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pondit rien à ce que je venois de dire. Après la mort de M. le Cardinal,fuivant toujours fon même caractere, il eut peine à fe tenir dans les bornes où il falloit être avec le Roy, & c'est sur cela que M. le Tellier me raconta une fois fes fujets de plaintes; mais enfin il avoit fait fon projet de s'acquerir par diftinction les bonnes graces du Roy, ce qui lui attira fa perte & qui, (à mon avis,) a donné lieu aux autres de faire des réflexions fur cet exemple, je crois avoir rémarqué, qu'auffi-tôt que le Roy eut pris les rênes du Gouvernement, il ne voulut point fouffrir qu'aucun de fes Miniftres fortît des bornes de fa Commission, pour empiéter fur celle dés autres. Je me fouviens qu'étant à la Haye en 1665, M. d'Eftrades me fit voir deux Lettrés, par lefquelles M. Colbert lui mandoit de

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faire faire telles ou telles chofes, & que par le premier Courrier il lui envoyeroit les ordres du Roy, fur quoi M. d'Estrades me dit que cela tranchoit du Premier Miniftre, je lui répondis que je croyois connoître aflez le Roy pour me perfuader qu'il ne le fouffriroit jamais. En effet il m'a toujours parû que fon intention étoit que chacun ne fe mêlât que des affaires de fa Charge. Il permettoit à tous dans fon Confeil de dire leur avis fur l'affaire dont il étoit question, mais après la résolution prife, il ne leur étoit gueres permis, quand ils avoient eû quelque pensée nouvelle, de la rapporter en particulier à Sa Majefté, ni de propofer de revenir contre ce qui avoit été arrêté. J'en ai quelquefois vû des preuves, par la liberté que j'avois de parler de toutes chofes

à M. de Louvois, & la confian ce avec laquelle il m'y répondoit, entr'autres à l'occafion de la réfolution qui fut prife de faire fortir du Royaume tous les Miniftres avec leurs familles auffi-tôt que je le fçûs, j'allai trouver M. de Louvois pour lui dire, qu'au lieu de cet ordre que l'on vouloit donner aux Miniftres pour fortir de France, je ne fçavois s'il ne conviendroit pas mieux de les envoyer par vingtaines, aux Châteaux où il y avoit des mortes payes, en leur laiffant la liberté de commercer avec leur femmes & leurs amis. Que la plupart n'avoient de revenu que ce qu'ils tiroient de leurs Emplois, que bientôt leurs femmes auroient peine à faire fubfifter leurs familles, & feroient dans peu réduites à la derniere extrêmité & qu'ainfi fe trouvans tous dans le même cas,

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il leur pourroit bien venir en pensée de convenir entr'eux, que l'on pourroit le fauver dans les deux Religions, ce n'étant pas même une chose nouvelle, furtout, fi les Gouverneurs leur infinuoient, que l'on ne pouvoit pas juger du temps que finiroit leur détention, & d'ailleurs que le zele du Roy le porteroit volontiers à donner des penfions proportionnées à ce qu'ils tiroient de leurs Emplois, à ceux aufquels Dieu infpireroit de bonne heure la connoiffance de la bonne Religion, qu'on au gmenteroit le bien qu'on leur voudroit faire à proportion de celui qu'ils feroient, quand ils feroient rétournez chez eux & du nombre des converfions qu'ils feroient de ceux fur qui ils auroient de l'autorité fpirituelle. L'attention qu'il donna à tout mon discours, fans m'avoir

aucunement interrompû, me fit croire qu'il avoit trouvé mon raisonnement meilleur que ce qui avoit été réfolû & même il en convint, mais en même temps il ajouta, qu'il ne pouvoit pas en parler au Roy, qui n'aimoit pas qu'on lui propofât rien contre ce qui avoit été réfolu en fon Confeil, & moi qui croyois que Sa Majesté en tout temps prendroit de bonne part ce qui lui feroit representé, pour en tirer le bien qui en pourroit venir, je penfai qu'aparemment c'étoit M. de Louvois qui avoit fait l'ouverture de cet avis, & qu'il ne lui convenoit pas den aller propofer un contraire.

M. le Tellier très-grand Miniftre a toujours eu une conduite fort réglée & avoit beaucoup de douceur quand il donnoit audience aux Officiers, une ambition moderée, & n'auroit pas

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