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de ma chambre & m'entretient lorfque je puis m'ennuyer. Mignot qui a vingt-cinq ans de date, eft Chef de mon Confeil dont il n'abufe pas, & eft mon Valet-de-Chambre.

Le troifiéme s'appelle Rofe, il eft avec moi depuis dix-fept ans, en qualité d'Officier & prefentement il occupe plufieurs Charges, il feroit Maître-d'Hôtel fi j'en devois avoir un, mais quoiqu'il en foit il fait la pitance & s'en acquite fort bien.

Le quatrième, le Clerc en da. te de quinze ans, fait parfaite. ment bien les messages, je n'oferois lui donner d'autre qualité, pour ne pas doubler les Of ficiers.

Le cinquième eft, un jeune drôle qui fe nomme Gibé & a de l'efprit, il eft né pour l'Ecriture & ne fçauroit s'empêcher d'avoir toujours la plume à la

main, quand il a ceffé de me lire quelques livres, ce qui fait qu'il ne fort point de ma chambre.

J'ai une grande curiofité pour les nouvelles, je fuis des premiers averti de tout ce qui fe paffe, j'en fais des rélations pour mes amis de la Province, qui leur font grand plaifir, enfin le jour fe paffe doucement, le foir je fais jouer à l'Imperiale & confeille à celui qui eft à mon côté, depuis quelques années je compte de ne pouvoir pas vivre long. temps; au commencement de chacune je fouhaite pouvoir manger des fraises, quand elles font paffées, j'afpire aux pêches, & cela durera autant qu'il plaira à Dieu.

Je me fuis fort preffé d'écrire mes avantures & les agitations de ma vie, pour arriver au temps que j'ai commenccé à goûter

afin

pro

dans le port (pour ainfi dire) le repos dont je jouis presentement par l'exceffive bonté du Roy, mais si j'ai dicté avec précipitation ce que ma mémoire me fourniffoit fur le champ, ç'a toujours été dans la vue de revoir les Mémoires que j'ai fait, d'y ajouter beaucoup de chofes qui me font échapées, ou que j'ai laiffe volontairement, pour aller au but que je m'étois pofé. L'état où je me fuis trouvé depuis près de dix ans augmente de beaucoup mes fentimens reconnoissance, puifque fi j'avois eû peu de bien, comme j'ai été fur le point de m'y voir ex. pofé, j'ai tout lieu de croire que je n'aurois pas tant vécû, & que j'aurois triftement langui le reste de mes jours dans la folitude où je me ferois trouvé, ce qui m'au roit caufé des chagrins, qui m'auroient accable; le grand

de

nombre de mes amis m'a perdu de vûe, dès que j'ai été regardé comme ne pouvant être utile à perfonne. L'état où j'étois au commencement de mon incommodité y a beaucoup contribué, par le bruit qui couroit, que j'étois prefque hors d'état d'entretenir aucun commerce, la plûpart aimerent mieux se laiffer aller à le croire, que de fe donner la peine de venir s'en informer, c'est ainfi que le monde est fait, ce qui m'a moins furpris qu'un autre par le commerce que j'en avois. Ne pouvant plus fortir de ma chambre, je me fuis défait de mon carroffe,& n'ayant point de laquais, je me fuis réfervé cinq perfonnes, dont quatre ne fórtoient prefque jamais de ma chambre, & trois fçavoient bien lire & écrire, ce qui m'a été d'un grand fecours, la plûpart vieux domeftiques de quinze, vingt

T

& trente ans,tous fort affectionnez par reconnoiffance du paffé, mais comme ce font des hom mes,j'ai crû qu'il falloit les maintenir dans leurs bonnes intentions par quelque bienfait prefent, & par l'efperance de l'avenir. Depuis que je me fuis avifé du plaifir de faire mettre par écrit tout ce qui m'est arrivé d'un peu confiderable pendant ma vie, j'ai prefque abandonné la lecture, & comme il paroît par tout ce que j'ai raporté ci, devant, que j'ai toujours été honoré de la bienveillance de Mef fieurs les Miniftres, je me propofe d'ajouter ici non pas leurs Portraits, m'eftimant un très, méchant peintre, mais de les representer tels qu'ils m'ont parú ru par le commerce que j'ai eu

avec eux.

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M. le Cardinal Mazarin avoit

beaucoup d'efprit dans la con

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