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obtenir, après la manière dont le Roy m'avoit accordé des Lettres Patentes & l'envie que M. de Pontchartrain avoit de me faire plaifir, effectivement je les obtins auffi-tôt que je les eus demandé, & je me mis en marche pour voir Meffieurs de la Chambre chez eux, ayant été averti que cela étoit neceffaire. M. Pajot Maître des Comptes que j'avois fort connû lorfque j'étois premier Commis de M. de Pomponne, les ayant prefenté à la Chambre, elles furent verifiées tout d'une voix.

Lorfque j'ai commencé à faire écrire tout ce qui m'étoit arrivé de tant foit peu de confideration, je n'efperois pas vivre affez pour en venir à bout , parcequ'il n'eft peut-être jamais arrivé, qu'aucun homme à 78 ans ait entrepris rien de femblable, mais le plaifir que j'ai eu a Aa

Tom. 11.

beaucoup aidé à me rendre ce deffein plus facile que je n'avois efperé, à prefent que je l'ai ache vé fans autre fecours que celui de ma mémoire; il me vient en pensée de chercher la cause de l'état où je me trouve depuis fix années, fans pouvoir me fervir de mes jambes, le mal que j'ai eu à une jambe, quoique trèsgrand, ne doit pas avoir produit cet effet fur l'autre. Il me fouvient qu'il y a environ vingt ans j'eus la goute à diverfes fois, non pas bien forte à la verité, & que huit ou dixans après je commençai à ne plus fentir de douleur mais feulement quelques foibleffes à mes genouxqui ontaugmentées peuapeu,affez pour que je ne puffe marcher fans m'apuyer fur quelqu'un. L'accident qui m'arriva, comme je l'ai dit en commençant ces Mémoires, m'ayant empêché pendant quelque tems

de m'apuyer en quelque façon fur cette jambe, on me dit que je devois effayer de me fervir de bequille, de crainte qu'avec le temps je ne me trouvalle hors d'état de pouvoir jamais marcher, j'effayai donc de m'en fervir, mais inutilement ; & enfin peu à peu j'ai pris mon parti, je regarde comme un effet de ma bonne fortune de n'être pas auffi touché de ce malheur, comme je l'aurois peut-être été, s'il m'étoit arrivé tout d'un coup. Pendant un certain temps ceux qui étoient auprès de moi s'apercevoient que mon efprit n'étoit pas auffi libre qu'il avoit accoutumé, je fentis bien auffi en moi-même qu'il y avoit de la difference, furtout quand je voulois écrire quelques lettres, parcequ'après les avoir commencé, j'avois befoin de quelqu'un pour m'aider à les acehver, cela fai

foit que je n'en écrivois plus. La paix étant faite M. le Duc de Zell envoya auRoy Monfieur le Comte de Chalembourg, qui me vint dire, que Son Alteffe l'avoit chargé de me faire bien des amitiez de fa part & de celle de Madame la Ducheffe, cela me donna beaucoup de joie, je me tirai de cette converfation le mieux qu'il me fut poffible, en le chargeant de beaucoup de remercimens pour Leurs Alteffes. Lorfque j'étois dans cet état, Milord Portland étant venu à Pa ris, Ambassadeur du Roy d'Angleterre, m'envoya un homme de fa connoiffance & de la mien ne, pour me dire qu'il avoit or dre du Roy fon maître de me voir & de faire fçavoir de mes nouvelles à Sa Majefté Britannique. Je fis réflexion fur l'embarras où je me trouvois, mais cela n'empêcha pas que je ne

répondiffe qu'il me feroit honneur, & m'ayant demandé mon heure, je lui dis, que ce feroit quand il lui plairoit, mais que s'il vouloit bien ce feroit le lendemain à trois heures, je me fis porter dans mon apartement en haut qui étoit fort propre (ce fut la premiere fois que je fortis de ma chambre depuis fix ans), le plaisir que je recevois de cette vifite & l'honneur qu'elle me faifoit, rappella affez mes efprits, pour me bien tirer de cette converfation, non feulement je le remerciai des honnêtetez qu'il me fit de la part du Roy fon maître & de toutes les bontez de Sa Majefté, mais encore des obligations que je lui avois, difant qu'elle s'étoit bien fait connoître telle que je l'avois représenté en France après quelques questions de part & d'autre, il me dit qu'il avoit

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