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de motifs dont chacun a sa force. Nous avons tenu, d'ailleurs, à représenter toutes les faces diverses de la comédie du temps, et aussi tous les noms qui ont marqué alors une certaine trace sur la scène comique. C'est ce qui explique comment nous avons dû admettre quelques ouvrages traités dans ce genre de convention, sans rapport avec les mœurs réelles, qui se rapproche des tragi-comédies romanesques; quelques pièces tirées de l'italien, surtout de l'espagnol, et dont l'action ne se passe point chez nous. Il était impossible d'éviter ces rencontres dans une excursion prolongée à travers un théâtre où l'imitation de l'Italie et de l'Espagne était passée à l'état de tradition, à moins de se résigner à donner une idée incomplète, et par là même inexacte, de ce théâtre. Du moins n'avons-nous reproduit qu'un très-petit nombre de ces pièces; et encore parmi elles il en est plusieurs, comme on le verra, où l'imitation se borne aux dehors, et où les auteurs peignent des physionomies françaises sous des noms étrangers.

Pour ce genre d'ouvrages, comme pour tous ceux d'une étendue considérable et n'ayant pas trait directement aux mœurs, nous n'avons pas hésité à supprimer les scènes inutiles au développement de l'action, les longues tirades parasites sans intérêt et sans utilité, mais toujours en avertissant le lecteur, et en suppléant au besoin à ces coupures par de rapides analyses. Parfois même nous nous sommes borné en quelque sorte à des extraits importants, lorsqu'il s'agissait d'un homme ou d'un ouvrage qui ne méritait pas les honneurs de la reproduction, et que pourtant nous ne pouvions omettre, sous peine de laisser une lacune dans ce tableau du théâtre contemporain de Molière. Nous eussions pu éprouver quelque scrupule s'il s'était agi de chefs-d'œuvre, mais nous en avons ressenti d'autant moins que ces suppressions, qui ont plus d'une fois profité à la pièce elle-même, nous ont permis de donner soit en entier, soit par fragments, un certain nombre d'ouvrages qu'il nous eut autrement fallu omettre. C'est pour être plus complet dans l'ensemble que nous nous sommes résigné à l'être quelquefois moins dans le détail. Quant aux pièces inté

1 C'est aussi le désir d'être plus complet qui nous a déterminé à faire im

ressantes pour l'histoire littéraire ou l'histoire des mœurs, les farces, les petites comédies en un acte, et en particulier celles qui sont relatives à Molière, nous les donnons scrupuleusement dans leur intégralité. Nous conservons les dédicaces et avis aux lecteurs toutes les fois qu'ils renferment quelque détail digne d'attention.

Mais toutes les pièces de ce recueil, qu'elles y figurent en entier ou seulement par extraits, reproduisent avec exactitude le texte des éditions originales, et, comme le demande l'état actuel de la critique et de l'érudition, l'orthographe du temps, au moins dans sa partie essentielle et fixe, et ramenée autant que possible à son type le plus habituel, en dehors de ses variations innombrables et de ses complications inutiles. Sans doute l'usage de l'orthographe moderne a prévalu pour Molière et les autres classiques du dix-septième siècle, entrés définitivement dans la langue et devenus en quelque sorte la propriété de tous ceux qui lisent; mais cette exception n'est pas applicable à nos auteurs, qui sont essentiellement les hommes et les écrivains d'une époque, dont ils doivent conserver le costume et la physionomie. Les curieux et les bibliophiles y tiennent autant que les érudits, et avec juste raison. Cela, d'ailleurs, a son importance grammaticale et littéraire : l'adoption de l'orthographe moderne eût non-seulement affaibli la saveur sui generis et l'accent de certains passages, mais entraîné des corrections arbitraires, obligé à des substitutions de termes, détruit la rime et rendu des vers faux en changeant parfois le genre des mots, en forçant à ajouter ou à retrancher une syllabe, etc.

Cette confrontation scrupuleuse avec les éditions originales chaque fois que nous avons pu les trouver, c'est-à-dire presque toujours, et en tout cas avec les éditions anciennes et très

primer les noms des interlocuteurs à la marge : si l'aspect typographique y perd quelque chose, l'étendue et la variété du recueil y gagnent d'une façon notable, et nous avons pensé que le gain valait bien le sacrifice. Il suffira d'un coup d'œil pour apprécier ce que contient de matière chacun de nos volumes plus du double de presque toutes les autres publications du même genre et du même format.

'Grâce surtout à la bibliothèque de l'Arsenal, si riche en pièces anciennes, et à quelques bibliothèques particulières, parmi lesquelles nous devons citer en b.

rapprochées de la première, nous a permis de redresser assez souvent de mauvaises leçons ou même des fautes graves. Tout en suivant le texte, nous corrigeons nous-même les erreurs grossières et évidentes, qui ne manquent jamais dans ces éditions, imprimées en général avec une précipitation et une négligence extrêmes ce sont, par exemple, des vers rendus faux par l'oubli d'une syllabe ou d'un mot qu'on devine, des listes de personnages incomplètes, des divisions de scène oubliées (que nous ne suppléons que dans les cas les plus nécessaires) ou répétées, et surtout une ponctuation si défectueuse qu'elle semble mise absolument au hasard. On ne pouvait songer à avertir en notes de toutes ces corrections, qui sont continuelles, et pour la plupart ne laissent pas lieu à la moindre hésitation; mais nous avons toujours indiqué-les douteusés et celles qui ont une certaine importance. Quant aux jeux de scène, ou plutôt aux indications explicatives dont les anciennes éditions sont si sobres, nous rétablissons celleslà seulement qui sont indispensables pour la clarté.

Nous prenons chaque théâtre successivement, en commençant par l'Hôtel de Bourgogne, qui est le plus ancien, et en finissant par celui de la troupe de Molière, d'où est sorti le théâtre de la rue Mazarine, le dernier créé et celui qui devint le centre de ralliement de toutes les troupes de Paris, en 1680. Dans chaque théâtre, nous classons simplement les auteurs à la place déterminée par la date de celle de leurs pièces qui est reproduite, ou, s'il y en a plusieurs, par la date de la première 1. Le même auteur reparaît assez souvent dans divers volumes, lorsqu'il a été représenté sur des théâtres différents.

Le choix des pièces elles-mêmes n'était pas chose aussi

première ligne, pour les ressources abondantes qu'elles nous ont fournies, et pour l'obligeance parfaite avec laquelle il nous a été permis d'y puiser à pleines mains, celles de M. Francisque jeune, appartenant aujourd'hui à la Société des auteurs dramatiques, et de notre honorable éditeur, M. Ambroise Firmin Didot.

Il semble que nous eussions pu adopter un ordre plus méthodique et plus rationnel, en classant chronologiquement les auteurs d'après la date de leur naissance. Mais, d'une part, cette date est inconnue pour un certain nombre d'entre eux; d'autre part, cet ordre nous eût conduit dans la pratique à un

facile qu'on pourrait croire: il fallait tenir compte de tous les points de vue que nous avons exposés, les balancer et les combiner sans cesse. Rien que pour le premier triage, il a fallu lire toutes les productions comiques du temps, c'est-àdire des centaines et des centaines de pièces, puis arrêter nos choix et les distribuer, à l'aide d'indications très-insuffisantes, suivant les conditions de dates, de théâtres, de valeur historique, d'intérêt littéraire, de rareté et de curiosité, de manière à embrasser à peu près, dans les limites du livre, toutes les faces de la littérature dramatique et de l'histoire des mœurs. Et ces conditions nombreuses, si difficiles à accorder entre elles, il fallait encore les modifier par d'autres considérations accessoires, en se préoccupant de la variété de chaque volume en lui-même et de tous les volumes entre eux, en évitant autant que possible, entre les pièces empruntées à un théâtre, ces ressemblances de sujets ou d'intrigue, si fréquentes alors; en s'efforçant d'alterner les genres et l'étendue des ouvrages. Il nous est fréquemment arrivé, au dernier moment, par suite de quelqu'une de ces nécessités qui ne se révèlent que dans l'application, de nous voir contraint à rejeter des pièces choisies et entièrement annotées, pour les remplacer par d'autres, qui n'étaient pas toujours plus heureuses elles-mêmes. C'était là le travail préalable et caché, nécessaire pour établir la matière du recueil, et antérieur à cette partie visible qui se montre par les notes et les notices. Avant de nous reprocher d'avoir choisi pour la reproduire telle pièce à l'exclusion de telle autre, nous prions. le lecteur de se demander si celle-ci n'était pas nécessairement exclue par sa date, par sa conservation au répertoire, par sa représentation sur un théâtre différent ou sa non-représentation; si celle-là ne peut revendiquer pour elle des motifs particuliers de préférence, tirés de ceux que nous avons énumérés plus haut, et qui se révéleront à la lecture attentive de la pièce, ou de la notice et des notes.

désordre bizarre, en nous forçant par exemple, de mettre la Vengeance des marquis, de Villiers, avant le Portrait du peintre, de Boursault, bien que la pièce de Villiers ait été à l'Hôtel de Bourgogne le dernier acte des hostilités dont celle de Boursault avait marqué le début.

C'est moins dans le détail que dans l'ensemble qu'il faut apprécier un recueil du genre de celui-ci, et dans cette appréciation, il nous est permis d'espérer qu'on voudra bien tenir compte des travaux et des commentaires de l'éditeur, et les considérer, à côté du texte qui leur sert d'occasion, comme un élément essentiel ou tout au moins comme un complément de l'intérêt de cet ouvrage. Ces notes nous ont coûté d'innombrables recherches, mais pleines d'attraits dans leurs fatigues mêmes. Ceux-là seuls qui ont quelque habitude de pareils travaux pourront se rendre compte des difficultés et de l'étendue de ces recherches, et de la conscience, j'allais dire de la passion, avec laquelle elles -ont été poussées à bout. Il est tel fait ou telle date consigné en une ligne qui représente une semaine d'investigations. Ajoutons qu'on y trouvera non-seulement des renseignements peu connus, mais quelques résultats nouveaux, et la rectification d'un grand nombre d'erreurs de détails, relatifs à l'histoire de la littérature dramatique, et plusieurs directement à Molière lui-même. Non pas que nous nous flattions d'avoir rien apporté de vraiment nouveau, à un point de vue plus général, soit pour la biographie, soit pour l'appréciation du grand poëte comique nous avons

seulement réuni et groupé des matériaux, jusqu'alors épars, peu accessibles et peu connus; mis par là le lecteur studieux à même de juger plus aisément, plus sûrement, plus complétement, sa vie et son œuvre; enfin jeté plus de jour sur certains côtés de sa carrière, surtout à l'époque où son nom, entré en pleine possession de la renommée, commençait à soulever autour de lui les jalousies, les colères et les haines en même temps que l'admiration.

Telle est la nature et tel est le but du recueil dont nous publions aujourd'hui le premier volume. Nous espérons qu'il ne sera pas sans utilité pour la connaissance de plus en plus approfondie de ce dix-septième siècle, auquel nous avons déjà consacré tant de travaux, et qu'il ne faut pas étudier seulement dans ses grands écrivains et dans ses grands événements, sous peine de ne le connaitre qu'à moitié.

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