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M. le Duc qui a plus d'imagination que perfonne du monde, propofoit toujours des chofes nouvelles, & M. le Prince, quoiqu'elles dûffent coûter, les faifoit éxécuter. Enfin cette dépenfe alla fi loin qu'elle fe montoit à environ deux cent mille livres chaque année pendant un temps confiderable, cependant les deux dernieres années de fa vie cela diminua beaucoup, lui ayant reprefenté auffi fortement que je l'avois ofé, que s'il n'avoit la bonté de fe moderer fur fes dépenfes, fa Maison retomberoit dans le défordre dont je pouvois dire que je l'avois retiré. Je prenois quelquefois la liberté de dire à M. le Duc que par l'application qu'il avoit à propofer de nouvelles dépenfes pour Chantilly, dont je marquois avoir quelque répugnan-, il faifoit comme s'il avoit crû

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que ce fût mon argent qu'on y dépensoit.

Depuis que M. de Louvois m'eut admis à fon commerce, il m'honora toujours de fon amitié & de fa confiance, cela a duré jufqu'à fa mort. Un jour m'entretenant dans fon jardin, à Saint Germain, du choix qu'il pourroit faire pour marier sa fille aînée, peut-être pour voir fi je ne nommerois pas M. de la Rocheguyon, je lui propofai naturellement ce mariage, croyant l'affaire également bonne pour M. de la Rochefoucault & pour lui. Je me fouviens que dans cette même promenade il me dit qu'il lui fembloit que le Roy avoit du goût pour moi, & qu'il croyoit que fi je voulois me détacher de M. le Prince & de M. le Duc, je pourrois trouver à m'avancer avec le Roy, felon les occafions qui fe prefenteroien

je le remerciai fort de fa bonne volonté, je lui répondis, que j'avois borné mon ambition au fervice & à l'attachement que j'avois pour ces Princes. M. Colbert depuis mon retour d'Espagne avoit toujours bien fait avec moi. Je vivois dans fa maison avec une aifance trés-agréable, & me fuis dans la fuite toujours parfaitement bien conduit avec ce Miniftre & avec M. de Louvois, quoiqu'il y eût beaucoup de jaloufie & d'antipatie entre eux, fans que jamais ni l'un ni l'autre ayent témoigné aucune défiance de la familiarité avec laquelle tous deux vivoient avec moi; ce qui m'a toujours paru une chofe fort rare par l'humeur de ces deux Miniftres: tout le monde étoit furpris de me voir également bien venu à Meudon & à Seaux. M. le Duc après m'ayoir remis la conduite de ses af

faires, à condition néamoins de faire tenir deux regiftres féparez de celles de M. fon pere & des fiennes. Monfieur le Duc de Bourbon qui commençoit à faire de la dépenfe, qui couroit encore fur M. le Prince, m'ordonna de confondre entierement ses revenus avec ceux de M. le Prince fon pere, me difant qu'il vouloit seulement se réserver cent mille livres pour ses habits & pour fes menus plaifirs, ce qui a duré jufqu'à la mort de M. le Prince. Comme je ne pouvois empêcher les dépenfes, je cherchois toutes fortes de moyens pour augmenter la recette, foit par des ventes de bois en Bretagne, ou en Berry, ou enfin par tout ce par tout ce qui pouvoit venir à ma connoiffance. Je m'avisai de propofer la fuppreffion des trois Bailliages du Cler montois & d'en établir un à Va

rennes, avec le nombre de Confeillers & d'Officiers néceffaires reffortiffant au Parlement de Paris, en rembourfant ceux qu'on fupprimoit, ce qui n'alloit qu'à très-peu de chofe, & après en avoir fait la déclaration, quand M. Colbert en parla au Roy, Sa Majefté dit, qu'elle ne voyoit pas à quoi cela étoit néceffaire, & qu'apparemment c'étoit une imagination que j'avois trouvée pour faire venir de l'argent à M. le Duc; M. de Louvois convint que cela pouvoit bien être, mais que la chofe n'étoit d'aucune conféquence pour le Roy, & l'affaire étant paffée, M. le Duc en tira environ foixante & quinze mille livres de profit. Monfieur Colbert me difoit quelquefois de bonne amitié, que je ferois bien de me réfoudre à donner quelques fommes au Roy, pour lui fournir un prétexte d'obte

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