'on entreprenne, si l'on ne peut y réussir parfaitement, il vaudroit encore mieux ne rien faire du tout'. CLEANTE. Je vous trouve admirable, Oronte, avec tous ces justes et beaux raisonnemens! Mais ce qui m'en plaist le plus, c'est de vous voir si bien condamner aux autres une démangeaison dont vous n'avez pu vous défendre. Ouy, morbleu! je vous dis que vous avez fait une comédie.

ORONTE. Moy!

CLEANTE. Vous l'avez donnée à étudier déjà.

ORONTE. Encore.

CLEANTE. C'est une petite pièce en prose.

ORONTE. Bon!

CLEANTE. Et les comédiens qui la représenteront sont cachés là-haut dans vostre chambre, pour la répéter aujourd'huy. Là, rougissez,

à présent qu'on vous met le doigt sur la pièce ! Hé? ORONTE. Comment avez-vous sceu cela?

CLEANTE. Ah! comment je l'ay sceu? Que me donnerez-vous, et je vous le diray?

ORONTE. Hé, de grace! dites-moy qui m'auroit pu trahir? C'est une chose que je n'ay confiée qu'à mon frère et à ma femme. CLEANTE. Socrate se repentit d'avoir dit son secret à la sienne : mais

ce n'est point de la vostre dont j'ay appris ceci; et pour vous tirer d'inquiétude, sçachez que le hasard et vostre peu de soin m'ont appris que vous aviez fait une comédie. Vous connoissez vostre écriture apparemment, puisque je la connois aussi. Tenez : L'OMBRE DE MOLIÈRE, petite comédie en prose. Eh? ORONTE. Ah, Cléante! Je vous l'avoue, puisque vous le sçavez je

m'y suis laissé aller, il est vray. Vous tenez mon ouvrage; c'est une petite pièce de ma façon, et vous estes trop de mes amis pour ne vous le pas dire.

CLEANTE. Ah! je vous suis trop obligé vrayment, et vous m'avez confié ce secret de trop bonne grace pour ne vous en pas témoigner ma reconnoissance.

ORONTE. Que vous estes fou! Donnez donc. C'est une bagatelle que je n'ay pas jugé digne d'entrer dans vostre confidence; et, pour vous le dire franchement, c'est l'effet de quelques heures de mélancolie qui m'ont fait griffonner ce petit ouvrage. Vous sçavez

Cf. avec le Misanthrope (I, sc., 2). L'Oronte de Brécourt répète ici lui-même ce qu'Alceste dit à l'Oronte de Molière.

[blocks in formation]
« 이전계속 »