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j'avois ordre d'aller faire vifite à Dom Juan qui étoit à Sarragoffe, pour l'entretenir fur le miferable état de l'Espagne. La plupart prenoient ce prétexte pour crier contre la Junte, peutêtre parcequ'ils n'en étoient pas. Enfin j'appris par M. le Marquis d'Aytonne & M. de Caftel Rodrigues que l'on commençoit à dire, qu'il feroit à propos de me faire fortir de Madrid & qu'on avoit propofé de me donner quelque chofe fur la flotte qui devoit arriver à la fin du mois de Septembre.

Il y avoit à Madrid une petite Marchande Françoife qui avoit bien de l'efprit, elle vendoit toutes fortes de marchandifes venant de Paris, ce qui étoit fort au gré des Dames Efpagnoles, il me vint en pensée de la charger de dire à la fem. me d'un Miniftre que fi elle pouvoit

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pouvoit apprendre quelque cho fe de particulier fur ce qui fe paffoit touchant les affaires de M. le Prince pour me le faire fçavoir, elle lui feroit volontiers des préfens de tout cequ'elle esti moit le plus des marchandifes de fa Boutique, & que ce feroit même fervir l'Espagne, que de contribuer à faire juftice à M. le Prince, qui l'avoit fi bien fervi, Le Miniftre étoit vieux & la femme qui étoit jeune paroiffeit d'af fez bonne volonté pour vouloir rendre fervice à M. le Prince elle reçut quelques petits préfens de ma part qui lui firent plaifir. Je la fis inftruire par petite Marchande, qu'il falloir quelquefois quand je la ferois avertir, qu'elle priât le bonhomme, lorfqu'il feroit avec elle, de lui apprendre quelque chofe des affaires de M. le Prince, parcequ'elle entendoit dire Tom. 11.

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tous les jours à des Dames de fa connoiffance que le Prince de Condé avoit parfaitement bien fervi le Roy; & qu'après qu'il lui auroit répondu sur cela, elle parût avoir une converfation plus enjouée avec le vieillard. J'appris bien - tôt que l'on parloit de me donner quelque chofe; & comme je rendois compte de tout ce que je faifois à M. l'Ambaffadeur, me dit que la voye que j'avois prife étoit très bonne, & qu'après que j'aurois fini mes affaires il pourroit bien fe fervir de cette manœuvre dans quelque Soccafion de celles dont il étoit chargé. Je paffois mon temps avec M. l'Ambaffadeur, mes camarades & fesDomestiques dans les promenades ordinaires, & fouvent après fouper nous montions à cheval pour aller dans les champs & y goûter le bon

air que nous fentions d'une fraîcheur à faire plaifir. Jem'étois avifé d'acheter quelques chevaux ifabelles affez forts pour être mis à un caroffe, cependant un peu vieux & dociles, dont le plus cher ne me coûtoit que cent écus; j'étois le feul particulier à Madrid qui eût des chevaux à fon carroffe, le Roy n'en ayant qu'un feul attellage. Auffi-tôt M. le Comte Eznard Nugués en fit acheter quatre; mais comme on les avoit choifi plus jeunes, on avoit beaucoup de peine à s'en fervir, parceque les chevaux de devant, qui font fort loin de ceux de derriére,s'entre-laffoient dans des cordes qui les tiennent (c'est la maniére du pays, le cocher étant fur le cheval de derriére, comme l'on voit ici à nos coches). Les carroffes du Roy étoient encore conftruits de la même façon, il y avoit cepen

dant quelques carroffes à Madrid appartenans à des Gouverneurs de Provinces qui en avoient amené en revenant, mais en petit nombre: j'ay oui dire dans les derniers temps qu'il y avoit plus de chevaux à Madrid que de mules. Nous allions donc fouvent aux promenades publiques, qui fe font tantôt d'un côté tantôt d'un autre pour cela les jours & les temps font marquez. L'usage eft que quand on se trouve arrêté vis-à-vis d'un carroffe, où il n'y a que des femmes, il faut leur dire quelque chofe & ce langaeft ordinairement gaillard & un peu plus qu'à double entente. Elles répondent avec béaucoup de vivacité, mais quand il y a un homme avec des femmes, que vous n'aviez pas apperçu. Elles vous difent de vous taire, parcequ'elles font accom

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