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rent auffi-tôt qu'ils me virent, pour s'avancer d'où je venois & moi j'y demeurai. M. le Prince ayant confideré long-temps la marche des Ennemis, réfolut un moment après de les attaquer; il aperçut qu'il y avoit un bois proche du lieu par où il vouloit commencer, & refléchiffant s'il y avoit des troupes derriere ce bois, elles pourroient le charger en flanc; il prit le parti de s'en éclaircir: il me fouvient que Meffieurs de Navailles, de Luxembourg & de Rochefort fes Lieutenans Generaux, étoient auprès de lui, & qu'il leur donnoit fes ordres avec un peu de chaleur, mais quand il fut à portée de pouvoir connoître s'il y avoit quelques troupes riere le bois, il dit à ces Meffieursqu'il s'y en alloit pour s'affurer de la chofe,tous s'offrirentd'y aller pour lui en rendre compte;

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ilfe mit un peu en colere & les pria de le laiffer faire, chacun s'arrêta, il y alla feul au petit galop laiffant ce bois à deux ou trois cens pas à gauche; & lorf qu'il fut par delà & qu'il fut affuré qu'il n'y avoit aucunes troupes, il s'en revint bien plus vîte qu'il n'étoit parti, en approchant ces Meffieurs, il pouffa fon Cheval & leur dit en riant, il n'y a qu'à les charger pour les battre, & aparemment ayant fongé qu'il s'étoit mis un peu en colere & peut être hors de propos; il acheva de leur donner fes ordres avec beaucoup de douceur. Il fe mit à la tête du Regiment de la Reine, & donnant l'ordre de charger, il tira fon épée du fourreau, qui étoit at teffée d'un ruban, qu'il avoit paflé dans fon bras; j'eus peur qu'elle ne le bleffat, parcequ'il n'avoit que des bas de Soye, dans

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ce moment on commença a charger les Ennemis, je vis auffitôt revenir M. le Comte de Rochefort qui étoit bleflé.En avançant je vis qu'on portoit M. de Montal qui avoit reçu un coup de moufquet à la jambe, beaucoup d'autres Officiers qui étoient déja hors de combat & un très-grand nombre de morts ou de mourants; je fis reflexion que s'il m'arrivoit quelqu'accident, cela ne m'attireroit que des railleries. Le Regiment de Naffau qui avoit été forcé, fe jetta dans l'Eglife de Senés, M. de la Cardonniere avec une troupe des Gardes, ayant fait ouvrir l'Eglife, leur promit qu'ils auroient bon quartier, & les pris prifonniers; il me demanda fi je voulois qu'il me laiffat vingt gardes pour les conduire au camp, voulant aller rejoindre Monfieur le Prince avec la troupe, je pris

ce qu'il me difoit pour un commandement & me chargeai volontiers de ces perfonnes au nombre de deux cent, parmi lefquels étoit un Prince de Naffau fort bleffé & quatre ou cinq autres Officiers que les Soldats mirent fur des échelles pour les emporter. Je me mis en marche pour les mener au Château de Trefigny, deux de ces pauvres Officiers, à ce que me dirent les Soldats, étoient morts & furent laillez à côté du chemin fur les échelles. J'entendois des décharges fi furieufes que cela me faifoit fremir & me perfuadoit, encore que j'avois pris le bon parti. Je conduifis mes prifonniers & les mis dans une grange, de temps en temps il paffoit des gens bleffez qui s'en retournoient au Camp, M. le Marquis de Villeroy, depuis Maréchal de France, battit l'arriere

garde. Sur le foir M. le Chevalier de Fourille me dit qu'il fe croyoit bleffé à mort, mais qu'il étoit ravi de s'être trouvé une fois avec M. le Prince, & en jurant m'exageroit fa valeur & que s'il n'étoit pas tué, il acheveroit de défaire entierement les ennemis, beaucoup d'autres perfonnes qui paffoient me parloient toutes également de la valeur de M. le Prince & à mefure qu'on faifoit des prifonniers on me les amenoit, un Officier François demanda à me parler & me pria de le faire fortir parcequ'il avoit été condamné à mort à Paris pour l'enlevement d'une fille, je le menai à la porte & lui dis de fe fauver comme il pourroit. Parmi les Prifonniers qu'on m'amenoit j'en trouvois de ma connoiffance & beaucoup de Gens de qualité qui avoient été pris, que je mis dans ma

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